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Bible de Jérusalem

Genèse 25.23

23 et Yahvé lui dit :

« Il y a deux nations en ton sein,
deux peuples, issus de toi, se sépareront,
un peuple dominera un peuple,
l’aîné servira le cadet. »i

i Cf. note sur 4.5. La lutte des enfants dans le sein maternel présage l’hostilité des deux peuples frères les Édomites descendants d’Ésaü et les Israélites descendants de Jacob. Les Édomites, Nb 20.23, furent asservis par David, 2 S 8.13-14, et ne s’affranchirent définitivement que sous Joram de Juda, au milieu du IXe siècle, 2 R 8.20-22.

Genèse 27

Jacob surprend la bénédiction d’Isaac.s

27 Isaac était devenu vieux et ses yeux avaient faibli jusqu’à ne plus voir. Il appela son fils aîné Ésaü : « Mon fils ! » lui dit-il, et celui-ci répondit : « Oui ! »

s Récit yahviste vantant l’astuce de Jacob, mais nuancé, dans sa rédaction définitive, de discrète réprobation pour la ruse de Rébecca et de pitié pour Ésaü. Le mensonge ici rapporté, dans le cadre d’une morale encore imparfaite, sert mystérieusement l’action de Dieu dont le libre choix a préféré Jacob à Ésaü, 25.23 ; cf. Ml 1.2s ; Rm 9.13.

2 Il reprit : « Tu vois, je suis vieux et je ne connais pas le jour de ma mort. 3 Maintenant, prends tes armes, ton carquois et ton arc, sors dans la campagne et tue-moi du gibier. 4 Apprête-moi un régal comme j’aime et apporte-le-moi, que je mange, afin que mon âme te bénisse avant que je meure » — 5 Or Rébecca écoutait pendant qu’Isaac parlait à son fils Ésaü. — Ésaü alla donc dans la campagne chasser du gibier pour son père.

6 Rébecca dit à son fils Jacob : « Je viens d’entendre ton père dire à ton frère Ésaü : 7 « Apporte-moi du gibier et apprête-moi un régal, je mangerai et je te bénirai devant Yahvé avant de mourir. » 8 Maintenant, mon fils, écoute-moi et fais comme je t’ordonne. 9 Va au troupeau et apporte-moi de là deux beaux chevreaux, et j’en préparerai un régal pour ton père, comme il aime. 10 Tu le présenteras à ton père et il mangera, afin qu’il te bénisse avant de mourir. »

11 Jacob dit à sa mère Rébecca : « Vois : mon frère Ésaü est velu, et moi j’ai la peau bien lisse. 12 Peut-être mon père va-t-il me tâter, il verra que je me suis moqué de lui et j’attirerai sur moi la malédiction au lieu de la bénédiction. » 13 Mais sa mère lui répondit : « Je prends sur moi ta malédiction, mon fils ! Écoute-moi seulement et va me chercher les chevreaux. » 14 Il alla les chercher et les apporta à sa mère qui apprêta un régal comme son père aimait. 15 Rébecca prit les plus beaux habits d’Ésaü, son fils aîné, qu’elle avait à la maison, et en revêtit Jacob, son fils cadet. 16 Avec la peau des chevreaux elle lui couvrit les bras et la partie lisse du cou. 17 Puis elle mit le régal et le pain qu’elle avait apprêtés entre les mains de son fils Jacob.

18 Il alla auprès de son père et dit : « Mon père ! » Celui-ci répondit : « Oui ! Qui es-tu, mon fils ? » 19 Jacob dit à son père : « Je suis Ésaü, ton premier-né, j’ai fait ce que tu m’as commandé. Lève-toi, je te prie, assieds-toi et mange de ma chasse, afin que ton âme me bénisse. » 20 Isaac dit à Jacob : « Comme tu as trouvé vite, mon fils » — « C’est, répondit-il, que Yahvé ton Dieu m’a été propice. »t

t Cet appel à Dieu dans le mensonge nous paraît basphématoire, mais la mentalité orientale n’y voyait pas de mal, rapportant tout à Dieu en négligeant les « causes secondes ».

21 Isaac dit à Jacob : « Approche-toi donc, que je te tâte, mon fils, pour savoir si, oui ou non, tu es mon fils Ésaü. »

22 Jacob s’approcha de son père Isaac, qui le tâta et dit : « La voix est celle de Jacob, mais les bras sont ceux d’Ésaü ! » 23 Il ne le reconnut pas car ses bras étaient velus comme ceux d’Ésaü son frère, et il le bénit. 24 Il dit : « Tu es bien mon fils Ésaü ? » Et l’autre répondit : « Oui. » 25 Isaac reprit : « Sers-moi et que je mange de la chasse de mon fils, afin que mon âme te bénisse. » Il le servit et il mangea, il lui présenta du vin et il but. 26 Son père Isaac lui dit : « Approche-toi et embrasse-moi, mon fils ! » 27 Il s’approcha et embrassa son père, qui respira l’odeur de ses vêtements. Il le bénit ainsi :u

« Oui, l’odeur de mon fils
est comme l’odeur d’un champ fertile
que Yahvé a béni.

u Cette bénédiction qui promet à Jacob, le pasteur, une félicité paysanne, comme celle d’Ésaü, vv. 39-40, ne sont pas purement personnelles ; elles ont des conséquences pour les peuples issus d’eux.

28 Que Dieu te donne
la rosée du ciel
et les gras terroirs,
froment et vin en abondance !
29 Que les peuples te servent,
que des nations se prosternent devant toi !
Sois un maître pour tes frères,
que se prosternent devant toi les fils de ta mère !
Maudit soit qui te maudira,
Béni soit qui te bénira ! »

30 Isaac avait achevé de bénir Jacob et Jacob sortait tout juste de chez son père Isaac lorsque son frère Ésaü rentra de la chasse. 31 Lui aussi apprêta un régal et l’apporta à son père. Il lui dit : « Que mon père se lève et mange de la chasse de son fils, afin que ton âme me bénisse ! » 32 Son père Isaac lui demanda : « Qui es-tu ? » — « Je suis, répondit-il, ton fils premier-né, Ésaü. » 33 Alors Isaac fut secoué d’un très grand frisson et dit : « Qui donc est le chasseur qui a chassé du gibier et me l’a apporté ? J’ai mangé de tout avant que tu ne viennes et je l’ai béni, et il restera béni ! »v

v Les bénédictions (comme les malédictions) sont efficaces et irrévocables une fois prononcées.

34 Lorsque Ésaü entendit les paroles de son père, il cria avec beaucoup de force et d’amertume et dit à son père : « Bénis-moi aussi, mon père ! » 35 Mais celui-ci répondit : « Ton frère est venu par ruse et a pris ta bénédiction. » 36 Ésaü reprit : « Est-ce parce qu’il s’appelle Jacob qu’il m’a supplanté ces deux fois ? Il avait pris mon droit d’aînesse et voilà maintenant qu’il a pris ma bénédiction !w Mais, ajouta-t-il, ne m’as-tu pas réservé une bénédiction ? »

w Jeu de mots entre « droit d’aînesse » bekorah et « bénédiction » berakah.

37 Isaac, prenant la parole, répondit à Ésaü : « Je l’ai établi ton maître, je lui ai donné tous ses frères comme serviteurs, je l’ai pourvu de froment et de vin. Que pourrais-je faire pour toi, mon fils ? » 38 Ésaü dit à son père : « Est-ce donc ta seule bénédiction, mon père ? Bénis-moi aussi, mon père ! » Et Ésaü se mit à pleurer.x

x Avant « Isaac resta silencieux » le grec ajoute « et Ésaü se mit à pleurer ».

39 Alors son père Isaac prit la parole et dit :

« Loin des gras terroirs
sera ta demeure,
loin de la rosée qui tombe du ciel.
40 Tu vivras de ton épée,
tu serviras ton frère.y

Mais, quand tu t’affranchiras, tu secoueras son joug de dessus ton cou. »z

y Ésaü (c’est-à-dire sa descendance) habitera hors de la Palestine fertile (la Vulg. fait ici un contresens) et sera soumis à Jacob (à sa descendance, 2 S 8.13-14). Tout a été donné à son frère, v. 37, et la seule bénédiction qui lui reste est de « vivre de son épée », de rapine et de brigandage.

z La dernière phrase, non rythmée, fait probablement allusion à la libération des Édomites sous Salomon, 2 R 8.20-22, mais « tu t’affranchiras » est une traduction conjecturale.

41 Ésaü prit Jacob en haine à cause de la bénédiction que son père avait donnée à celui-ci et il se dit en lui-même : « Proche est le temps où l’on fera le deuil de mon père. Alors je tuerai mon frère Jacob. » 42 Lorsqu’on rapporta à Rébecca les paroles d’Ésaü, son fils aîné, elle fit appeler Jacob, son fils cadet, et lui dit : « Ton frère Ésaü veut se venger de toi en te tuant. 43 Maintenant, mon fils, écoute-moi : pars, enfuis-toi chez mon frère Laban à Harân. 44 Tu habiteras avec lui quelque temps, jusqu’à ce que se détourne la fureur de ton frère, 45 jusqu’à ce que la colère de ton frère se détourne de toi et qu’il oublie ce que tu lui as fait ; alors je t’enverrai chercher là-bas. Pourquoi vous perdrais-je tous les deux en un seul jour ? »a

a Ésaü tomberait, comme meurtrier, sous la vengeance du sang, Nb 35.19.

Isaac renvoie Jacob chez Laban.b

46 Rébecca dit à Isaac : « Je suis dégoûtée de la vie à cause des filles de Hèt. Si Jacob épouse une des filles de Hèt comme celles-là, une des filles du pays, que m’importe la vie ? »

b Équivalent de 27.41-45, d’après la tradition sacerdotale. Celle-ci, qui écartait l’histoire choquante du chap. 27, donnait une autre raison au départ de Jacob en Mésopotamie. Noter l’équivalence établie entre les « filles de Hèt », v. 46, et les filles de Canaan, 28.1.