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Bible de Jérusalem

Juges 7-9

B. LA CAMPAGNE DE GÉDÉON À L’OUEST DU JOURDAIN

Yahvé réduit l’armée de Gédéon.u

7 Yerubbaal — c’est Gédéon — se leva de bon matin ainsi que tout le peuple qui était avec lui, et il vint camper à En-Harod ;v le camp de Madiân se trouvait au nord du sien, au pied de la colline du Moré dans la vallée.

u La victoire contre les Madianites ne doit pas pouvoir être attribuée à la force militaire d’Israël c’est une guerre sainte, dans laquelle Dieu donne la victoire.

v Harod signifie « tremblement », cf. v. 3.

2 Alors Yahvé dit à Gédéon : « Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre Madiân entre ses mains ; Israël pourrait en tirer gloire à mes dépens, et dire : « C’est ma propre main qui m’a délivré ! » 3 Et maintenant, proclame donc ceci aux oreilles du peuple : "Que celui qui a peur et qui tremble, s’en retourne et qu’il s’échappe par le mont Galaad". »w Vingt-deux mille hommes parmi le peuple s’en retournèrent et il en resta dix mille.

w Gédéon doit inviter tous ceux qui ne veulent pas participer au combat avec les Madianites à fuir vers l’est, où se trouve le Galaad, pour contourner le camp de Madiân.

4 Yahvé dit à Gédéon : « Ce peuple est encore trop nombreux. Fais-les descendre au bord de l’eau et là, pour toi, je les éprouverai. Celui dont je te dirai : « Qu’il aille avec toi », celui-là ira avec toi. Et tout homme dont je te dirai : « Qu’il n’aille pas avec toi », celui-là n’ira pas. » 5 Gédéon fit alors descendre le peuple au bord de l’eau et Yahvé lui dit : « Tous ceux qui laperont l’eau avec la langue comme lape le chien, tu les mettras à part, et de même tous ceux qui se mettront à genoux pour boire. » 6 Le nombre de ceux qui lapèrent l’eau avec leurs mains à leur bouchex fut de trois cents. Tout le reste du peuple s’était mis à genoux pour boire de l’eau.

x Ces quelques mots, que l’on attendrait plutôt à la fin du v., ont peut-être été déplacés.

7 Alors Yahvé dit à Gédéon : « C’est avec les trois cents hommes qui ont lapé l’eau que je vous sauverai et que je livrerai Madiân entre tes mains. Que tout le peuple s’en retourne chacun chez soi. » 8 Ils prirent les provisions du peuple et leurs cors, puis Gédéon renvoya tous les Israélites chacun sous sa tente, ne gardant que les trois cents. Le camp de Madiân se trouvait au-dessous du sien dans la vallée.

Présage de victoire.

9 Or il arriva que pendant cette nuit-là Yahvé lui dit « Lève-toi, descends au camp, car je le livre entre tes mains. 10 Cependant, si tu as peur de descendre, descends au camp avec Pura ton serviteur ; 11 écoute ce qu’ils disent ; tu en seras réconforté, et tu descendras contre le camp. » Il descendit donc avec son serviteur Pura jusqu’à l’extrémité des avant-postes du camp.

12 Madiân, Amaleq et tous les fils de l’Orient étaient déployés dans la vallée, aussi nombreux que des sauterelles ; leurs chameaux étaient sans nombre, comme le sable sur le bord de la mer. 13 Gédéon vint donc et voici qu’un homme racontait un songe à son camarade ; il disait : « Voici le songe que j’ai fait : une galette de pain d’orge roulait dans le camp de Madiân, elle atteignit la tente, la heurta,y la fit tomber, et la renversa sens dessus dessous. »

y La tente symbolise l’habitat des Madianites ; le pain d’orge, les Israélites cultivateurs, d’où la réponse du v. 14. Le songe est reconnu comme une révélation divine, ce qui explique le geste de Gédéon au v. 15, cf. Gn 20.3.

14 Son camarade lui répondit : « Ce ne peut être que l’épée de Gédéon, fils de Yoash, l’Israélite. Dieu a livré entre ses mains Madiân et tout le camp ; la tente était tombée. » 15 Quand il eut entendu le récit du songe et son explication, Gédéon se prosterna, puis il revint au camp d’Israël et dit « Debout ! car Yahvé a livré entre vos mains le camp de Madiân ! »

La surprise.

16 Gédéon divisa alors ses trois cents hommes en trois groupes. À tous il remit des cors et des cruches vides, avec des torches dans les cruches : 17 « Regardez-moi, leur dit-il, et faites comme moi ! Quand je serai arrivé à l’extrémité du camp, ce que je ferai, vous le ferez aussi ! 18 Je sonnerai du cor, moi et tous ceux qui sont avec moi ; alors, vous aussi, vous sonnerez du cor tout autour du camp et vous crierez : Pour Yahvé et pour Gédéon ! »

19 Gédéon et les cent hommes qui l’accompagnaient arrivèrent à l’extrémité du camp au début de la veille de la mi-nuit, comme on venait de placer les sentinelles ; ils sonnèrent du cor et brisèrent les cruches qu’ils avaient à la main.

20 Alors les trois groupes sonnèrent du cor et brisèrent leurs cruches ; de la main gauche ils saisirent les torches, de la droite les cors pour en sonner, et ils crièrent : « Épée pour Yahvé et pour Gédéon ! » 21 Et ils se tinrent immobiles chacun à sa place autour du camp. Tout le camp alors s’agita et, poussant des cris, les Madianites prirent la fuite. 22 Pendant que les trois cents sonnaient du cor, Yahvé fit que dans tout le camp chacun tournait l’épée contre son camarade.z Tous s’enfuirent jusqu’à Bet-ha-Shitta, vers Çeréra,a jusqu’à la rive d’Abel-Mehola vis-à-vis de Tabbat.

z Le récit raconte une guerre de Yahvé les Israélites n’ont pas à se battre ; d’ailleurs ils n’ont pas d’armes ; Dieu seul sème la panique parmi les Madianites, cf. Ex 14.14, 24-25.

a Les Madianites s’enfuient vers des gués du Jourdain.

La poursuite.

23 Les hommes d’Israël se rassemblèrent, de Nephtali, d’Asher et de tout Manassé, et ils poursuivirent Madiân. 24 Gédéon envoya dans toute la montagne d’Éphraïm des messagers dire : « Descendez à la rencontre de Madiân et occupez avant eux les points d’eau jusqu’à Bet-Bara et le Jourdain. » Tous les hommes d’Éphraïm se rassemblèrent et ils occupèrent les points d’eau jusqu’à Bet-Bara et le Jourdain. 25 Ils s’emparèrent des deux chefs de Madiân, Oreb et Zéeb, ils tuèrent Oreb au Rocher d’Oreb et Zéeb au Pressoir de Zéeb. Ils poursuivirent Madiân et ils apportèrent à Gédéon au-delà du Jourdain les têtes d’Oreb et de Zéeb.b

b Oreb « le corbeau » ; Zéeb « le loup ». Cet épisode, rappelé à 8.3, utilise une tradition indépendante, probablement éphraïmite, se rattachant à deux lieux-dits.

Reproches des Éphraïmites.c

8 Or les hommes d’Éphraïm dirent à Gédéon : « Quelle est donc cette manière d’agir envers nous : tu ne nous as pas convoqués lorsque tu es allé combattre Madiân ? » Et ils le prirent violemment à partie.

c Éphraïm apparaît ici comme subordonné à Manassé, cf. 7.24, 25b, mais les Éphraïmites supportent mal d’être ainsi au second rang. Éphraïm finira par établir sa supériorité sur Manassé, ce qu’exprime la préférence qui lui est donnée par Jacob dans Gn 48.17.

2 Il leur répondit : « Qu’ai-je donc fait en comparaison de vous ? Le grappillage d’Éphraïm, n’est-ce pas plus que la vendange d’Abiézer ? 3 C’est entre vos mains que Dieu a livré les chefs de Madiân, Oreb et Zéeb. Qu’ai-je pu faire en comparaison de vous ? » Sur ces paroles, leur emportement contre lui se calma.

C. LA CAMPAGNE DE GÉDÉON EN TRANSJORDANIE ET LA FIN DE GÉDÉON

Gédéon poursuit l’ennemi au-delà du Jourdain.d

4 Gédéon arriva au Jourdain et le traversa, mais lui et les trois cents hommes qu’il avait avec lui étaient harassés par la poursuite.

d Cette campagne est présentée comme la suite de celle racontée à 7.1-22, cf. 8.4, mais c’est originairement une tradition indépendante, concernant peut-être un autre raid des Madianites. Elle est en tout cas différente de l’épisode de 7.25 où les « chefs » de Madiân ont d’autres noms que les « rois » de Madiân, v. 5. Les précisions géographiques concernant Sukkot, Penuel et la Transjordanie indiquent une tradition locale.

5 Il dit donc aux gens de Sukkot : « Donnez, je vous prie, des galettes de pain à la troupe qui me suit, car elle est harassée, et je suis à la poursuite de Zébah et de Çalmunna, rois de Madiân. »e

e Zébah, « victime » et « Çalmunna », « ombre errante » semblent être des noms imaginés pour les besoins du récit.

6 Mais les chefs de Sukkot répondirent : « Le poing de Zébah et de Çalmunna est-il donc entre tes mains pour que nous donnions du pain à ton armée ? » — 7 « Eh bien ! répliqua Gédéon, lorsque Yahvé aura livré en ma main Zébah et Çalmunna, je vous déchirerai les chairs sur les épines du désert et les chardons. » 8 De là, il monta à Penuel et il parla de la même manière aux gens de Penuel, qui répondirent comme l’avaient fait les gens de Sukkot. 9 Il répliqua également aux gens de Penuel : « Quand je reviendrai sain et sauf, je détruirai cette tour. »

Défaite de Zébah et de Çalmunna.

10 Zébah et Çalmunna se trouvaient dans le Qarqor avec leur armée, environ quinze mille hommes, tous ceux qui étaient restés de l’armée des fils de l’Orient. Ceux qui étaient tombés étaient au nombre de cent vingt mille hommes tirant l’épée. 11 Gédéon monta par la route de ceux qui habitent sous la tente, à l’est de Nobah et de Yogbéha, et il battit l’armée, alors qu’elle se croyait en sûreté.

12 Zébah et Çalmunna s’enfuirent. Il les poursuivit et il s’empara des deux rois de Madiân, Zébah et Çalmunna. Quant à l’armée, il la mit en déroute.

Les vengeances de Gédéon.

13 Après la bataille, Gédéon fils de Yoash s’en revint par la montée de Harès.f

f « par la montée » grec ; « d’au-dessus » (?) hébr.

14 Ayant arrêté un jeune homme des gens de Sukkot, il le questionna et celui-ci lui donna par écrit les noms des chefs de Sukkot et des anciens, soixante-dix-sept hommes. 15 Gédéon se rendit alors auprès des gens de Sukkot et dit : « Voici Zébah et Çalmunna, au sujet desquels vous m’avez raillé, disant : Le poing de Zébah et de Çalmunna est-il donc en ta main pour que nous donnions du pain à tes gens harassés ? » 16 Il saisit alors les anciens de la ville et, prenant des épines du désert et des chardons, il déchirag les gens de Sukkot.

g « déchira » versions et v. 7 ; « fit connaître » hébr.

17 Il détruisit la tour de Penuel et massacra les habitants de la ville. 18 Puis il dit à Zébah et Çalmunna : « Comment donc étaient ces hommes que vous avez tués au Tabor »h — « Ils te ressemblaient, répondirent-ils. Chacun d’eux avait l’air d’un fils de roi » —

h On ne sait rien de cette bataille du Tabor. Gédéon fait savoir aux deux rois qu’ils ont tué ses frères et justifie par là son rôle de vengeur du sang, cf. Nb 35.19.

19 « C’étaient mes frères, fils de ma mère, reprit Gédéon. Par la vie de Yahvé ! si vous les aviez laissés vivre, je ne vous tuerais pas. » 20 Alors il commanda à Yéter, son fils aîné : « Debout ! Tue-les. » Mais l’enfant ne tira pas son épée, il n’osait pas, car il était encore jeune. 21 Zébah et Çalmunna dirent alors : « Debout ! toi, et frappe-nous, car tel est l’homme, telle est sa force. » Alors Gédéon se leva, il tua Zébah et Çalmunna et il prit les croissants qui étaient au cou de leurs chameaux.

Gédéon. La fin de sa vie.

22 Les hommes d’Israël dirent à Gédéon : « Sois notre souverain, toi, puis ton fils, puis ton petit-fils, puisque tu nous a sauvés de la main de Madiân. » 23 Mais Gédéon leur répondit : « Ce n’est pas moi qui serai votre souverain, pas plus que mon fils, Yahvé sera votre souverain. »i

i Les vv. 22-23 interrompent le fil du récit. Gédéon refuse la royauté héréditaire qu’on lui propose ; il exprime ainsi la position d’un rédacteur qui récuse l’institution royale, cf. 1 S 8.7 ; 12.12.

24 « Laissez-moi, ajouta Gédéon, vous faire une requête. Que chacun de vous me donne un anneau de son butin. » Les vaincus avaient en effet des anneaux d’or, car c’étaient des Ismaélites. 25 « Nous les donnerons volontiers », répondirent-ils. Il étendit donc son manteau et ils y jetèrent chacun un anneau de son butin.j

j « il étendit » grec ; pluriel hébr.

26 Le poids des anneaux d’or qu’il avait demandés s’éleva à mille sept cents sicles d’or, sans compter les croissants, les pendants d’oreilles et les vêtements de pourpre que portaient les rois de Madiân, sans compter non plus les colliers qui étaient au cou de leurs chameaux. 27 Gédéon en fit un éphodk qu’il plaça dans sa ville, à Ophra. Tout Israël s’y prostitua après lui et ce fut un piège pour Gédéon et sa maison.

k Il s’agit non pas de l’éphod-pagne, 1 S 2.18, mais d’un objet cultuel utilisé pour la divination, cf. 1 S 2.28. Gédéon le destinait sûrement au culte de Yahvé, mais le rédacteur deutéronomiste le condamne, tout comme il jugera suspect l’éphod de Mika, 17.3s.

28 Ainsi Madiân fut abaissé devant les Israélites. Il ne releva plus la tête et le pays fut en repos pendant quarante ans, aussi longtemps que vécut Gédéon.

29 Yerubbaal, fils de Yoash, s’en alla donc et demeura dans sa maison. 30 Gédéon eut soixante-dix fils, issus de lui, car il avait beaucoup de femmes. 31 Sa concubine qui résidait à Sichem lui enfanta, elle aussi, un fils, auquel il donna le nom d’Abimélek. 32 Gédéon, fils de Yoash, mourut après une heureuse vieillesse et on l’ensevelit dans le tombeau de Yoash, son père, à Ophra d’Abiézer.l

l Les vv. 30-32 ressemblent aux notices sur les « petits » juges, cf. 10.1-5 ; 12.8-15. Le v. 29, qui reprend le nom de Yerubbaal, viendrait mieux à la suite de 6.25-32.

Rechute d’Israël.

33 Après la mort de Gédéon, les Israélites recommencèrent à se prostituer aux Baals et ils prirent pour dieu Baal-Berit.m

m Baal-Berit ou El-Berit est le dieu de l’alliance vénéré par les Cananéens de Sichem, 9.46. Sichem est aussi le lieu où avait été conclue une alliance avec Yahvé, Jos 24 le syncrétisme était presque inévitable.

34 Les Israélites ne se souvinrent plus de Yahvé, leur Dieu, qui les avait délivrés de la main de tous les ennemis d’alentour. 35 Et à la maison de Yerubbaal-Gédéon, ils ne montrèrent pas la gratitude méritée par tout le bien qu’elle avait fait à Israël.

D. LA ROYAUTÉ D’ABIMÉLEKn

9 Abimélek, fils de Yerubbaal, s’en vint à Sichem auprès des frères de sa mère et il leur adressa ces paroles, ainsi qu’à tout le clan de la maison paternelle de sa mère

n Ce récit est placé ici parce qu’Abimélek est considéré comme le fils de Gédéon-Yerubbaal. En réalité, ce n’est pas l’histoire d’un juge, ni même celle d’une tribu d’Israël Abimélek est fils d’une Sichémite, il est choisi comme roi par un groupe, les maîtres de Sichem, ceux qui disposent de l’autorité dans la ville. Abimélek s’entoure d’aventuriers et ses seuls exploits sont le massacre de ses frères, sa lutte contre les révoltés de Sichem et l’assaut donné à la ville israélite de Tébeç, où il est tué ignominieusement. Le récit est certainement historique et nous éclaire sur les conditions de l’époque le régime politique que représente la royauté continue la situation que les lettres d’Amarna nous font connaître pour Sichem au XIVe s. av. J.-C. La royauté d’Abimélek est un échec et le récit sert le propos d’un rédacteur défavorable à la royauté. Pour lui la royauté humaine n’a pas fait ses preuves ; elle est même inutile comme le montre la fable de Yotam (vv. 7-15).

2 « Faites donc entendre ceci, je vous prie, aux maîtres de Sichem : Que vaut-il mieux pour vous ? Avoir pour maîtres soixante-dix personnes, tous les fils de Yerubbaal, ou n’en avoir qu’un seul ? Souvenez-vous d’ailleurs que je suis, moi, de vos os et de votre chair ! » 3 Les frères de sa mère parlèrent de lui à tous les maîtres de Sichem dans les mêmes termes, et leur cœur pencha pour Abimélek, car ils se disaient : « C’est notre frère ! » 4 Ils lui donnèrent donc soixante-dix sicles d’argent du temple de Baal-Berit et Abimélek s’en servit pour soudoyer des gens de rien, des aventuriers, qui s’attachèrent à lui. 5 Il se rendit alors à la maison de son père à Ophra et il massacra ses frères, les fils de Yerubbaal, soixante-dix hommes, sur une même pierre. Yotam cependant, le plus jeune fils de Yerubbaal, réchappa, car il s’était caché. 6 Puis tous les maîtres de Sichem et tout Bet-Millo se réunirent et ils proclamèrent roi Abimélek près du chêne de la stèle qui est à Sichem.o

o Bet-Millo est probablement identique au Migdal-Sichem des vv. 46 et 49. — « de la stèle » hammaççebah conj. ; « dressé » muççab hébr.

Apologue de Yotam.p

7 On l’annonça à Yotam. Il vint se poster sur le sommet du mont Garizim et il leur cria à haute voix :

« Écoutez-moi, maîtres de Sichem,
pour que Dieu vous écoute !

p Cet apologue est, dans la Bible, le premier exemple de fable qui mette en scène des plantes ou des animaux, cf. 2 R 14.9 ; Ez 17.3-10 et plusieurs fois dans les Proverbes. Mais ce genre littéraire est universel (Mésopotamie, Égypte, Grèce, etc.). Cette fable a pu avoir une existence indépendante avant d’être utilisée pour illustrer l’histoire de Yerubbaal et d’Abimélek.

8 Un jour les arbres se mirent en chemin pour oindre un roi qui régnerait sur eux.
Ils dirent à l’olivier : « Règne donc sur nous ! »
9 L’olivier leur répondit :
« Faudra-t-il que je renonce à mon huile,
qui rend honneur aux dieux et aux hommes,
pour aller me balancer au-dessus des arbres ? »
10 Alors les arbres dirent au figuier :
« Viens donc, toi, régner sur nous ! »
11 Le figuier leur répondit :
« Faudra-t-il que je renonce à ma douceur
et à mon excellent fruit,
pour aller me balancer au-dessus des arbres ? »
12 Les arbres dirent alors à la vigne :
« Viens donc, toi, régner sur nous ! »
13 La vigne leur répondit :
« Faudra-t-il que je renonce à mon vin,
qui réjouit les dieux et les hommes,
pour aller me balancer au-dessus des arbres ? »
14 Tous les arbres dirent alors au buisson d’épines :
« Viens donc, toi, régner sur nous ! »
15 Et le buisson d’épines répondit aux arbres :
« Si c’est de bonne foi que vous m’oignez comme roi sur vous,
venez vous abriter sous mon ombre.
Sinon un feu sortira du buisson
d’épines
et il dévorera les cèdres du Liban ! » »

16 q « Ainsi donc, si c’est de bonne foi et en toute loyauté que vous avez agi et que vous avez fait roi Abimélek, si vous vous êtes bien conduits envers Yerubbaal et sa maison, si vous l’avez traité selon le mérite de ses actions,r

q Les vv. 16-20 font à la situation créée par la royauté d’Abimélek l’application de la fable qui s’achevait par un appel à la « bonne foi ».

r La phrase, interrompue par une incise, se poursuit au v. 19.

17 alors que mon père a combattu pour vous, qu’il a exposé sa vie, qu’il vous a délivrés de la main de Madiân, 18 vous, aujourd’hui, vous vous êtes levés contre la maison de mon père, vous avez massacré ses fils, soixante-dix hommes sur une même pierre, et vous avez fait roi sur les maîtres de Sichem Abimélek, le fils de son esclave, parce qu’il est votre frère ! — 19 si donc c’est de bonne foi et en toute loyauté qu’aujourd’hui vous avez agi envers Yerubbaal et envers sa maison, alors qu’Abimélek fasse votre joie et vous la sienne ! 20 Sinon, qu’un feu sorte d’Abimélek et qu’il dévore les maîtres de Sichem et de Bet-Millo, et qu’un feu sorte des maîtres de Sichem et Bet-Millo pour dévorer Abimélek ! »

21 Puis Yotam prit la fuite, il se sauva et se rendit à Béer, où il s’établit pour échapper à son frère Abimélek.

Révolte des Sichémites contre Abimélek.

22 Abimélek exerça le pouvoir pendant trois ans sur Israël.s

s Note rédactionnelle. Abimélek n’a pas régné sur « Israël ».

23 Puis Dieu envoya un esprit de discorde entre Abimélek et les maîtres de Sichem, et les maîtres de Sichem trahirent Abimélek. 24 C’était afin que le crime commis contre les soixante-dix fils de Yerubbaal fût vengét et que leur sang retombât sur Abimélek leur frère, qui les avait massacrés, ainsi que sur les maîtres de Sichem qui l’avaient aidé à massacrer ses frères.

t « afin que (le crime...) fût vengé », litt. « pour faire revenir (le crime sur...) », grec. ; « pour que vienne » hébr.

25 Les maîtres de Sichem placèrent donc contre lui des embuscades au sommet des montagnes et ils dévalisaient quiconque passait près d’eux par le chemin. On le fit savoir à Abimélek. 26 Gaal, fils d’Obed,u accompagné de ses frères, vint à passer par Sichem et il gagna la confiance des maîtres de Sichem.

u « fils d’Obed » Vulg. ; « fils d’un esclave » (`ebed) hébr. ; de même aux vv. suivants. C’est un Cananéen, allié aux Sichémites, ou peut-être sichémite lui-même, v. 28. Il soulève les gens de Sichem contre Abimélek qui ne réside pas dans la ville et y est représenté par Zebul.

27 Ceux-ci sortirent dans la campagne pour vendanger leurs vignes, ils foulèrent le raisin, organisèrent des réjouissances et entrèrent dans le temple de leur dieu. Ils y mangèrent et burentv et se moquèrent d’Abimélek.

v Ce repas a lieu lors de la fête d’automne qui était une fête joyeuse, au moment où l’on achevait les dernières récoltes.

28 Alors Gaal, fils d’Obed, disait : « Qui est Abimélek, et qu’est-ce que Sichem, pour que nous lui soyons asservis ? Ne serait-ce pas au fils de Yerubbaal et à Zebul, son lieutenant, de servir les gens de Hamor, père de Sichem ? Pourquoi lui serions-nous asservis, nous ? 29 Qui me confiera ce peuple pour que j’écarte Abimélek ! » Et il disait à Abimélek :w « Renforce ton armée et sors ! »

w Abimélek est ici apostrophé par Gaal, sans que celui-ci soit présent. Les propos tenus par Gaal sont tenus lors du repas de fête.

30 Zebul, gouverneur de la ville, apprit les propos de Gaal, fils d’Obed, et il en fut irrité. 31 Il envoya en secret des messagers vers Abimélek, pour dire « Voici que Gaal, fils d’Obed, avec ses frères, est arrivé à Sichem, et ils excitent la ville contre toi. 32 En conséquence, lève-toi de nuit, toi et les gens que tu as avec toi, et mets-toi en embuscade dans la campagne, 33 puis, le matin, au lever du soleil, tu surgiras et tu t’élanceras contre la ville. Quand Gaal et les gens qui sont avec lui sortiront à ta rencontre, tu les traiteras comme tu pourras. » 34 Abimélek se mit donc en route de nuit avec tous les gens qui étaient avec lui et ils s’embusquèrent en face de Sichem, en quatre groupes. 35 Comme Gaal, fils d’Obed, sortait et faisait halte à l’entrée de la porte de la ville, Abimélek et les gens qui étaient avec lui surgirent de leur embuscade. 36 Gaal vit cette troupe et il dit à Zebul : « Voici des gens qui descendent du sommet des montagnes » — « C’est l’ombre des monts, lui répondit Zebul, et tu la prends pour des hommes. » 37 Gaal reprit encore : « Voici des gens qui descendent du côté du Nombril de la Terre, tandis qu’un autre groupe arrive par le chemin du Chêne des Devins. »x

x Le « Nombril de la Terre », peut-être la montagne sacrée du Garizim ; la même appellation semble appliquée à Jérusalem par Ez 38.12. Le « Chêne des Devins » est à identifier avec le « Chêne de Moré » (c’est-à-dire « chêne de l’instructeur », ou du « devin »), Gn 12.6 ; Dt 11.30.

38 Zebul lui dit alors : « Qu’as-tu fait de ta langue ? Toi qui disais : « Qui est Abimélek pour que nous lui soyons asservis ? » Ne sont-ce pas là les gens que tu méprisais ? Sors donc maintenant et livre-lui combat. » 39 Et Gaal sortit à la tête des maîtres de Sichem et il livra combat à Abimélek. 40 Abimélek poursuivit Gaal, qui se sauva devant lui, et beaucoup de gens de celui-ci tombèrent morts avant d’atteindre la porte. 41 Abimélek demeura alors à Aruma, et Zebul, chassant Gaal et ses frères, les empêcha d’habiter à Sichem.

Destruction de Sichem et prise de Migdal-Sichem.y

42 Le lendemain, le peuple sortit dans la campagne et Abimélek en fut informé.

y Il est possible que Migdal-Sichem (la « Tour de Sichem ») soit une localité différente de Sichem (à moins qu’il ne faille l’identifier avec le temple fortifié retrouvé dans les fouilles de l’ancienne Sichem). Ou bien nous avons ici deux traditions juxtaposées, vv. 42-45, 46-49, concernant la destruction de la ville ; ou bien encore le v. 45 est une anticipation, et les vv. 46-49 reprennent un détail du siège.

43 Il prit ses gens, les partagea en trois groupes et se mit en embuscade dans la campagne. Lorsqu’il vit les gens sortir de la ville, il surgit contre eux et les battit. 44 Tandis qu’Abimélek et le groupe qui était avec lui s’élançaient et prenaient position à l’entrée de la porte de la ville, les deux autres groupes se jetèrent contre tous ceux qui étaient dans la campagne et les battirent. 45 Toute la journée Abimélek combattit contre la ville. S’en étant emparé, il en massacra la population, détruisit la ville et y sema du sel.z

z Les fouilles de Sichem témoignent d’une destruction de la ville au cours du XIIe s. av. J.-C.

46 À cette nouvelle, les maîtres de Migdal-Sichem se rendirent tous dans la grotte du temple d’El-Berit.a

a Cette grotte ne peut se trouver dans la ville dont on vient de raconter la destruction, mais doit se situer sur le flanc du mont Ébal, qui ici porte le nom de Calmôn (v. 48).

47 Dès qu’Abimélek eut appris que tous les maîtres de Migdal-Sichem s’y étaient rassemblés, 48 il monta sur le mont Çalmôn, lui et toute sa troupe. Prenant en mains une hache, il coupa une branche d’arbre, qu’il souleva et chargea sur son épaule, en disant aux gens qui l’accompagnaient : « Ce que vous m’avez vu faire, vite, faites-le comme moi. » 49 Tous ses gens se mirent donc à couper chacun une branche, puis ils suivirent Abimélek et, entassant les branches contre la grotte, ils la brûlèrent sur ceux qui s’y trouvaient. Tous les habitants de Migdal-Sichem périrent aussi, environ mille hommes et femmes.

Siège de Tébèç et mort d’Abimélek.

50 Puis Abimélek marcha sur Tébèç,b il l’assiégea et s’en empara.

b Aujourd’hui Tubas, à une quinzaine de km au nord de Sichem.

51 Il y avait là, au milieu de la ville, une tour fortifiée où se réfugièrent tous les hommes et femmes et tous les maîtres de la ville. Après avoir fermé la porte derrière eux, ils montèrent sur la terrasse de la tour. 52 Abimélek parvint jusqu’à la tour et il l’attaqua. Comme il s’approchait de la porte de la tour pour y mettre le feu, 53 une femme lui lança une meule de moulin sur la tête et lui brisa le crâne. 54 Il appela aussitôt le jeune homme qui portait ses armes et lui dit : « Tire ton épée et tue-moi, pour qu’on ne dise pas de moi : C’est une femme qui l’a tué. » Le jeune homme le transperça et il mourut. 55 Quand les hommes d’Israël virent qu’Abimélek était mort, ils s’en retournèrent chacun chez soi.

56 Ainsi Dieu fit retomber sur Abimélek le mal qu’il avait fait à son père en massacrant ses soixante-dix frères. 57 Et Dieu fit aussi retomber sur la tête des gens de Sichem toute leur méchanceté. Ainsi s’accomplit sur eux la malédiction de Yotam, fils de Yerubbaal.