La promesse du Seigneur
La promesse du Seigneur John Nelson Darby

Matthieu XVIII. 20

Signaler les principes qui annonçaient un commencement de révolte chez le peuple, et consoler les cœurs du petit nombre d’individus qui gémissaient à la vue du mal, telle était la charge des anciens prophètes et le double but de leur témoignage. En opposition à ce dernier, se trouvait celui des faux prophètes, qui tendait toujours à entretenir la masse du peuple dans la sécurité ; tandis qu’il présentait, comme des ennemis de Dieu et de leur pays, le chétif et affligé résidu qui tremblait aux paroles de Jéhovah : Vous avez contristé, en mentant, le cœur du juste lequel je ne contristais point, et fortifié les mains du méchant, afin qu’il ne se détournât point de son mauvais train, et que je ne sauvasse point sa vie ; Ézéch. XIII. 22. Tel est le formidable reproche que Dieu leur adresse. Et, nous voyons que malheureusement leur ministère ne portait que trop de fruits. Car ; à l’époque qui précédait immédiatement la captivité de Babylone, le Seigneur dicte contre Juda, par la bouche du prophète Jérémie, deux accusations qui montraient combien les mains des méchants étaient renforcées ; l’une, que le peuple persévérait ouvertement dans le mal, sous prétexte qu’il n’y avait plus d’espérance de guérison ; l’autre, que ce même peuple en était venu à se persuader de son innocence et à regarder son état comme approuvé du Seigneur. Tu as dit : il n’y a plus d’espérance ; non, car j’ai aimé les étrangers et je m’en irai après eux. Tu dis : parce que je suis innocente sa colère se retirera de moi. Voici : je m’en vais contester avec toi, parce que tu as dit : je n’ai point péché ; Jérémie II. 25 – 35. Il y avait donc au milieu du peuple deux principes assez répandus de nos jours, mais contre lesquels la haine du Seigneur se déclare, savoir : 1°. Tolérer un mal bien connu à la faveur de cette excuse : que le mal est trop grand, et, qu’étant inutile de songer à l’extirper, il vaut mieux tirer le meilleur parti possible des circonstances ; 2°. Oublier que le Seigneur est saint aussi bien que patient, et prendre occasion de sa patience pour mettre la sanction de son nom à des choses qu’il réprouve et qu’il punira certainement ; imitant en cela le peuple qui criait : c’est ici le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel ; bien qu’il eût, à la vue de l’Éternel, changé cette maison en une caverne de voleurs ; Jérémie VII. 1 – 11. L’introduction de ces odieux principes appela le jugement sur le peuple, et ce fut alors que commença le ministère des prophètes desquels le témoignage prit un degré de force et dont le nombre se multiplia en raison directe des progrès du mal. L’esprit de Christ en eux montrait, dans leurs effrayants résultats, les principes qui germaient ou avaient commencé à prendre pied en Israël, et il les présentait comme aboutissant au jour grand et terrible du Seigneur, après avoir engendré, sur leur passage, une longue et triste suite de misères pour les peuples et les individus. Mais, tout en protestant fortement contre le mal présent et en le frappant de la menace des châtiments de Dieu, tout en disant aux méchants que la rétribution de leurs mains leur serait faite, les prophètes n’oubliaient point de dire au juste que bien lui serait, et que les justes mangeraient le fruit de leurs œuvres ; Ésaïe III. 10. Car il y avait des promesses très-fermes de protection et de faveur de la part de Dieu, pour ce peuple affligé et chétif qui demeurait fidèle au milieu de l’abondance du mal. Nous en trouvons un exemple, entre plusieurs autres, dans la prophétie renfermée en Ésaïe VII – XII. Dans le temps même auquel, sous le règne d’Achaz, la révolte s’établissait en Israël, l’esprit prophétique, ayant montré l’immutabilité des conseils de Jéhovah qui devaient demeurer fermes en dépit des infidélités des hommes et de leurs efforts combinés pour les renverser, nous conduit de détails en détails jusqu’à la consommation de la grande révolte. Mais, au milieu de ce sombre tableau, les vrais disciples ont une parole de consolation et d’exhortation. Ne dites point : conjuration, toutes les fois que ce peuple dit : conjuration. Ne craignez point ce qu’il craint et n’en soyez point effrayés. Sanctifiez l’Éternel des armées ; qu’il soit lui-même votre crainte et votre frayeur ; et il vous sera pour sanctuaire. Mais, après avoir donné à ce résidu l’assurance d’une sécurité parfaite, le Seigneur laisse couler sur les rebelles le jugement, comme un fleuve : qui va grossissant, accompagnant chacune des sentences successives qu’il prononce de ce redoutable refrain : Malgré tout cela, il ne fera point cesser sa colère, mais sa main sera encore étendue.

Ces considérations, sur le ministère des prophètes et sur les principes que ce ministère devait juger et condamner, sont destinées à jeter quelque jour sur plusieurs des discours de Jésus, qui vivait au milieu d’un peuple dont la révolte allait bientôt se consommer, et chez lequel on disait : Nous sommes enfants d’Abraham et nous ne fûmes jamais les esclaves de personne, Jean, VIII. Envoyé comme Sauveur, Jésus l’était aussi comme Prophète. Son ministère indiquait la proximité d’un jugement qu’il annonce, au reste, à plusieurs reprises. Et en effet, la perfection de la prophétie aussi bien que celle de la sacrificature se trouvaient réunies dans sa divine personne. Il était ce prophète annoncé par Moïse, Deutéron. XVIII, 18, dans la bouche duquel Jéhovah devait mettre toutes ses paroles pour les rapporter au peuple. Et, en ceci comme dans toutes choses, c’est lui qui tient le premier rang. Car, sans en manifester spécialement l’intention, le Seigneur introduit souvent, dans ses discours, des prophéties qui furent sans doute inaperçues pour les disciples qui l’écoutaient, et qui le sont encore pour la majorité des chrétiens ; mais dont surent profiter les Apôtres, quand le Saint-Esprit leur eut remis en mémoire les instructions de leur Maître, et dans l’intelligence desquelles ce même Esprit nous conduirait aussi, si nous étions dans une plus grande dépendance de ses enseignements. Par exemple, en Matth. XVIII, tout en n’ayant l’air que de donner quelques directions sur l’humilité, le Seigneur Jésus signale (comme son Esprit l’avait fait autrefois par les prophètes dans d’autres circonstances) l’apparition d’un mauvais principe qui se montrait chez les disciples ; et qui, bien qu’étant fort peu de chose en apparence, devait avoir de désastreuses conséquences. Outre les solennels avertissements que le Seigneur donne ici à ce sujet, il annonce d’avance les tristes résultats de la propagation de ce principe ; et il ne manque pas de donner à son peuple des consolations et des directions pour le temps ou le mal aura prévalu et triomphé. Ce mal qui devait empoisonner la Chrétienté, et qui est en opposition directe avec le caractère de Celui chez lequel on ne trouvait ni cri ni contestation, de Celui qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir ; ce mal est ce que je nommerai l’émulation, ou la disposition à avoir le pas sur les autres. On ne peut qu’être frappé en voyant cette disposition, que le monde est bien loin de blâmer et dont Satan devait infecter l’Église visible, se montrer chez les disciples de Jésus dans les circonstances les moins propres, en apparence, à devoir l’exciter. C’est ce qui donne lieu au Seigneur de mettre en contraste l’esprit de Dieu et celui du siècle, les principes qui doivent diriger l’Église et ceux qui dirigent le monde.

Nous lisons en Luc XXII, 24, que, lorsque le Seigneur eut institué la Cène comme mémorial de ses souffrances expiatoires et parlé de la trahison dont il devait être la victime, ses disciples, au lieu de lui témoigner quelque sympathie comme l’on aurait dû s’y attendre, se mirent à contester entre eux pour savoir lequel était le plus grand ; triste mais prophétique tableau ! Et pourtant, ils avaient déjà reçu de leur Maître plusieurs leçons à cet égard ; entr’autres dans la circonstance dont nous avons le récit en Matth. XVIII. D’entrée, nous y entendons les disciples adresser à Jésus cette question : Qui est le plus grand au royaume des Cieux ? Mais à quelle occasion ? L’Esprit-Saint nous apprend que ce fut en ce même temps-là ; c’est-à-dire après que Jésus, comme nous le voyons à la fin du chap. xvii, eut montré par un acte remarquable dans quel état d’humiliation il avait consenti à descendre pour l’amour de nous. On avait demandé à Pierre, pour lui et son Maître, le didrachme ou demi-sicle que chacun des Israélites, riche ou pauvre, devait au Seigneur d’après la loi, Exode XXX. 13 – 16, afin de faire propitiation, pour leurs âmes. Ce tribut, dont le produit était destiné au service du Sanctuaire, était un type de la nécessité d’une Rédemption pour toute âme d’homme. Pierre s’était peut-être trop empressé de répondre aux collecteurs que Jésus ne ferait pas faute à leur demande. Aussi Jésus, avant de les satisfaire, établit-il ses droits comme Fils à être affranchi du tribut ; néanmoins, en tant que sous la loi, et étant venu pour racheter ceux qui étaient sous la loi, il s’empresse d’accomplir en ceci toute justice, comme lors de son baptême par Jean. Qui aurait pu croire que c’est dans un temps comme celui-ci, quand le fils de Dieu s’abaissait au rang de serviteur, qu’on verrait les disciples s’enquérir, dans leur égoïsme, de la manière d’être grand au Royaume des Cieux ? Pauvres disciples ! Ils étaient bien loin de connaître que la grandeur réelle, la grandeur de Dieu, c’est de s’abaisser jusqu’à être serviteur des faibles. Ils avaient oublié que celui qui est haut élevé s’humilie pour regarder ce qui est aux Cieux et en la terre ; et que celui qui habite l’Éternité, duquel le nom est le Saint, habite dans le cœur brisé et l’esprit humble. Psaume CXIII, 6. Ésaïe LVII, 15.

Il était donc urgent qu’à cet égard il se fit chez eux un changement complet d’esprit et de principes. C’est ce qui justifie cette déclaration formelle de Jésus : En vérité je vous dis que si vous n’êtes convertis et ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez point au Royaume des Cieux. Pour être grand dans ce Royaume, il faut prendre ici-bas la dernière place ; car, là où règne le mal (et il règne dans la monde) c’est être vraiment grand que d’être méprisé du monde en suivant Jésus. Ce dernier n’en a été ni reçu ni connu ; et, dans le cas contraire, c’est-à-dire si le Christ n’eût pas été méprisé et rejeté, il aurait été grand aux yeux de ceux qui ne savent ni juger de ce qui est moralement beau ni l’apprécier ; ou, en d’autres termes, on eût pu lui appliquer ce qu’il disait aux Pharisiens : Ce qui est élevé devant l’homme est en abomination devant Dieu. Luc XVI, 15. Or, le disciple n’est pas plus grand que son maître, ni le serviteur que son seigneur ; c’est là une leçon difficile que nous avons à apprendre ; et que, comme les disciples d’autrefois, nous avons mille peines à nous rappeler, ou plutôt que nous oublions sans cesse ; et le Seigneur y revient fréquemment par ce qu’il sait combien notre chair est froissée de l’idée de n’être rien estimée. Ici, il enseigne positivement à son peuple qu’une mortification habituelle de cette chair (se couper un bras, s’arracher un œil) est une discipline nécessaire à s’imposer, si l’on veut jouir des bénédictions promises par l’Évangile. Et, le Grand Scrutateur des cœurs n’attaque pas, comme fâcheuse seulement pour les individus, la disposition qu’il voyait chez ses disciples ; mais il montre encore les pernicieux effets qu’elle aurait dans l’Église et dans le monde s’ils avaient le malheur de n’y pas renoncer. Ainsi celui qui chercherait à s’élever de quelque manière, en prenant un titre honoré dans le monde comme celui de Pasteur ou de Docteur, ou qui voudrait exercer une autorité de près ou de loin semblable à celle devant laquelle la chair consent à se plier, comme celle dont le monde investit les ministres de ses Églises, devait nécessairement s’attendre à devenir un scandale pour les faibles. Supposé même que cette autorité fût aussi bien ménagée qu’elle l’a été et l’est malheureusement peu, surtout envers les pauvres du troupeau, ce n’était pas encore ce qu’il fallait à l’Église. Car, ses besoins nécessitent une autorité semblable à celle qui se trouve dans sa plénitude et la perfection de son exercice, chez le grand et bon pasteur ; une autorité confiée à des gens qui paissent le troupeau, non point comme ayant domination sur les héritages du Seigneur, mais comme étant un exemple aux brebis, et prêts à courir après celle qui s’égare.

Et, quels tristes effets encore produits dans le monde par l’introduction de l’esprit d’élévation dans l’Église ! On sait quel puissant témoignage Jésus rendait ici-bas contre le présent siècle par son humilité et sa séparation d’avec le mal. Rejetant tout ce qui pouvait l’accréditer auprès du monde, il attestait ainsi que les œuvres de ce dernier étaient mauvaises ; c’est pour cela qu’il disait : Pendant que je suis au monde je suis la lumière de ce monde. Jean IX, 5. Or, l’Église était destinée à continuer l’œuvre de Jésus après qu’il serait retourné au Père : Vous êtes la lumière du monde, avait-il dit à ses disciples, Matth. V. 13 ; et, dans la prière sacerdotale, il les présente comme envoyés dans le monde pour y remplir le même ministère que lui, Jean XVII, 18. Comment cela ? sans doute, en y agissant, en s’y conduisant comme lui-même, en y gardant un strict Nazaréat ; et surtout, en se tenant loin de tout ce que le monde appelle gloire, dignité, honneur, etc. Mais, que dit le Seigneur dans le discours que nous méditons ? Malheur au monde à cause des scandales ! De quels scandales ? Hélas ! de ceux que l’Église devait donner. Quand le peuple qui confessait le nom de Jésus, quand le témoin de Jésus sur la terre, las de l’opprobre de son Maître, commença à s’entourer d’une grandeur mondaine et à rechercher cette gloire qui vient des hommes ; quand il voulut être compté pour quelque chose ici-bas, au lieu de se glorifier d’en être les balayures, alors la lumière du monde fut éteinte, et le silence succéda au témoignage. Alors aussi, vint sur le monde la plus mortelle de toutes les calamités, parce qu’il put croire que son train n’était pas si réprouvé de Dieu qu’on voulait l’affirmer, et qu’il fut confirmé dans son incrédulité par le contraste (qu’il sait très-bien apercevoir) qu’offrait la conduite des disciples avec les préceptes du Maître. Telle est la valeur de la lamentation du Seigneur Jésus sur le monde. Ce qui en était le sel a perdu sa saveur ; la beauté, la sainteté de l’Église ont disparu, l’épître de Christ a été couverte de taches, et la terre est privée de la preuve matérielle de la vérité du Christianisme. Et qui pis est, l’immense majorité des pauvres enfants de Dieu qui parle tant de l’accroissement de la piété, qui se donne tant de mouvement pour la conversion du monde, qui organise pour cela tant de comités, d’associations, etc, ne voit pas que tout ce travail qu’on se donne, n’est pas ce que demande le cœur de Jésus : et ne réalise pas encore le dessein de ce glorieux Sauveur en plaçant son Église dans le monde, qui est qu’on reconnaisse ses disciples à leur amour mutuel, et que ces derniers soient un, afin que le monde connaisse que Jésus a été envoyé de Dieu. Jean, XIII, 35. XVII, 21 – 23.

En conduisant plus loin les esprits, sans doute frappés, de ses chers disciples, dans la science de la petitesse, le Seigneur poursuit ses saintes leçons, qui toutes reposent sur le principe que des êtres faibles et petits comme eux, ont besoin de rester tels aux yeux du monde et aux leurs propres, et pour tant d’être fortifiés et rassurés. La petitesse est leur position normale ; celle où Jésus les a toujours vus et veut toujours les voir. C’est comme petits qu’ils les reconnaît pour siens ; et moins ils ont cherché à l’être et à le paraître dans le monde, moins aussi ils ont été les objets de son ministère d’amour et de condescendance, quoique dans sa fidélité il ait pu les reprendre et les châtier. Et, en leur donnant ce qu’il faut à des petits, le Seigneur nous enseigne que le grand principe du Ciel est de soutenir la faiblesse au milieu du mal qui l’environne et la menace. Il veut que son peuple regarde constamment comme un grand bien d’avoir de la force dans le sentiment réel de son infirmité : car, soutenir ce qui est sans force, le faire triompher de tous les obstacles, accomplir sa vertu dans la faiblesse, c’est ce qui glorifie singulièrement la puissance de Dieu ; tandis que, du moment où nous nous armons d’une armure d’homme, et que nous ne comptons que sur ce qui peut donner de la confiance à la chair, notre force réelle nous abandonne ; ceci soit dit de notre force collective comme de notre force individuelle. Aucun moyen de prudence humaine, quelque sagement pensé qu’il soit, fût-il même, dans nos intentions, pour la gloire de Dieu, ne peut nous donner une bonne issue et nous être de quelque profit, parce qu’il contre-carre nécessairement quelqu’une des voies de ce Dieu qui a choisi les choses folles de ce monde pour rendre confuses les sages, et les choses faibles de ce monde pour rendre confuses les fortes, et les choses méprisées, même celles qui ne sont point, pour anéantir celles qui sont, 1 Corinth. I. 27 – 28. Aussi est-ce comme petits que les croyants sont les objets du ministère de ces esprits administrateurs envoyés pour servir ceux qui doivent hériter du salut, Hébr. I. 14. Prenez garde, dit le Seigneur, que vous ne méprisiez un de ces petits, car je vous dis que leurs Anges regardent toujours la face de mon Père qui est aux Cieux : ministère vraiment digne du Ciel, que n’a pas tenu à honte d’exercer Celui qui est descendu du Ciel non pour être servi mais afin de servir, et qui, y étant remonté, fait encore sa joie et sa gloire d’y servir ses disciples. Une grandeur réelle n’a pas besoin du ministère d’autrui ; et, dans un monde corrompu, ce qui donne une dignité réelle, c’est la puissance de retirer ou de préserver du mal ce qui n’a aucune force pour s’en défendre. C’est pourquoi Jésus dit à ses disciples que le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu ; parole précieuse qui nous montre à la fois noire faiblesse et notre force. Et, comme pour achever de nous montrer le fond du cœur de Dieu envers les petits, comme pour aller à l’encontre des suggestions mensongères de l’ennemi qui tire souvent, de notre état de néant, des motifs à nous faire douter de l’intérêt que Dieu nous porte, le Seigneur pose en principe un fait réjouissant qui atteste le bonheur de ceux qui se sentent privés de toute force : ainsi, dit-il, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est aux Cieux qu’un seul de ces petits périsse. Encore une fois, c’est donc dans notre petitesse qu’est noire vraie grandeur, et dans notre infirmité que gît notre force. Veuille le Seigneur nous garder dans le sentiment habituel de ces choses, et entretenir en nous le sentiment de notre impuissance, afin que nous puissions toutes choses en Christ !

Cet éloignement de tout ce qui est grand en la chair, cette disposition d’enfant, cette petitesse de cœur et d’esprit que Jésus venait de recommander à chacun de ses disciples comme moyen d’être individuellement béni sur la terre, il les présente ensuite à chaque église ou à l’église entière comme moyen d’être bénie collectivement. Ainsi, en cas de scandale, il ne veut point qu’aucun de ses disciples en appelle au jugement du monde ; car le monde est un tribunal incapable de juger entre frère et frère ; le droit vrai ou présumé, et non la grâce, devant être la base de son jugement. C’est donc le frère scandalisé qui, d’après les ordres du Seigneur, fera l’office de conciliateur dans le cas en litige : Si ton frère a péché contre toi, va et le reprends entre toi et lui seul ; s’il t’écoute, alors tu as gagné ton frère. Cette règle devait nécessairement arrêter entre les frères toute prétention à une prééminence quelconque ; le coupable n’avait pas à faire une première démarche, et c’était celui qui avait eu à souffrir, qui, devant Dieu, devait se montrer grand en cherchant à ramener l’autre. Le seul appel autorisé du Seigneur, après une seconde démarche infructueuse, devait être fait à l’église ou à l’assemblée des frères, comme au seul corps compétent pour décider dans une cause pareille ; et sa sentence, en cas que son autorité fût méprisée, devait être simplement que le coupable fût retranché de son sein et regardé comme un païen et un péager. En y regardant de près, on ne peut douter que le Seigneur, toujours dans le dessein de détruire la disposition fâcheuse qu’il découvrait se remuant dans le cœur des disciples, et qui devait plus tard amener l’Église entière à rechercher une grandeur visible dans le monde, ne déverse ici un mépris réel sur la gloire de ce dernier ; car, c’est dans son sein que l’Église devait renvoyer ceux qu’elle était contrainte de chasser du sien. Sans doute, la sentence solennelle de l’assemblée, en excluant quelqu’un de sa communion, devait paraître frappée d’impuissance à des hommes charnels qui ne peuvent apprécier que les résultats immédiats d’un jugement, ni voir ici quelque chose de bien fâcheux pour la prospérité temporelle des coupables. Quelle distance en effet entre la sentence d’une Église envers un rebelle, et celle d’un tribunal humain qui voue un criminel à la honte, à l’interdiction civile, à la perte de ses biens ou de sa liberté, quelquefois même de sa vie ! Mais l’impuissance apparente d’une décision prise par ces petits de la communion desquels le monde craint peu d’être exclus, aurait puissance dans le Ciel, et la sentence devrait être suivie de conséquences réelles quoique invisibles, et d’une durée permanente : En vérité, je vous dis que tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans les Cieux ; voilà la déclaration de Dieu même, qui revient à confirmer la pensée dominante de Jésus dans tout ce discours, celle de combattre ce côté de l’orgueil de la vie qui recherche ce qui est grand devant l’homme. N’être forte qu’en Dieu et marcher en pauvre état sur la terre, telle est la position dans laquelle il veut voir son Église, et chacune des âmes qui lui appartiennent ; c’est par là qu’on lui ressemble en effet, car il a été crucifié par infirmité, et n’était fortifié que par la puissance du Dieu invisible.

C’est ainsi que, de tout temps, le Seigneur a pourvu aux besoins spirituels de son peuple ; et, malgré les effrayants progrès que fait la révolte dans la Chrétienté, la source des bénédictions n’est pas tarie pour ce qu’il y a encore de fidèle au milieu de cette génération incrédule et perverse. Bien que l’Israël spirituel soit en petit nombre et dispersé au milieu des nations qui ont adopté quelques-unes des formes du Christianisme ; bien que cette insignifiante minorité soit incapable de protester ou de déployer quelque résistance contre l’envahissement du mal, les bénédictions du Royaume des Cieux leur appartiennent toujours ; et, quoique leur force soit petite, elle est pourtant réelle, parce que le Dieu fort est de leur côté. Il y a une promesse pour les temps les plus désespérément fâcheux, faite par Celui qui apercevait de loin les suites funestes de ces désirs de grandeur et de prééminence qui bouillonnaient dans le cœur des disciples, promesse bien faite pour rassurer un peuple affligé et chétif qui demeurerait fidèle au milieu du mal : Je vous dis que si deux d’entre vous s’accordent sur la terre, touchant quoique ce soit qu’ils demanderont, il leur sera accordé par mon père qui est aux Cieux : car, où il y en a deux ou trois assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux.

Liée au point de vue morale que le Seigneur se propose dans son discours, cette promesse est une preuve permanente qu’il y a bénédiction pour les Saints assemblés, quelles que soient d’ailleurs les circonstances extérieures. On a vu jadis l’Église puissante en œuvres et en autorité, mais non pas selon le monde, car elle en était séparée, même jusque-là que ses membres n’étaient qu’un cœur et qu’une âme et qu’ils avaient toutes choses communes ; et sa puissance spirituelle et invisible était reconnue mène par ceux du dehors, voyez Act. II. 43 – 47. IV. 37. Le nom d’Ichabod (1 Sam. IV. 21) a été écrit sur toute cette gloire, et c’est en vain qu’on chercherait aujourd’hui quelque part un témoignage aussi éclatant rendu contre le monde, par l’union des membres de l’Église et la puissance du Saint-Esprit déployée au dedans et au dehors d’eux. Le levain qui fermentait chez les disciples, savoir : le désir de briller, agit bientôt efficacement dans l’Église ; et, comme il procédait de la chair, il poussa bientôt l’Église au désir et à la recherche des choses hautes, à celles que la chair apprécie. Et à quoi cela a-t-il abouti ? hélas ! à faire devenir un beau et grand arbre (mais qui sera coupé), ce qui n’était qu’une semence de moutarde ; à ce système de Chrétienté, grand en la terre, se glorifiant de ses lumières par-dessus les Payens ou les autres infidèles, maître en apparence de leurs destinées, honorant toutes les distinctions mondaines et prêtant l’autorité du Ciel à des principes opposés à ceux du Christ de Dieu. Des milliers de personnes commencent à le voir et à le sentir ; mais que faire ? où aller ? qu’espérer de leur faible protestation contre un mal invétéré, chéri, caressé et entrelacé, faut-il dire, avec tout ce qui les entoure ? Reconstituer l’Église serait détruire la Chrétienté, et d’ailleurs quelle promesse y a-t-il de réussir ? L’Église de profession n’a point persévéré dans la bonté de Dieu ; c’est donc le jugement et non la miséricorde qui l’attend ; faut-il néanmoins tolérer ce qui existe ; et, parce que Dieu épargne, crier comme Israël : c’est ici le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel. Non sans doute ; mais quel parti prendre alors puisque nous n’avons ni puissance ni autorité pour rétablir les lieux désolés ? le cas n’est-il pas désespéré ? Telles sont les questions et les perplexités de ceux qui voient le mal, mais qui désirent au moins un petit répit dans leur servitude. Il y a néanmoins quelque baume en Galaad : le Seigneur n’a pas laissé son peuple sans réponse. Il ne les force point d’avouer ce qu’il désavoue et ce qu’il jugera ; il ne ferme pas non plus la porte à l’espérance : Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom je suis au milieu d’eux ; voilà une bénédiction attachée à notre économie, et qui est pour tous les temps, les lieux et les individus ; car Jésus dit aussi : Voici, je suis tous les jours avec vous jusqu’à la fin du monde. Le résidu ne se composât-il que de deux ou trois au milieu de la Chrétienté, il y en a assez, si Dieu les réunit, pour les assurer de la présence spirituelle du Seigneur. La gloire s’est retirée de dessus le Tabernacle de Dieu en esprit, cela est vrai ; toutefois, à ce nombre insignifiant selon l’homme de deux ou trois, la parole de Jésus est adressée : Assemblez-vous en mon nom, leur dit-il ; et, pour les y encourager, il y joint cette promesse : Je suis au milieu de vous. Ce qui constitue le caractère de cette économie, savoir, la présence, dans, l’Église, du Consolateur qui est l’arrhe de notre héritage, c’est précisément ce que l’on est le plus enclin à oublier. Au lieu de nous attacher à ce qui est notre portion comme enfants de Dieu, nous avons un triste penchant vers un ordre de choses que le monde peut accepter. Hélas ! la bénédiction ne consiste pas à courir après des prédications ; l’on n’adore pas non […] Père plutôt dans un endroit que dans un […] et les croyants n’ont pas besoin de chercher […] chose de visible à quoi se rattacher ; ils n’ont qu’à se réunir au nom du Seigneur. C’est là […] poison de ces deux maladies si communes, la recherche de l’approbation et de la communion […], et l’esprit de secte. On s’est tellement […] à lier dans son esprit l’idée d’Église avec […] une Société organisée, pourvue d’un Ministère, etc., soutenue ou non par l’État, que l’on a perdu vue la communion des Saints. Celle-ci […] fut jamais interdite par le Seigneur, quoique notre incrédulité nous prive de ses douceurs ; en soit la promesse faite à deux ou trois ; […] où est la présence du Seigneur, que peut-on demander de plus ? C’est pourquoi l’Apôtre insiste […] qu’on n’abandonne point les mutuelles assemblées, qui sont un grand moyen de nous réjouir […] diriger, surtout dans les temps d’épreuve.

Il faut dire aussi que si l’on exclut quelque […] que ce soit de ces assemblées, ou bien que si des chrétiens admettent sciemment le monde à leur […], ils ne s’assemblent pas au nom du Seigneur, et, par conséquent, l’Esprit du Seigneur est contristé.

[…] insensés de cœurs désirent quelque chose […] impose à l’œil ; et demeurer fermes dans la […] du Seigneur est quelque chose qui leur est tout-à-fait contraire. Veillons donc contre ce […] cœur d’incrédulité qui se détourne […] Dieu vivant ; veillons sur nous-mêmes de […] quelqu’un ne s’endurcisse par la tromperie […] péché ; et il y a de la tromperie là où l’on […] l’apparence et non suivant la justice : […] qui est toujours le résultat d’une opposition du cœur à la volonté de Dieu. Celui qui croit […] jamais exposé à choisir de deux maux le moindre ; car la Parole est tellement pleine de détails et ses principes sont tellement susceptibles d’extension, Psaume CXIX, 96, qu’il est difficile, quand on veut obéir, de ne pas savoir que faire, surtout lorsqu’on la sonde avec le secours de l’Esprit de Dieu. Plusieurs Chrétiens se trouvent dans une double perplexité. D’un côté ils ne peuvent pas, sans violenter leur conscience, adopter, comme voulu de Dieu, un système d’organisation ecclésiastique dans lequel le monde domine ; et, de ce que Dieu souffre ce système, ils n’en concluent point qu’il l’approuve. Mais, d’un autre côté, ils ne trouvent rien non plus qui ressemble, par sa beauté morale et par son ordre spirituel, à ce qu’offrait l’Église primitive ; et rien, par conséquent, qui leur offre cet asile après lequel leur cœur soupire. Ils restent donc en dehors de tout ; et si leur conscience n’est pas violentée, du moins leur paix et leur obéissance en souffrent. Mais le Tout-Puissant a tout prévu : il a pourvu aux difficultés que leur faiblesse ou leur petit nombre peut élever dans leur esprit. Connaissant le désir de leurs cœurs, et sympathisant avec une hésitation occasionnée par la vue de deux faux systèmes et la crainte d’en embrasser un mauvais, il a mis en avant sa promesse d’être au milieu de deux ou trois assemblés en son nom, promesse qui les investit d’une autorité suffisante pour agir et les délivre de toute perplexité ultérieure. Voilà donc le chemin de la sagesse bien tracé pour ceux auxquels l’Esprit de vérité a ouvert les yeux sur l’Apostasie du peuple de profession. Tout en regrettant la perte de cette gloire visible que le Seigneur, en quittant la terre, avait légué à son Église, ils ne chercheront ni n’attendront quelque témoin nouveau revêtu de la même gloire que le Christ aurait suscité et pourrait susciter ; mais, se souvenant d’où ils sont déchus, ils auront du zèle et se repentiront ; et, dans cet état, ils recevront des bénédictions du Seigneur qui ne s’est pas engagé à refaire ce que l’homme aura gâté, mais a promis d’être toujours avec les siens et a pourvu en même temps à sa propre gloire, en leur ordonnant de retrancher tout frère qui marcherait dans le désordre. Ainsi, deux choses sont assurées aux fidèles pour les temps les plus fâcheux, savoir : 1°. la présence du Seigneur pour leur consolation et leur force ; 2°. le droit de regarder comme un payen et un péager celui qui salit sa profession et fait blasphémer le Saint Nom dont il se réclame. Le peuple de Dieu peut toujours agir. Ceux qui sont de Christ ont l’Esprit de Christ, Esprit par lequel ils peuvent s’unir, juger de toutes choses et se retirer de tout frère qui, après répréhension, persévère dans le désordre. La consolation des adorateurs, la pureté du culte, et en conséquence le témoignage (quoique faible) rendu au monde, se trouvent donc assurés par la promesse de notre bon et gracieux Seigneur à son pauvre peuple. Tout revient à ceci, c’est que Jésus n’a pas voulu contraindre ses enfants à pécher. Or, si le Seigneur leur a donné au milieu du mal un moyen de n’y pas participer, je crois qu’il est aussi bien de leur devoir de s’assembler entr’eux que de s’abstenir de ces choses qui choquent même une conscience naturelle. Il n’y a qu’un seul Législateur ; et qui prétendra borner son autorité ? La même bouche qui a dit : Ne jurez point du tout, a dit aussi : Qu’il te soit comme un payen et un péager. Le vrai disciple se croira-t-il moins lié par une de ces paroles que par l’autre ?

Voilà ce qui me semble être l’Esprit général du discours du grand Prophète de l’Église dans ce chapitre. Prévoyant parfaitement les suites de la fâcheuse disposition qui fermentait dans le cœur des disciples, il a égard à cela et pourvoit d’avance à un moyen de sortir du labyrinthe de difficultés dans lequel cette même disposition, réalisée au milieu de l’Église de profession, jetterait les siens dans la suite ; et, dans les siècles les plus ténébreux de l’Histoire Ecclésiastique, on trouve des âmes qui, ayant su obéir aux directions du Seigneur, ont éprouvé les bénédictions qui suivent cette obéissance. Non, le Sauveur ne veut pas attrister les siens ni fortifier les mains des méchants. Il n’a pas plus voulu sanctionner des systèmes mondains et forcer les disciples à s’y rattacher, que réduire ces derniers à cette excuse de la paresse : tout est gâté, il n’y a rien à faire. Ayons foi à sa parole et nous aurons tout ce qu’il faut pour semer et recueillir. Quelles que soient nos circonstances, il ne nous est jamais permis de mal faire ; et c’est un triste signe du manque de sagesse et d’intelligence spirituelle que ces mauvaises excuses, ces misérables subtilités, ces analogies forcées, ces perversions de la Parole de Dieu si souvent employées pour calmer des consciences réveillées par la vue du mal qui existe dans les systèmes actuels. La promesse du Seigneur répond suffisamment à ceux qui taxent de schisme l’accomplissement d’un devoir sacré, l’union des frères hors du monde et au nom du Seigneur Jésus. Béni soit son saint Nom ! ses enfants ne sont point laissés orphelins. Bien que nous ayons à nous humilier, comme membres fidèles, du triste état où le corps de Christ est réduit par notre faute, n’ajoutons pas à nos autres péchés celui de taxer notre Dieu d’être infidèle à ses promesses, ou de le tenter, en disant comme Israël : Le Dieu fort est-il ou non parmi nous ? Quiconque croit en lui ne sera point confus, même dans les temps les plus désastreux. Quand l’iniquité aborde, et que l’amour de plusieurs se refroidit, ceux qui sont de Jésus peuvent s’assembler et s’exhorter les uns les autres, d’autant plus qu’ils voient s’approcher le jour. Comme il en était autrefois encore l’est-il maintenant : Vous avez dit : c’est en vain qu’on sert Dieu ; et quel profit avons-nous d’avoir gardé ses ordonnances et marché en pauvre état devant l’Éternel des armées ? Et maintenant nous estimons heureux les orgueilleux ; même ceux qui font méchanceté sont élevés ; même ceux qui tentent Dieu ont été délivrés. Alors ceux qui craignent Jéhovah ont parlé l’un à l’autre et Jéhovah y a été attentif et l’a entendu ; et on a écrit devant lui un livre de mémoire pour ceux qui craignent Jéhovah et qui pensent à son Nom. Et ils seront miens, a dit l’Éternel des armées, au jour que je mettrai à part mes joyaux, et je les épargnerai comme un homme épargne son fils qui le sert, Malachie III. 14 – 17.

FIN.

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