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Bible de Jérusalem

Genèse 18

L’apparition de Mambré.l

18 Yahvé lui apparut aux Chênes de Mambré, tandis qu’il était assis à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour.

l Dans leur forme finale, les chap. 18-19 sont un récit de tradition yahviste qui narre une apparition de Yahvé (vv. 1, 10-11, 13, 22) accompagné de deux « hommes » qui, d’après 19.1, 15, sont deux anges. Mais la forme primitive du récit a pu parler simplement de « trois hommes », ou même « trois anges » représentant Dieu, dont ils seraient les envoyés, 19.14, pour parler et agir en son nom, ce qui expliquerait le « Yahvé dit » aux moments clés du récit. Malgré cette pluralité, il y aurait à la base une conception semblable à celle du chap. 16 (cf. 13) et cela expliquerait le changement entre pluriel et singulier. Si actuellement Yahvé est l’un des trois, cela tient à des additions, 18.17-19 ; 19.1 (noter le « deux »), 27, et surtout 18.22-33, l’intercession d’Abraham. Dans ces trois hommes auxquels Abraham s’adresse au singulier, beaucoup de Pères ont vu l’annonce du mystère de la Trinité, dont la révélation est réservée au NT. Le récit prépare celui du chap. 19. Le Yahviste a recueilli et transformé une vieille légende sur la destruction de Sodome, dans laquelle interviennent trois personnages divins. Cette histoire formait le noyau d’un cycle de Lot qui fut rattaché au cycle d’Abraham.

2 Ayant levé les yeux, voilà qu’il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui ; dès qu’il les vit, il courut de l’entrée de la tente à leur rencontre et se prosterna à terre.m

m Ce n’est pas une « adoration », un acte de culte, mais une simple marque d’hommage. Abraham ne reconnaît d’abord dans les visiteurs que des hôtes humains, et leur témoigne une magnifique hospitalité. Leur caractère divin ne se manifestera que progressivement, vv. 2, 9, 13, 14.

3 Il dit : « Monseigneur, je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t’arrêter. 4 Qu’on apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds et vous vous étendrez sous l’arbre. 5 Que j’aille chercher un morceau de pain et vous vous réconforterez le cœur avant d’aller plus loin ; c’est bien pour cela que vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais donc comme tu as dit. »

6 Abraham se hâta vers la tente auprès de Sara et dit : « Prends vite trois boisseaux de farine, de fleur de farine, pétris et fais des galettes. » 7 Puis Abraham courut au troupeau et prit un veau tendre et bon ; il le donna au serviteur qui se hâta de le préparer. 8 Il prit du caillé, du lait, le veau qu’il avait apprêté et plaça le tout devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, et ils mangèrent.

9 Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit « Elle est dans la tente. » 10 L’hôte dit : « Je reviendrai vers toi l’an prochain ; alors, ta femme Sara aura un fils. » Sara écoutait, à l’entrée de la tente, qui se trouvait derrière lui.

11 Or Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes. 12 Donc, Sara rit en elle-même,n se disant : « Maintenant que je suis usée, je connaîtrais le plaisir ! Et mon mari qui est un vieillard ! »

n Allusion au nom d’Isaac, voir 17.17. Ce rire n’est pas un manque de foi Sara ne connaît pas encore l’identité de l’hôte, qu’elle devinera au v. 15, d’où alors sa crainte.

13 Mais Yahvé dit à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri, se disant : Vraiment, vais-je encore enfanter, alors que je suis devenue vieille ? 14 Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? À la même saison l’an prochain, je reviendrai chez toi et Sara aura un fils. » 15 Sara démentit : « Je n’ai pas ri », dit-elle, car elle avait peur, mais il répliqua : « Si, tu as ri. »

16 Les hommes se levèrent de là et se dirigèrent vers Sodome. Abraham marchait avec eux pour les reconduire.

L’intercession d’Abraham.

17 Yahvé s’était dit : « Vais-je cacher à Abraham ce que je vais faire, 18 alors qu’Abraham deviendra une nation grande et puissante et que par lui se béniront toutes les nations de la terre ? 19 Car je l’ai distingué, pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de Yahvé en accomplissant la justice et le droit ; de la sorte, Yahvé réalisera pour Abraham ce qu’il lui a promis. » 20 Donc, Yahvé dit : « Le cri contre Sodome et Gomorrhe est bien grand ! Leur péché est bien grave ! 21 Je vais descendre pour voir s’ils ont fait touto ce qu’indique le cri qui est monté vers moi ; sinon, je le saurai. »

o « tout » kullah conj. ; « anéantissement » kalah hébr.

22 Les hommes partirentp de là et allèrent à Sodome. Abraham se tenait encore devant Yahvé.

p Les deux « hommes », distingués de Yahvé qui reste avec Abraham. On dira plus loin, 19.1, qu’ils sont des Anges.

23 Abraham s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment supprimer le juste avec le pécheur ? 24 Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les supprimer et ne pardonneras-tu pas à la cité pour les cinquante justes qui sont dans son sein ?q

q Problème de tous les temps les bons doivent-ils souffrir avec les méchants, et à cause d’eux ? Si fort était, dans l’ancien Israël, le sentiment de la responsabilité collective, qu’on ne se demande pas ici si les justes pourraient être individuellement épargnés. En fait, Dieu sauvera Lot et sa famille, 19.15-16 ; mais le principe de la responsabilité individuelle ne sera dégagé que dans Dt 7.10 ; 24.16 ; Jr 31.29-30 ; Ez 14.12s et 18, voir les notes. Abraham demande seulement, tous devant subir le même sort, si quelques justes n’obtiendront pas le pardon de beaucoup de coupables. Les réponses de Yahvé sanctionnent le rôle sauveur des saints dans le monde. Mais, dans son marchandage de miséricorde, Abraham n’ose pas descendre au-dessous de dix justes. D’après Jr 5.1 et Ez 22.30, Dieu pardonnerait à Jérusalem s’il n’y trouvait qu’un juste. Enfin, en Isa 53, c’est la souffrance du seul Serviteur qui doit sauver tout le peuple, mais cette annonce ne sera comprise que lorsqu’elle sera réalisée par le Christ.

25 Loin de toi de faire cette chose-là ! de faire mourir le juste avec le pécheur, en sorte que le juste soit traité comme le pécheur. Loin de toi ! Est-ce que le juge de toute la terre ne rendra pas justice ? »r

r Cf. Rm 3.6. Il y a plus d’injustice à condamner quelques innocents qu’à épargner une multitude de coupables.

26 Yahvé répondit : « Si je trouve à Sodome cinquante justes dans la ville, je pardonnerai à toute la cité à cause d’eux. »

27 Abraham reprit : « Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. 28 Mais peut-être, des cinquante justes en manquera-t-il cinq : feras-tu, pour cinq, périr toute la ville ? » Il répondit : « Non, si j’y trouve quarante-cinq justes. » 29 Abraham reprit encore la parole et dit : « Peut-être n’y en aura-t-il que quarante », et il répondit : « Je ne le ferai pas, à cause des quarante. »

30 Abraham dit : « Que mon Seigneur ne s’irrite pas et que je puisse parler : peut-être s’en trouvera-t-il trente », et il répondit : « Je ne le ferai pas, si j’en trouve trente. » 31 Il dit : « Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur : peut-être s’en trouvera-t-il vingt », et il répondit : « Je ne détruirai pas, à cause des vingt. » 32 Il dit : « Que mon Seigneur ne s’irrite pas et je parlerai une dernière fois : peut-être s’en trouvera-t-il dix », et il répondit : « Je ne détruirai pas, à cause des dix. »

33 Yahvé, ayant achevé de parler à Abraham, s’en alla, et Abraham retourna chez lui.s

s Il reviendra le lendemain, pour voir, 19.27.