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Bible de Jérusalem

Ésaïe 51

Élection et bénédiction d’Israël.i

51 Écoutez-moi, vous qui êtes en quête de justice,
vous qui cherchez Yahvé.
Regardez le rocher d’où l’on vous a taillés
et la fosse d’où l’on vous a tirés.

i Ici commence un grand poème de la restauration de Sion, qui continue jusqu’en 52.12. Il peut avoir été composé en une fois, il peut être l’assemblage de courts chants qu’unissent le même thème de salut et les mêmes exhortations à « écouter », 51.1, 4, 7, et à « s’éveiller », 51.9, 17 ; 52.1. — Le premier morceau est un rappel des bénédictions d’autrefois, notamment la bénédiction accordée à Abraham, Gn 12.1-3 ; cf. Ez 33.24, qui est à l’origine du don de la Terre promise dans laquelle le peuple exilé va être prochainement rétabli, v. 5.

2 Regardez Abraham votre père
et Sara qui vous a enfantés.
Il était seul quand je l’ai appelé,
mais je l’ai béni et multiplié.
3 Oui, Yahvé a pitié de Sion,
il a pitié de toutes ses ruines ;
il va faire de son désert un Éden
et de sa steppe un jardin de Yahvé ;
on y trouvera la joie et l’allégresse,
l’action de grâces et le son de la musique.

Le règne de la justice de Dieu.j

4 Écoute-moi bien, mon peuple,
ô ma nation, tends l’oreille vers moi.
Car une loi va sortir de moi,
et je ferai de mon droit la lumière des peuples.

j On ne peut pas s’empêcher de faire un rapprochement entre ce programme et l’œuvre attribuée au Serviteur, notamment dans les deux premiers chants. Le Serviteur aussi sera lumière des nations, v. 4, cf. 49.6, il établira le droit et le salut, vv. 4, 5, 6, cf. 42.1, 4 ; 49.6, bref, c’est le Serviteur qui établira le Règne de Dieu sur le monde.

5 Soudain ma justice approche, mon salut paraît,
mon bras va punir les peuples.
Les îles mettront en moi leur espoir
et compteront sur mon bras.
6 Levez les yeux vers le ciel,
regardez en bas vers la terre ;
oui, les cieux se dissiperont comme la fumée,
la terre s’usera comme un vêtement
et ses habitants mourront comme de la vermine.
Mais mon salut sera éternel
et ma justice demeurera intacte.
7 Écoutez-moi, vous qui connaissez la justice,
peuple qui mets ma loi dans ton cœur.
Ne craignez pas les injures des hommes,
ne vous laissez pas effrayer par leurs outrages.
8 Car la teigne les rongera comme un vêtement,
et les mites les dévoreront comme de la laine.
Mais ma justice subsistera éternellement
et mon salut de génération en génération.

Éveil de Yahvé.k

9 Éveille-toi, éveille-toi !
revêts-toi de force, bras de Yahvé.
Éveille-toi comme aux jours d’autrefois,
des générations de jadis.
N’est-ce pas toi qui as fendu Rahab,
transpercé le Dragon ?

k Yahvé est appelé à renouveler les merveilles du passé, sa victoire contre les puissances du chaos primordial et le passage de la Mer, pour ramener les exilés à Sion.

10 N’est-ce pas toi qui as desséché la mer,
les eaux du Grand Abîme ?l
qui as fait du fond de la mer un chemin,
pour que passent les rachetés ?

l Les cosmologies orientales représentaient la création comme la victoire du dieu créateur sur les monstres du chaos, qui sont appelés Rahab, cf. Ps 89.11 ; Jb 9.15 ; 26.12, ou le Dragon (Tannin ou Léviathan), cf. Ps 74.13 ; Jb 7.12 ; 27.1 ; Ez 29.3, ou l’Abîme (Tehôm, cf. Tiamat de la cosmologie babylonienne), cf. Gn 1.2 ; Ha 3.10 ; Ps 104.6-8, etc. À l’époque du Second Isaïe, ces noms mythologiques ne sont plus que des évocations poétiques.

11 Ceux que Yahvé a libérés reviendront,
ils arriveront à Sion criant de joie,
portant avec eux une joie éternelle ;
la joie et l’allégresse les accompagneront,
la douleur et les plaintes cesseront.m

m Ce v. reproduit littéralement 35.10, mais il est nécessaire ici, où il est préparé par les vv. 9-10.

Yahvé consolateur.n

12 C’est moi, je suis celui qui vous console ;
qui es-tu pour craindre l’homme mortel,
le fils d’homme voué au sort de l’herbe ?

n Yahvé prend la parole pour réconforter Israël, cf. 40.1. Celui-ci ne doit craindre aucun mortel, même s’il a la force pour lui, car Yahvé, maître de la création, protège son peuple.

13 Tu oublies Yahvé, ton créateur,
qui a tendu les cieux et fondé la terre,
et tu ne cesses de trembler tout le jour
devant la fureur de l’oppresseur,
lorsqu’il se met à détruire.
Où donc est la fureur de l’oppresseur ?
14 Le désespéré va bientôt être libéré,
il ne mourra pas dans la basse-fosse,
il ne manquera plus de pain.
15 Je suis Yahvé ton Dieu, qui brasse la mer pour faire mugir ses flots,
dont le nom est Yahvé Sabaot.
16 J’ai mis mes paroles en ta bouche,
à l’ombre de ma main je t’ai caché,
pour tendreo les cieux et pour fonder la terre,
pour dire à Sion : « Tu es mon peuple. »

o « tendre » syr., cf. v. 13 ; « planter » hébr.

Réveil de Jérusalem.p

17 Réveille-toi, réveille-toi,
debout ! Jérusalem.
Toi qui as bu de la main de Yahvé
la coupe de sa colère.
C’est un calice, une coupe de vertige
que tu as bue, que tu as vidée.

p Jérusalem, prostrée dans la tristesse, est invitée à se relever, comme Babylone avait reçu l’ordre de s’asseoir dans la poussière, 47.1. Mais le prophète rappelle d’abord à Jérusalem la profondeur de sa détresse. L’image de la « coupe de la colère » qui sera transmise aux persécuteurs, v. 22, se retrouve en Jr 13.13 ; 25.15-18 ; 48.26 ; 49.12 ; 51.7 ; Ez 23.32-34 ; Ha 2.15-16 ; Ab 16 ; Za 12.2 ; Ps 75.9 ; Lm 4.21.

18 Personne ne la guide,
aucun des fils qu’elle a enfantés ;
personne ne lui prend la main,
aucun des fils qu’elle a élevés.
19 Ce double malheur qui t’est arrivé,q
qui t’en plaindra ?
Le pillage et la ruine, la famine et l’épée,
qui t’en consolera ?r

q Soit au sens de punition surabondante, soit les fléaux du vers suivant, comptés deux par deux.

r « qui t’en consolera » versions, 1QIsa ; « qui je te consolerai » (?) TM.

20 Tes fils gisent sans force au coin de toutes les rues,
comme l’antilope prise au filet,
ivres de la fureur de Yahvé,
de la menace de ton Dieu.
21 C’est pourquoi, écoute ceci, malheureuse,
ivre, mais non de vin :
22 Ainsi parle ton Seigneur Yahvé,
ton Dieu, défenseur de ton peuple :
Voici que je te retire de la main la coupe de vertige,
le calice, la coupe de ma fureur.
Tu n’y boiras plus jamais.
23 Je la mettrai dans la main de tes tortionnaires,
de ceux qui te disaient : À terre ! que nous passions !
et tu faisais de ton dos un passage,s
un chemin pour qu’ils y passent.

s Littéralement « comme la terre », sur laquelle on marche. Humiliation souvent imposée aux vaincus.

Ésaïe 65

Le jugement futur.e

65 Je me suis laissé approcher par qui ne me questionnait pas,
je me suis laissé trouver par qui ne me cherchait pas.
J’ai dit : « Me voici ! me voici ! »
à une nation qui n’invoquait pas mon nom.f

e Les chap. 65-66 forment un recueil apocalyptique qui peut dater, dans son ensemble, de l’époque postexilique. Le rythme est parfois indécis et on a pu considérer que certains passages étaient écrits en prose.

f « qui n’invoquait pas (Littéralement « qui n’appelait pas ») mon nom » versions ; « qui n’était pas appelé par mon nom » hébr.

2 J’ai tendu les mains, chaque jour,
vers un peuple rebelle,
des gens qui suivent une voie mauvaise,
au gré de leur fantaisie.
3 Un peuple qui me provoque sans cesse en face,
qui sacrifie dans les jardins,
qui brûle de l’encens sur des briques,
4 qui habite dans les tombeaux,
passe la nuit dans les recoins,
mange de la viande de porc
et met dans ses plats des morceaux impurs.g

g Littéralement « des miettes (collectif) de mets impurs » ou, en lisant avec le qeré et 1QIsa, « du jus de mets impurs ». — Comme à 66.17 et cf. Ez 8.7-13, il s’agit de rites païens qui se pratiquèrent en secret à Jérusalem pendant l’Exil et que la communauté eut à combattre à son retour. Ce ne sont pas encore les religions à mystères de l’époque hellénistique.

5 Ils disent : « Retire-toi,
ne me touche pas, je te sanctifierai. »h
Ces mots sont comme une fumée qui m’étouffe,
un feu toujours brûlant.

h Paroles mises sur les lèvres des initiés, censés porteurs d’une « sainteté » que risquerait de transmettre un simple contact.

6 Voici, c’est écrit devant moi :
je ne me tairai pas que je n’aie réglé leur compte,
réglé à pleine mesure,i

i Littéralement « sur leur sein », cf. Jr 32.18 ; Ps 79.12. Les plis du manteau servaient de sac à provisions, comp. 2 R 4.39 ; Rt 3.15 ; Lc 6.38. L’expression est répétée à la fin du v. 7.

7 puni vos fautes et les fautes de vos pères, toutes ensemble, dit Yahvé,
eux qui ont brûlé des parfums sur les montagnes
et m’ont outragé sur les collines ;
je mesurerai à pleine mesure leurs œuvres anciennes.

8 Ainsi parle Yahvé :
Quand on trouve du jus dans une grappe,
on dit : « Ne la détruisez pas,
car elle contient une bénédiction »
ainsi ferai-je en faveur de mes serviteurs,
je ne détruirai pas tout.
9 Je ferai sortir de Jacob une race,
je ferai de Juda l’héritier de mes montagnes,
mes élus les posséderont,
mes serviteurs y habiteront.
10 Le pays de Saron deviendra un pâturage de brebis,
la vallée d’Akor un pacage de bœufs,
pour mon peuple qui m’aura cherché.
11 Quant à vous tous qui abandonnez Yahvé,
qui oubliez ma montagne sainte,
qui dressez à Gad une table,
qui versez à pleine coupe des mixtures pour Meni,j

j Gad, dieu araméen de la fortune. Meni, dieu inconnu, peut-être une divinité du destin. L’hébr. semble faire un jeu de mots avec le premier mot du v. suivant, manîtî, « je destinerai ».

12 je vous destinerai à l’épée,
tous, vous courberez l’échine pour être massacrés,
car j’ai appelé et vous n’avez pas répondu,
j’ai parlé et vous n’avez pas écouté ;
vous avez fait ce qui est mal à mes yeux,
vous avez choisi ce qui me déplaît.
13 C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur Yahvé :
Voici : mes serviteurs mangeront,
mais vous, vous aurez faim ;
voici : mes serviteurs boiront,
mais vous, vous aurez soif ;
voici : mes serviteurs seront dans la joie,
et vous, dans la honte ;
14 voici : mes serviteurs crieront,
dans la joie de leur cœur,
et vous, vous pousserez des cris, dans la douleur de votre cœur,
vous hurlerez dans l’accablement de votre esprit.
15 Et vous laisserez votre nom comme imprécation pour mes élus :
« Que le Seigneur Yahvé te fasse mourir ! »k
mais à ses serviteurs il donnera un autre nom.

k Sous-entendu « comme ces méchants ».

16 Ceux qui se béniront sur terre se béniront par le Dieu de vérité,
et ceux qui jureront sur terre jureront par le Dieu de vérité ;
on oubliera les angoisses anciennes,
elles auront disparu de mes yeux.
17 Car voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle,l
on ne se souviendra plus du passé,
il ne reviendra plus à l’esprit.

l Chez les prophètes anciens, le bonheur messianique annoncé pour l’avenir était plus ou moins décrit comme un retour au paradis, cf. 11.6. Mais dans les œuvres apocalyptiques, sans répudier absolument les anciennes représentations, cf. 65.25 citant 11.7, 9, le prophète envisage une rénovation totale. C’est un monde nouveau qui est annoncé et décrit à travers toute la littérature apocalyptique, cf. Ap 21.1 ; 2 P 3.13.

18 Mais soyez pleins d’allégresse et exultez éternellement
de ce que moi, je vais créer :
car voici que je vais faire de Jérusalem une exultation
et de mon peuple une allégresse.
19 J’exulterai en Jérusalem,
en mon peuple je serai plein d’allégresse,
et l’on n’y entendra plus retentir les pleurs et les cris.
20 Là, plus de nouveau-né qui ne vive que quelques jours,
ni de vieillard qui n’accomplisse son temps ;
car le plus jeune mourra à l’âge de cent ans,
c’est à cent ans que le pécheur sera maudit.
21 Ils bâtiront des maisons et les habiteront,
ils planteront des vignes et en mangeront les fruits.
22 Ils ne bâtiront plus pour qu’un autre habite,
ils ne planteront plus pour qu’un autre mange.
Car les jours de mon peuple égaleront les jours des arbres,
et mes élus useront ce que leurs mains auront fabriqué.
23 Ils ne peineront pas en vain, ils n’enfanteront plus pour la terreur,
mais ils seront une race de bénis de Yahvé,
et leur descendance avec eux.
24 Ainsi, avant qu’ils n’appellent, moi je répondrai,
ils parleront encore que j’aurai déjà entendu.
25 Le loup et l’agnelet paîtront ensemble,
le lion comme le bœuf mangera de la paille,
et le serpent se nourrira de poussière.
On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte,
dit Yahvé.