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Bible de Jérusalem – Sagesse 1

SAGESSE DE SALOMON

Introduction au livre de la Sagesse

I. La Sagesse et la destinée humaine

Chercher Dieu et fuir le péché.

1 Aimez la justice,a vous qui jugez la terre,b
ayez sur le Seigneur de droites pensées
et cherchez-lec en simplicité de cœur,

a Même formule grecque en Ps 44.8 (45) et 1 Ch 29.17. Par « justice » il faut entendre le plein accord de la pensée et de l’action avec la volonté divine, telle qu’elle s’exprime par les préceptes de la Loi et les injonctions de la conscience.

b Cf. Ps 2.10. « Juger », c’est l’acte essentiel du gouvernement. L’auteur, qui, par une fiction littéraire, se donnera pour Salomon 7.7-11 ; 9.7-8, 12, s’adresse apparemment à ses collègues en royauté (cf. 6.1-11). En réalité, il veut toucher les Juifs menacés par le paganisme ambiant.

c « chercher Dieu » pour « le trouver », invitation constante de la littérature prophétique et sapientielle, cf. Am 5.4. Mais l’influence de 1 Ch 28.9 semble plus directe. Sur la « simplicité de cœur », cf. 1 Ch 29.17 ; Ep 6.5 ; Col 3.22.

2 parce qu’il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent pas,
il se révèled à ceux qui ne lui refusent pas leur foi.

d Même expression grecque en Jr 29.13-14 (LXX : 36) et Isa 65.1.

3 Car les pensées tortueuses éloignent de Dieu,
et, mise à l’épreuve, la Puissancee confond les insensés.

e La Puissance divine à l’œuvre dans le monde et qui sera identifiée tour à tour avec l’Esprit ou sa Sagesse.

4 Non, la Sagesse n’entre pas dans une âme malfaisante,
elle n’habite pas dans un corps tributaire du péché.f

f Le corps n’est pas mauvais par lui-même. Mais il peut se faire l’instrument du péché, et devenir ainsi le tyran de l’âme. Saint Paul, Rm 7.14-24, et saint Jean, Jn 8.34, donneront à cette pensée son expression définitive.

5 Car l’esprit saint, l’éducateur,g fuit la fourberie,
il se retire devant des pensées sans intelligence,
il s’offusqueh quand survient l’injustice.

g « L’éducateur » litt. « de l’éducation »; var. « de la sagesse ». — L’éducation israélite, dispensée traditionnellement par les sages, est placée sous l’influence d’un « esprit saint » cf. Ps 51.13 ; Isa 63.10-11 ; déjà certains textes avaient représenté l’Esprit divin comme le guide d’Israël dans le passé, Ne 9.20, 30 ; Isa 63.10-11, ou comme une force intérieure, Ps 51.13 ; Ez 11.19 ; 36.26-27 ; par ailleurs, la Sagesse assumait parfois le rôle des maîtres de sagesse, Pr 1-9, ou tendait à s’identifier avec l’Esprit, cf. vv. 6-7 ; 7.22 ; 9.17.

h Texte difficile ; litt. « est confondu », « mis en échec ».

6 La Sagesse est un esprit ami des hommes,
mais elle ne laisse pas impuni le blasphémateur pour ses propos ;
car Dieu est le témoin de ses reins,
le surveillant véridique de son cœur,i
et ce que dit sa langue, il l’entend.

i Les « reins » sont le siège des passions et des impulsions conscientes, Jb 19 : 27 ; Ps 16.7 ; 73.21 ; Pr 23.16 ; le « cœur », celui de l’activité consciente, intellectuelle aussi bien qu’affective, Gn 8.21. « Cœur » et « reins » sont souvent associés, Ps 7.10 ; 26.2 ; Jr 11.20 ; 17.10 ; 20.12 ; Ap 2.23, pour désigner l’ensemble des puissances intérieures de l’homme.

7 L’esprit du Seigneur en effet remplit le monde,j
et lui, qui tient uniesk toutes choses, a connaissance de chaque mot.l

j L’omniprésence de Dieu, affirmée en Jr 23.24 (cf. aussi Am 9.2-3 ; 1 R 8.27), est envisagée en fonction de son Esprit d’après Ps 139.7 et les textes qui attribuent à celui-ci une activité vivifiante universelle, Jdt 16.14 ; Jb 34.14-15 ; Ps 104.30. Cf. 12.1.

k Le terme traduit par cette expression est emprunté au vocabulaire stoïcien. Il marque avec force le rôle de l’esprit du Seigneur dans la cohésion de l’univers. Mais le terme, transposé, désigne la puissance immanente d’un Dieu transcendant.

l L’Esprit relie si intimement les êtres qu’il perçoit immédiatement chaque mot proféré. En vertu d’une accommodation, la liturgie de la Pentecôte applique ce texte au « don des langues », Ac 2.2-4.

8 Nul ne saurait donc se dérober, qui profère des méchancetés,
la Justice vengeresse ne le laissera pas échapper.
9 Sur les desseins de l’impie il sera fait enquête,
le bruit de ses paroles ira jusqu’au Seigneur,
pour preuve de ses forfaits.
10 Une oreille jalouse écoute tout,
la rumeur même des murmures ne lui échappe pas.
11 Gardez-vous donc des vains murmures,
épargnez à votre langue la médisance ;m
car un mot furtif ne demeure pas sans effet,
une bouche calomnieuse donne la mort à l’âme.

m Contre Dieu et le prochain.

12 Ne recherchez pas la mort par les égarements de votre vie
et n’attirez pas sur vous la ruine par les œuvres de vos mains.
13 Car Dieu n’a pas fait la mort,n
il ne prend pas plaisir à la perte des vivants.

n L’auteur envisage à la fois la mort physique et la mort spirituelle, liées l’une à l’autre :le péché est la cause de la mort et, pour l’homme pécheur, la mort physique est aussi la mort spirituelle et éternelle. L’auteur renvoie ici au récit de Gn 2-3 :pour en dégager les intentions du Créateur :l’homme a été fait pour l’immortalité et rien dans la création ne peut faire échec à la volonté divine ; déjà les générations successives perpétuent la vie. — Saint Paul, Rm 5.12-21, reprendra la doctrine de la mort introduite par le péché, en opposant au premier Adam pécheur le nouvel Adam sauveur.

14 Il a tout créé pour l’être ;o
les générations dans le monde sont salutaires,
en elles il n’est aucun poison destructeur,
et l’Hadèsp ne règne pas sur la terre ;

o Dieu, « Celui qui est », Ex 3.14, a créé toutes choses pour qu’elles « soient », pour qu’elles aient une vie réelle, solide, durable.

p L’« Hadès » — le shéol des Hébreux, Nb 16.33 — représente ici, non pas le séjour des morts, mais la puissance de la Mort personnifiée, cf. Mt 16.18 ; Ap 6.8 ; 20.14.

15 car la justice est immortelle.q

q Celui qui pratique la « justice » (cf. 1.1) est assuré de l’immortalité. — Des mss lat. ajoutent « Mais l’injustice est l’acquisition de la mort ». Cette addition, mal attestée, ne doit pas représenter le texte grec original.

La vie selon les impies.

16 Mais les impiesr appellent la mort du geste et de la voix ;
la tenant pour amie, pour elle ils se consument,
avec elle ils font un pacte,
dignes qu’ils sont de lui appartenir.s

r Les « impies » sont ici avant tout des Juifs renégats, cyniques et jouisseurs, qui vont jusqu’à persécuter leurs frères et défier Dieu. Mais les païens matérialistes avec lesquels ils se confondent ou dont ils adoptent les maximes de vie ne sont pas exclus.

s Littéralement « d’être la part de celle-ci »; cf. 2.9, 24. Les impies sont la part de la mort, comme Israël est la part de Dieu, Dt 32.9 ; 2 M 1.26 ; Za 2.16, et comme Dieu est la part du fidèle, Ps 16.5 ; 73.26 ; 142.6.

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