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Bible de Jérusalem

Sagesse 11.14-20

14 car celui que jadis, en l’exposant, ils avaient rejeté,r
ils l’admirèrent au terme des événements,
ayant souffert d’une soif bien différente de celle des justes.

r Moïse exposé sur les eaux, Ex 1.22 ; 2.3, rebuté par Pharaon, Ex 5.2-5 ; 7.13, 22, etc.

Première digression. Modération divine envers l’Égypte.s

15 Pour leurs sottes et coupables pensées,
qui les égaraient en leur faisant rendre un culte à des reptiles sans raison et à de misérables bestioles,
tu leur envoyas en punition une multitude d’animaux sans raisont

s En guise d’introduction à sa relecture des différentes plaies provoquées par des animaux, 16.1-14, l’auteur, les présentant ensemble, 11.15-16 ; 12.23-27 ; cf. 15.18-19, ouvre une première digression, 11.4 le culte des animaux « reptiles » (crocodile, serpent, lézard, grenouille), « misérables bestioles » (scarabée), étaient très en honneur dans l’Égypte des Ptolémées ; pourtant cette aberration cultuelle fut châtiée avec modération la pédagogie divine vise en fait à la conversion du pécheur, 11, 23 ; 12.2, 10.

t Grenouilles, Ex 8.1-2 ; moustiques, 8.13-14 ; taons, 8.20 ; sauterelles, 10.12-15.

16 afin qu’ils sachent qu’on est châtié par où l’on pèche.u

u Que l’instrument de la faute devienne celui du châtiment, cf. 12.23, 27 ; 16.1 ; 18.4, est un principe distinct du talion, Ex 21.23-25, et de ceux qu’impliquent des textes comme Gn 9.6 ; Jg 1.6-7 ; 1 S 15.23 ; 2 M 4.26 ; 13.8 ; Pr 5.22, etc.

17 Ta main toute-puissante, certes, n’était pas embarrassée,
— elle qui a créé le monde d’une matière informev
pour envoyer contre eux une multitude d’ours ou de lions intrépides,

v Expression philosophique inspirée partiellement de Platon (Timée 51 A) et devenue courante à l’époque pour désigner l’état indifférencié de la matière, supposée éternelle. L’auteur n’a aucune raison de soustraire la matière à l’activité créatrice et songe sans doute à l’organisation du monde à partir de la masse chaotique, Gn 1.1.

18 ou bien des bêtes féroces inconnues, nouvellement créées, pleines de fureur,
exhalant un souffle enflammé,
émettant une fumée infecte,w
ou faisant jaillir de leurs yeux de terribles étincelles,

w « une fumée infecte », litt. « une puanteur de fumée »; « puanteur » mss, versions ; « grondement » texte reçu. Dans ces descriptions, l’auteur s’inspire des monstres fabuleux de la Grèce, chimères, gorgones, etc.

19 des bêtes capables, non seulement de les anéantir par leur malfaisance,
mais encore de les faire périr par leur aspect terrifiant.
20 Sans cela même, d’un seul souffle ils pouvaient tomber,
poursuivis par la Justice,
balayés par le souffle de ta puissance.
Mais tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids.

Sagesse 16-18

Seconde antithèse : grenouilles et cailles.v

16 Voilà pourquoi ils ont été châtiés justement par des êtres semblables,
et torturés par une multitude de bestioles.

v Après les deux digressions, la fin du livre, 16-19, reprend le parallèle entre Égyptiens et Israélites ; cf. 11.4. La deuxième et la troisième antithèse ont été préparées de loin par la mention générale des plaies causées par des animaux, 11.15-16 ; 12.23-27. L’auteur continue à ajouter maints détails aux récits bibliques anciens (ainsi v. 3), en les interprétant librement à la façon d’un midrash.

2 Au lieu de ce châtiment, tu as accordé un bienfait à ton peuple
pour satisfaire son ardent appétit,
c’est une nourriture d’une saveur extraordinaire que tu leur ménageas, des cailles !
3 si bien que, malgré leur désir de manger,
ceux-là, devant l’aspect repoussant des bêtes envoyées contre eux,
perdirent jusqu’à leur appétit naturel,
tandis que ceux-ci, après avoir été pour peu de temps dans la disette,
eurent en partage une saveur extraordinaire.
4 Car il fallait que sur ceux-là, les oppresseurs, s’abattît une irrémédiable disette ;
il suffisait à ceux-ci qu’on leur montrât comment leurs ennemis étaient torturés.

Troisième antithèse : sauterelles et serpent d’airain.

5 Et même lorsque s’abattit sur eux la fureur terrible de bêtes féroces,
et qu’ils périssaient sous les morsures de serpents tortueux,
ta colère ne dura pas jusqu’au bout ;
6 mais c’est par manière d’avertissement et pour peu de temps qu’ils furent inquiétés,
et ils avaient un signe de salutw pour leur rappeler le commandement de ta Loi,

w Au lieu de « signe » plusieurs mss importants ont « conseiller ».

7 car celui qui se tournait vers lui était sauvé, non par ce qu’il avait sous les yeux,
mais par toi, le Sauveur de tous.x

x L’auteur interprète Nb 21.4-9 dans le sens de la miséricorde. Il affirme aussi que le serpent d’airain n’avait aucun pouvoir par lui-même. Il y voit le rappel de la Loi et le signe d’un salut offert à tous par Dieu, ce qui ne ressort pas du texte ancien. — Serpent d’airain et dessein salvifique universel de Dieu figurent dans un même contexte en Jn 3.14-17.

8 Et par là tu prouvas à nos ennemis
que c’est toi qui délivres de tout mal ;y

y Les ennemis sont supposés informés de ces événements, cf. 11.13, à moins que l’auteur ne songe à un enseignement toujours valable dans le présent.

9 eux, en effet, les morsures de sauterelles et de mouches les tuèrent,
sans qu’on trouvât de remède pour leur sauver la vie,
car ils méritaient d’être châtiés par de telles bêtes,z

z À la plaie des sauterelles, Ex 10.4-15, l’auteur semble vouloir associer par un terme assez vague les taons, Ex 8.16-20, et les moustiques, Ex 8.12-15. L’idée de leur prêter une action meurtrière peut résulter d’une amplification d’Ex 10.17 (« fléau meurtrier ») et de Ps 78.45 (« des taons qui dévoraient ») ; on rapproche aussi, pour une transposition apocalyptique de ces plaies, Ap 9.3-12.

10 tandis que tes fils, même les dents de serpents venimeux n’en eurent pas raison ;
car ta miséricorde leur vint en aide et les guérit.
11 Ainsi tes oracles leur étaient rappelés par des coups d’aiguillon, bien vite guéris,
de peur que, tombés dans un profond oubli,
ils ne fussent exclus de ta bienfaisance.a

a Ou « ils ne devinssent insensibles à tes bienfaits ».

12 Et de fait, ce n’est ni herbe ni émollient qui leur rendit la santé,
mais ta parole, Seigneur, elle qui guérit tout !
13 Oui, c’est toi qui as pouvoir sur la vie et sur la mort,
qui fais descendre aux portes de l’Hadès et en fais remonter.b

b L’auteur enseigne ici le pouvoir absolu de Dieu sur la vie et la mort, non seulement en ce sens qu’il peut tirer qui il lui plaît du péril de mort, cf. Ps 9.14 ; 107.17-19 ; Isa 38.10-17, mais encore, semble-t-il, en ce sens plus profond qu’il peut rendre à la vie corporelle l’âme descendue au shéol, cf. 1 R 17.17-23 ; 2 R 4.33-35 ; 13.21.

14 L’homme, dans sa malice, peut bien tuer,
mais il ne ramène pas le souffle une fois parti,
et ne libère pas l’âme que l’Hadès a reçue.c

c « Hadès » n’est pas exprimé (litt. « l’âme qui a été reçue ») mais le sens ne fait pas de doute.

Quatrième antithèse : la grêle et la manne.

15 Il est impossible d’échapper à ta main.
16 Les impies qui refusaient de te connaître
furent fustigés par la force de ton bras ;
pluies insolites, grêle, averses inexorables les assaillirent,
et le feu les consuma.d

d Tous les traits de cette énumération renvoient à la plaie de la grêle, Ex 9.13-35, mais l’auteur exploite à la manière du midrash toutes les indications bibliques :pour les « pluies » cf. Ex 9.29 (LXX), 33, 34 ; pour « le feu » cf. Ex 9.23-24 ; Ps 78.47-49 ; 105.32 (où l’on trouve aussi la « pluie »).

17 Car voici le plus étrange : dans l’eau, qui éteint tout,
le feu n’avait que plus d’ardeur ;
l’univers en effet combat pour les justes.
18 Tantôt en effet la flamme s’apaisait,
de peur de brûler complètement les animaux envoyés contre les impies,e
et pour leur faire comprendre, à cette vue, qu’ils étaient poursuivis par un jugement de Dieu ;

e L’auteur semble penser que les premières plaies durent encore quand la septième, celle de la grêle (Ex 9.13-35) s’abat sur l’Égypte.

19 tantôt, au sein même de l’eau, elle brûlait avec plus de force que le feu,
pour détruire les produits d’une terre inique.
20 Au contraire, c’est une nourriture d’anges que tu as donnée à ton peuple,
et c’est un pain tout préparé que du ciel tu leur as fournif sans fatigue,
un pain capable de procurer toutes les délices et de satisfaire tous les goûts ;g

f Var. attestée par de bons mss « tu leur as envoyé ».

g La manne, « pain des anges », Ps 78.25, ou « pain du ciel », Ps 105.40, qui avait le « goût d’un gâteau de miel », Ex 16.31, devient une nourriture susceptible de se plier à tous les goûts et de prendre toutes les saveurs désirables — symbole même de la douceur de Dieu (v. 21). Ce trait trouve des parallèles très concrets dans les textes rabbiniques et atteste déjà l’existence d’une légende juive sur la manne. La liturgie chrétienne a appliqué ce passage à l’Eucharistie.

21 Et la substance que tu donnais manifestait ta douceur envers tes enfants,
et, s’accommodant au goût de celui qui la prenait,
elle se changeait en ce que chacun voulait.
22 Neige et glaceh supportaient le feu sans fondre :
on saurait ainsi que c’était pour détruire les récoltes des ennemis
que le feu brûlait au milieu de la grêle et flamboyait sous la pluie,

h C’est encore la manne, qu’Ex 16.14 compare à la rosée, et Nb 11.7 (LXX) à la glace, cf. 19.21.

23 tandis qu’au contraire, pour respecter la nourriture des justes,
il oubliait jusqu’à sa propre vertu.

24 Car la création qui est à ton service, à toi, son Créateur,
se tend à fond pour le châtiment des injustes
et se détend pour faire du bien à ceux qui se confient en toi.i

i « se tend... se détend », image empruntée aux instruments à cordes cf. 19.18.

25 C’est pourquoi, alors aussi, en se changeant en tout,j
elle se mettait au service de ta libéralité, nourricière universelle,
selon le désir de ceux qui étaient dans le besoin ;k

j L’auteur tente d’expliquer cette particularité de la manne, cf. vv. 20c, 21c, à l’aide de la physique de l’époque, par une mutation des éléments ou un échange de leurs propriétés. Mais il insiste moins sur ce fait extraordinaire que sur l’enseignement qui s’en dégage.

k Ou « de ceux qui demandaient », ou « priaient ».

26 ainsi tes fils que tu as aimés, Seigneur, l’apprendraient :
ce ne sont pas les diverses espèces de fruits qui nourrissent l’homme,
mais c’est ta parole qui conserve ceux qui croient en toi.
27 Car ce qui n’était pas détruit par le feu
fondait à la simple chaleur d’un bref rayon de soleil,
28 afin que l’on sache qu’il faut devancer le soleil pour te rendre grâce,
et te rencontrer dès le lever du jour ;l

l Cette leçon, appuyée sur une interprétation très libre d’Ex 16.21, enregistre l’usage de faire coïncider la prière du matin avec l’aurore ou les premiers rayons du soleil.

29 l’espoir de l’ingrat fond, en effet, comme le givre hivernal,
comme une eau inutile, il s’écoule.

Cinquième antithèse : ténèbres et colonne de feu.m

17 Oui, tes jugements sont grands et difficiles à saisir !
C’est pourquoi des âmes sans instruction se sont égarées.

m À la plaie des ténèbres, Ex 10.21-23 ; Ps 105.28, l’auteur oppose la lumière qui continuait d’éclairer le monde entier et les Israélites, v. 18 et 18.1, puis la lumière de la Loi, 18.4, mais l’antithèse proprement dite fait intervenir la « colonne de feu » 18.3.

2 Alors que des impies s’imaginaient tenir en leur pouvoir une nation sainte,
devenus prisonniers des ténèbres, dans les entraves d’une longue nuit,
ils gisaient enfermés sous leurs toits, s’étant exclus de la providence éternelle.
3 Alors qu’ils pensaient demeurer cachés avec leurs péchés commis dans le secret,
sous le sombre voile de l’oubli,
ils furent dispersés, en proie à de terribles frayeurs,
épouvantés par des hallucinations.n

n L’auteur va dramatiser étrangement la plaie des ténèbres. La description qui suit amplifie en divers sens le récit biblique et s’apparente au midrash hellénistique, utilisant peut-être des légendes juives et des spéculations rabbiniques qu’on retrouve chez Philon d’Alexandrie. On relèvera en même temps l’orientation apocalyptique de l’ensemble :les ténèbres d’Égypte deviennent l’anticipation ou l’image des ténèbres infernales, cf. surtout vv. 14, 21. L’auteur s’en prend à la magie, 17.7 et aux mystères du milieu alexandrin. Il analyse aussi la psychologie de la peur, surtout 17.12 ; cf. 5.2, et les discours des impies, 2 ; 5, sont à l’arrière-plan.

4 Car l’antre qui les détenait ne les préservait pas de la peur ;
des bruits en se répercutant résonnaient autour d’eux,
et des spectres lugubres, au visage morne, leur apparaissaient.
5 Aucun feu n’avait assez de force pour les éclairer,
et l’éclat étincelant des étoiles
ne parvenait pas à illuminer cette nuit infernale.
6 Ils n’entrevoyaient
qu’un bûcher qui s’allumait de lui-même, semant la peur.
Terrifiés par cette vision qu’ils distinguaient mal,
ils tenaient pour pire ce qu’ils venaient de voir.

7 Les artifices de l’art magique demeuraient impuissants,o
et le démenti infligé à la prétention de savoir était humiliant ;

o Après une réussite temporaire, Ex 7.11, 22 ; 8.3, ils avaient échoué, Ex 8.14, et même porté malheur à leurs auteurs, Ex 9.11. Il semble bien qu’à travers les magiciens du Pharaon, l’auteur s’en prenne aux magiciens de son temps. Cf. 12.4 ; 18.13.

8 car ceux qui promettaient de bannir de l’âme malade les terreurs et les troubles
étaient eux-mêmes malades d’une appréhension ridicule.
9 Même si rien d’effrayant n’avait à leur faire peur,
effarouchés aux passages de bestioles et par les sifflements de reptiles,
10 ils tremblaient à en mourir,
et refusaient même de regarder cet air, que d’aucune manière on ne peut fuir.
11 Car la perversité s’avère singulièrement lâche et se condamne elle-même ;
pressée par la conscience, toujours elle grossit les difficultés.p

p Première mention de la « conscience » dans la Bible grecque, cf. Ac 23.1 ; le mot désigne ici la conscience morale reprochant les péchés commis. — La réflexion élimine les causes imaginaires de la peur. Mais la conscience chargée la trouble et l’empêche d’accomplir son œuvre.

12 La peur en effet n’est rien d’autre
que la défaillance des secours de la réflexion ;q

q Cette définition de la peur, unique dans la Bible, s’inspire de textes hellénistiques qui soulignent eux aussi combien alors la raison défaille et trahit ; l’originalité de l’auteur consiste à relier la peur à la mauvaise conscience et, plus encore, à la méconnaissance de Dieu, 17.1.

13 moins on compte intérieurement sur eux,
plus on trouve grave d’ignorer la cause qui provoque le tourment.r

r On peut comprendre aussi « L’incapacité de prévoir intérieurement (les maux) exagère l’ignorance de la cause... ».

14 Pour eux, durant cette nuit sortie des antres de l’Hadès impuissant,
endormis d’un même sommeil,
15 ils étaient tantôt poursuivis par des spectres monstrueux,
tantôt paralysés par la défaillance de leur âme ;
car une peur subite et inattendue les avait inondés.s

s « avait inondés » mss ; « s’était abattue » texte reçu.

16 Ainsi encore, celui qui tombait là, quel qu’il fût,
se trouvait emprisonné, enfermé dans cette geôle sans verrous.
17 Qu’on fût laboureur ou berger,
ou qu’on fût occupé à peiner dans le désert,
surpris, on subissait l’inéluctable nécessité ;
18 car tous avaient été liés par une même chaîne de ténèbres.
Le vent qui siffle,
le chant mélodieux des oiseaux dans les rameaux touffus,
le bruit cadencé d’une eau coulant avec violence,
19 le rude fracas des pierres dégringolant,
la course invisible d’animaux bondissants,
le rugissement des bêtes les plus sauvages,
l’écho se répercutant au creux des montagnes,
tout les terrorisait et les paralysait.
20 Car le monde entier était éclairé par une lumière étincelante
et vaquait librement à ses travaux ;
21 sur eux seuls s’étendait une pesante nuit,
image des ténèbres qui devaient les recevoir.
Mais ils étaient à eux-mêmes plus pesants que les ténèbres.

18 Cependant pour tes saints il y avait une très grande lumière.
Les autres, qui entendaient leur voix sans voir leur figure,t
les proclamaient heureux de n’avoir pas eux-mêmes souffert,u

t Les Hébreux sont supposés ici mêlés aux Égyptiens, cf. Ex 11.4-7 ; 12.12-13, 29-36.

u « de n’avoir pas » mss, lat. « quoiqu’ils aient (eux-mêmes souffert) » texte reçu.

2 ils leur rendaient grâce de ne pas sévir, après avoir été maltraités,
et leur demandaient pardon pour leur attitude hostile.v

v On pourrait aussi traduire « leur demandaient en grâce de partir », cf. Ex 10.24 ; 11.8 ; 12.33 ; 19.2.

3 Au lieu de ces ténèbres, tu donnas aux tiens une colonne flamboyante,
pour leur servir de guide en un voyage inconnu,
de soleil inoffensif en leur glorieuse migration.
4 Mais ceux-là méritaient bien d’être privés de lumière et d’être prisonniers des ténèbres,
qui avaient gardé enfermés tes fils,
par qui devait être donnée au monde l’incorruptible lumière de la Loi.

Sixième antithèse : mort des premiers-nés et fléau mortel écarté.w

5 Comme ils avaient résolu de tuer les petits enfants des saints,
et qu’un seul enfant exposé avait été sauvé,
tu leur enlevas, pour les châtier, une multitude d’enfantsx
et tu les fis périr tous ensemble dans l’eau impétueuse.y

w En alléguant un autre exemple de la correspondance entre faute et châtiment, cf. 11.16, l’auteur annonce à la fois l’extermination des premiers-nés et le désastre de la mer Rouge (v. 5). Mais son attention se fixe ensuite sur le premier épisode ; celui-ci est placé dans son cadre de la nuit pascale, 18.6-19, avant d’être comparé à l’intercession d’Aaron qui arrêta le fléau mortel sévissant contre le peuple hébreu en révolte au désert, 18.20-25.

x Cette correspondance s’appuie peut-être sur Ex 4.22-23. Précédemment, 11.6-7, le décret infanticide était invoqué pour justifier la plaie du Nil changé en sang.

y Cet autre épisode, développé en 19.1-9, est mis également en relation avec le décret infanticide par le livre des Jubilés (48.14) et un commentaire rabbinique.

6 Cette nuit-là fut à l’avance connue de nos pères,z
pour que, sachant d’une manière sûre à quels serments ils avaient cru, ils se réjouissent.

z Soit les Israélites du temps de l’Exode, Ex 11.4-7, soit plutôt les patriarches, à qui Dieu avait promis de délivrer leurs descendants de la servitude d’Égypte, Gn 15.13-14 ; 46.3-4. Cf. 18.23-24.

7 Ton peuple l’attendit,
salut des justes et perte des ennemis ;
8 car, par la vengeance même que tu tiras de nos adversaires,
tu nous glorifias en nous appelant à toi.a

a L’extermination des premiers-nés d’Égypte, la célébration de la Pâque et l’Exode désignaient définitivement Israël comme le peuple de Dieu, cf. Dt 7.6.

9 Aussi les saints enfants des bonsb sacrifiaient-ils en secret,
et ils établirent d’un commun accord cette loi divine,
que les saints partageraient également biens et périls ;
et ils entonnaient déjà les cantiques des Pères.c

b C’est-à-dire les descendants de bonne souche, d’une lignée sainte ; on peut aussi traduire « les saints enfants des biens », c’est-à-dire les héritiers des biens promis aux Pères. — La Pâque est appelée sacrifice, Ex 12.27 ; Dt 16.2, 5. Ce sacrifice est dit « secret » parce que célébré à l’intérieur des maisons, Ex 12.46.

c L’auteur interprète le repas pascal comme on le faisait de son temps. Pâque et alliance sont liées, cf. Jr 31.32 ; 2 Ch 30.1-27 ; 34.31—35.1 ; Lc 22.20. La solidarité entre les participants, les « saints », se fonde probablement sur la circoncision exigée par Ex 12.43-49 ; cf. Jn 13.34. Le repas pascal s’achève par le chant du Hallel, Ps 113-118 ; cf. Mt 26.30.

10 La clameur discordante de leurs ennemis faisait écho,
et les accents plaintifs de ceux qui se lamentaient sur leurs enfants se répandaient au loin.
11 Un même châtiment frappait esclave et maître,
l’homme du peuple endurait les mêmes souffrances que le roi.
12 Tous donc pareillement, frappés d’un même trépas,
eurent des morts innombrables.
Les vivants ne suffisaient plus aux funérailles,
car, en un instant, leur plus précieuse descendance avait été détruite.
13 Ainsi, ceux que des sortilèges avaient rendus absolument incrédules
confessèrent, devant la perte de leurs premiers-nés, que ce peuple était fils de Dieu.d

d Dans leur foi aux sortilèges, les Égyptiens avaient espéré jusque-là que leurs magiciens finiraient par l’emporter sur Moïse, cf. Ex 7.11-13 ; 8.3, 14 ; 9.11, qui semblait mettre en œuvre une magie rivale. Cette fois, Dieu frappe directement.

14 Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses
et que la nuit parvenait au milieu de sa course,
15 du haut des cieux, ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal,
guerrier inexorable, au milieu d’une terre vouée à l’extermination.e
Portant pour glaive aigu ton irrévocable décret,

e La mort des premiers-nés, attribuée directement à Dieu par Ex 11.4s ; 12.12, 23, 27, 29, accompagné de l’Exterminateur, Ex 12.23, devient l’œuvre de la Parole divine. Celle-ci était représentée déjà comme exécutant les jugements par Isa 11.4 ; 55.11 ; Jr 23.29 ; Os 6.5. Dans cette évocation dramatique, l’auteur s’inspire, au v. 16 de 1 Ch 21.15-27, et peut-être aussi d’Homère (Iliade IV, 443). L’ensemble prend une signification apocalyptique et la Parole de jugement préfigure, non l’Incarnation du Verbe (contrairement à l’usage que la liturgie a fait de ce texte), mais l’aspect redoutable de son second avènement. On rapproche 1 Th 5.2-4 ; Ap 19.11-21.

16 elle s’arrêta et remplit de mort l’univers ;
elle touchait au ciel et se tenait sur la terre.
17 Alorsf brusquement des apparitions en des songes terribles les épouvantèrent,
des peurs inattendues les assaillirent.

f Ce qui suit n’a aucune attache avec le récit de l’Exode.

18 Jetés à demi morts, l’un d’un côté, l’autre de l’autre,
ils faisaient savoir pour quelle raison ils mouraient,
19 car les songes qui les avaient troublés les en avaient avertis d’avance,
afin qu’ils ne périssent pas sans savoir pourquoi ils subissaient le mal.

Menace d’extermination au désert.

20 Cependant l’expérience de la mort atteignit aussi les justesg
et une multitude fut massacrée au désert.
Mais la Colère ne dura pas longtemps,

g En punition de la révolte qui suivit le châtiment de Coré, Datân et Abiram, Nb 17.6-15.

21 car un homme irréprochableh se hâta de les défendre.
Prenant les armes de son ministère,
prière et encens expiatoire,i
il affronta le Courroux et mit un terme au fléau,
montrant qu’il était ton serviteur.

h Aaron, « irréprochable » parce que, choisi par Yahvé, il lui est demeuré fidèle.

i Littéralement « le sacrifice expiatoire de l’encens ». En ajoutant la « prière » non mentionnée par le récit biblique, le texte transforme le grand prêtre en intercesseur, cf. 2 M 3.31 ; 15.12 ; Ps 99.6 ; He 7.25.

22 Il vainquit l’Animosité,j non par la vigueur du corps,
non par la puissance des armes ;
c’est par la parolek qu’il eut raison de celui qui châtiait,
en rappelant les serments faits aux Pères et les alliances.

j « l’Animosité » ton cholon conj. ; « la foule » ton ochlon texte reçu.

k Parole liturgique d’intercession, dont la suite de la phrase indique les motifs. Cette parole qui sauve de l’Exterminateur contraste avec la Parole qui frappait, 18.15.

23 Alors que déjà par monceaux les morts étaient tombés les uns sur les autres,
il s’interposa, arrêta la Colère,
et lui barra le chemin des vivants.
24 Car sur sa robe talaire était le monde entier,
les noms glorieux des Pères étaient gravés sur les quatre rangées de pierres,
et sur le diadème de sa tête il y avait ta Majesté.l

l L’auteur se représente Aaron revêtu d’une robe descendant jusqu’aux talons, avec l’ephod et le pectoral aux douze pierres gravées du nom des « Pères » (les douze fils de Jacob), cf. Ex 28.6s ; 39.2s, avec sur la tête la fleur d’or du « diadème » portant l’inscription « consacré à Yahvé », Ex 28.36s ; 39 : 30s. Ces insignes de la dignité de grand prêtre reçoivent ici un symbolisme cosmique qui devait être habituel dans les milieux juifs hellénisés.

25 Devant cela l’Exterminateurm recula, il en eut peur ;
la seule expérience de la Colère suffisait.

m Peut-être un ange, comme celui de 1 Ch 21.15-16. Cf. Ex 12.23 et 1 Co 10.10. — « il eut peur » mss, versions ; « ils eurent peur » texte reçu.