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Genèse 1.1

LA GENÈSE

INTRODUCTION

La Genèse, premier livre du Pentateuque, raconte, comme son nom l'indique (genèse = commencement), les origines du monde et le début de l'action de Dieu parmi les hommes. Elle rapporte divers épisodes de la vie des patriarches, qui ont été groupés de façon à montrer que Dieu intervient constamment auprès d'Abraham et de sa famille en vue de préparer le salut du monde. C'est pourquoi les récits patriarcaux sont précédés d'un prologue, qui situe Abraham et ses descendants au sein des peuples et contient certains des chapitres les plus célèbres de la Bible : la création, Adam et Eve, le Déluge, la tour de Babel... qui forment comme un raccourci saisissant de la marche de l'humanité ici-bas.

Pour bien comprendre ce livre et le sens des récits qu'on y lit, il faut le saisir dans son dynamisme et non le disséquer en morceaux sans relation les uns avec les autres. On se rappellera en particulier que la Genèse ne constitue pas une œuvre indépendante qui serait une sorte d'histoire de l'époque patriarcale, mais qu'elle représente le début d'un vaste ensemble qui raconte comment Dieu, au milieu des nations, se forme sur la terre un peuple qui devra être son témoin. On se souviendra également que la Genèse n'a pas été composée d'un seul jet, mais qu'elle résulte d'un travail littéraire qui s'est poursuivi durant plusieurs générations ; elle reflète donc les expériences parfois douloureuses des enfants d'Abraham, qui nous rapportent la vie de leurs ancêtres, elle suppose ainsi une tradition vivante qui a été constamment relue en fonction des vicissitudes de l'histoire d'Israël. Le texte actuel ne se comprend que si l'on tient compte des reprises nécessaires de l'œuvre divine au sein d'Israël ; on en a l'écho dans les rédactions successives du texte sacré qui n'ont pas annulé les premières esquisses, mais qui les ont enrichies de révélations nouvelles.

Sa composition

On divise généralement la Genèse en deux parties : Gn 1 — 11 qui traite des débuts de l'humanité dans l'univers créé par Dieu, et Gn 12 — 50 qui présente la vie des patriarches et se subdivise en trois cycles portant sur Abraham (Gn 12 — 25), sur Isaac et surtout Jacob (Gn 26 — 36), enfin sur Joseph (Gn 37 — 50).

A cette division « verticale » et commode, parce qu'elle met en évidence le contenu de la Genèse, certains préfèrent une autre, « horizontale », qui fait mieux ressortir le fait que le premier livre de la Bible est constitué de plusieurs strates se prolongeant au-delà de Gn 50. En effet, la Genèse, dans sa présentation actuelle, apparaît formée de diverses couches qui se sont superposées les unes aux autres au cours des siècles et se retrouvent à travers l'ensemble du Pentateuque.

Selon une hypothèse traditionnelle, ce que nous pourrions appeler la plus ancienne Genèse, la narration « yahviste », donne déjà la structure du livre actuel : selon cette narration, Dieu a formé l'homme de la terre et l'a placé au milieu des plantes et des animaux, mais celui-ci a écouté d'autres voix que celle de Dieu et, exclu du jardin d'Eden, doit vivre sa vie dans la confusion et la division (Gn 2 — 4). L'humanité échoue dans sa tentative de réaliser son unité (Gn 11), mais Dieu préparera et réalisera le vrai rassemblement des hommes ; c'est ainsi qu'il sauve Noé du déluge (Gn 6 — 9) et appelle Abraham, pour que, par lui, sa bénédiction atteigne toutes les nations (Gn 12). Le cycle du patriarche, qui va de lieu en lieu, sous le signe de la promesse divine, se clôt par le mariage de son fils (Gn 24).

Les traditions sur Isaac, et surtout sur Jacob, héritier de la promesse, mettent en évidence la lutte que ce dernier doit mener tout au long de son existence avec Dieu et avec les hommes (Gn 32) ; il mourra en Egypte.

La Genèse s'achève avec l'histoire des fils de Jacob où, à côté de Juda, Joseph tient le rôle principal. Celui-ci sauve ses frères de la famine en les accueillant en Egypte où ils connaîtront cependant par la suite un dur esclavage dont Dieu devra les libérer (Exode).

La narration « yahviste », composée sans doute au temps de la royauté, a été ainsi la première mise en forme littéraire de traditions locales et tribales. La tradition « élohiste », après la rupture de l'unité du peuple de Dieu, en constituerait une deuxième strate, dont l'étendue et l'importance sont délicates à discerner ; son ton est plus sobre et moins optimiste que la précédente. On reconnaît parfois dans cette version l'influence du prophétisme : Abraham, par exemple, est salué comme prophète (Gn 20.7), sa foi est mise à l'épreuve, selon le célèbre chapitre 22.

La chute douloureuse de Jérusalem en 587 avant Jésus Christ exigea une nouvelle révision de la geste patriarcale. Ce fut l'œuvre de prêtres exilés en Mésopotamie. La tradition « sacerdotale », au ton généralement abstrait, s'intéresse aux aspects cultuels et législatifs de l'œuvre divine ; elle insiste sur l'alliance de Dieu avec Abraham (Gn 17), qui fait suite à l'alliance noachique (Gn 9) et prépare celle du Sinaï. Elle donne au récit de la Genèse son cadre définitif en faisant commencer l'Histoire Sainte avec la création de l'univers (Gn 1), elle montre la continuité de l'humanité par les indications généalogiques et chronologiques, elle en révèle en même temps les diverses étapes, marquées par l'instauration d'alliances ou de statuts particuliers qui, de la création à Noé et de Noé à Abraham, permettent à Israël de devenir au milieu des nations le peuple qui rendra au Dieu unique un culte vrai.

Ses sources

En racontant les origines du monde et de l'humanité, les auteurs bibliques n'ont pas hésité à puiser directement ou indirectement dans les traditions de l'ancien Proche-Orient. Les découvertes archéologiques depuis plus d'un siècle montrent en effet qu'il existe entre les premières pages de la Genèse et des textes lyriques, sapientiaux ou liturgiques de Sumer, de Babylone, de Thèbes ou d'Ougarit, bien des points communs. Ce fait n'a rien d'étonnant quand on sait que le pays où Israël s'est installé a été largement ouvert aux influences étrangères et que le peuple de Dieu a été lui-même en relation avec ses voisins. Mais les progrès de l'archéologie révèlent également que les écrivains bibliques, responsables des premiers chapitres de la Genèse, loin d'être de serviles imitateurs, ont su retravailler leurs sources et les repenser en fonction des traditions spécifiques de leur peuple, soulignant du même coup l'originalité de la foi yahviste.

Il reste que la comparaison entre le texte biblique et les récits relatifs à l'origine du monde et aux héros de l'Antiquité ne manque pas d'intérêt : on se bornera à signaler, parmi beaucoup d'autres témoins du passé littéraire de l'ancien Proche-Orient, la création par le dieu babylonien Mardouk, les aventures de Gilgamesh, qui contiennent une version babylonienne du Déluge, et la fonction religieuse des tours à étages bâties par les cités mésopotamiennes (tour de Babel).

Les récits patriarcaux attestent, bien qu'ils aient été rédigés longtemps après les événements auxquels ils se réfèrent, un réel enracinement dans le milieu où vécurent les ancêtres d'Israël. Une fois de plus les archéologues nous permettent, notamment par les découvertes relativement récentes d'Ougarit et de Mari, de reconnaître à la fois la complexité des traditions patriarcales et leur intégration dans la vie du deuxième millénaire avant l'ère chrétienne. Les mœurs d'Abraham et de ses descendants rappellent celles de clans semi-nomades, propriétaires de moutons et de chèvres, qui circulent le long du « Croissant fertile »; leurs divers groupes sont en voie de sédentarisation dans le pays de Canaan qui deviendra la terre de leurs descendants.

Il n'est pas possible d'écrire une histoire suivie des patriarches, non seulement à cause du temps qui les sépare des documents qui nous en parlent, mais surtout parce qu'ils ont vécu en marge de l'histoire politique, c'est-à-dire de la « grande histoire ». Leurs traditions reflètent avant tout des préoccupations essentielles comme celles de faire vivre leurs familles dans une région guettée par la famine et d'assurer à leurs troupeaux des terres fertiles ; enfin, seuls certains épisodes significatifs de leur existence ont été retenus par le récit biblique.

Les récits de la Genèse sur les ancêtres d'Israël sont donc d'origine populaire et familiale tout en portant les traces de la culture de leur temps ; ils expriment aussi les croyances des patriarches en un Dieu qui fait route avec eux lors de leurs constants déplacements et leur promet tout ce qui est nécessaire à leur vie.

Ses thèmes et ses figures

La Genèse est riche en thèmes et en figures qui se retrouvent dans d'autres passages de la Bible et que la tradition, tant juive que chrétienne, ne cessera d'évoquer. Ainsi la Genèse s'ouvre par le récit de la création, chantée dans les Psaumes (Ps 8; 104) et rappelée par l'auteur de Job (Jb 38s) et par le livre d'Esaïe (Es 40s); l'attitude d'Adam au jardin d'Eden sera comparée à celle du Christ, nouvel Adam, dans les épîtres pauliniennes (Rm 5 ; 1Co 15) ; l'histoire du Déluge servira de toile de fond au drame de la fin des temps (Mt 25), ou de figure du baptême (1P 3). La destinée d'Abraham commence avec une promesse, confirmée par Dieu à plusieurs reprises. Elle éclaire et détermine le sort de ses descendants ; on s'y réfère au temps de Josué ou de David ; l'apôtre Paul en salue la réalisation dans le Christ (Ga 3). Le sacrifice (ou la « ligature ») d'Isaac retiendra l'attention des rabbins qui célèbrent les mérites de leurs Pères ; il deviendra dans l'Eglise des premiers siècles une préfiguration du drame du Vendredi Saint.

La théologie juive ou chrétienne relira de siècle en siècle le premier livre de la Bible pour y apprendre le mystère du monde et le sens de sa destinée ; la Genèse lui permet d'enraciner la vie des individus et des nations dans la volonté d'amour du Dieu qui s'est révélé à Abraham.

Certains personnages retiennent particulièrement l'attention: le couple Adam et Eve, que le « yahviste » dépeint avec autant de finesse que de profondeur et dans lequel il nous invite à nous reconnaître ; Noé qui trouva grâce aux yeux du Seigneur et exécuta ses ordres ; enfin surtout les patriarches : Abraham, le père des croyants, dont se réclament à la fois les Juifs, les chrétiens et les musulmans, le témoin d'une foi et d'une espérance qui engagent toute son existence ; Jacob, en lutte constante avec les siens et qui demeure à jamais marqué par sa rencontre avec Dieu ; Joseph, l'enfant sage, l'innocent oublié dans une prison, le grand personnage de la cour égyptienne, dont la destinée révèle la sagesse du Seigneur qui fait tout concourir au bien de ceux qu'il aime.

A côté des figures masculines, il ne faut pas négliger le rôle des femmes ou des mères dans la tradition patriarcale : Eve, séduite par le serpent, mais néanmoins appelée à être la mère de tous les vivants (Gn 3) ; Sara, qui rit en apprenant qu'elle sera la mère d'Isaac, l'enfant de la promesse (Gn 18) ; Rébecca, qui intrigue en faveur de son fils préféré ; les démêlés de Léa et de Rachel (Gn 29s), la femme de Potiphar... les unes et les autres introduites avec Adam, Abraham, Isaac, dans le plan de Dieu, tel que le présente la tradition biblique.

LA GENÈSE

LA CRÉATION

1 Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, [Autre traduction Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
— Le mot hébreu traduit par créer se réfère toujours à une action de Dieu. Il est parfois appliqué à l'intervention de Dieu dans l'histoire de son peuple (voir Es 43.1,7,15).
La création Gn 2.4-25 ; Es 42.5 ; Ps 8 ; 89.10-13 ; 104 ; Jb 26.7-14 ; Jb 38 et 39
— est l'œuvre de Dieu Gn 1.21,27 ; 2.3-4 ; 5.1-2 ; 6.7 ; Dt 4.32 ; Mc 13.19 ; Ep 3.9 ; Ap 4.11 ; 10.6
— par sa parole Ps 33.9 ; Jn 1.3 ; He 11.3 ; voir Jr 10.12 ; Pr 8.22-31.]