Si nous nous demandons ce qu’il faut entendre par cette expression : Dieu s’est sanctifié un peuple, nous pouvons répondre d’une manière générale que Dieu, en se sanctifiant un peuple, se propose pour but d’amener ce peuple à être de tous points ce qu’il doit être. Partant de cette pensée et remontant de là à la sainteté de Dieu, nous pouvons la définir « l’absolue perfection, la vie qui est par excellence ce qu’elle doit être. » Remarquez le côté moral de cette définition. Nous y tenons, car on a souvent été beaucoup plus loin ; on a appelé la sainteté le résumé de toutes les perfections divines que, dans notre faiblesse de conception, nous sommes obligés de séparer les unes des autres. On a attribué à la sainteté le rôle que nous attribuerions plutôt à la gloire de Dieu. Or il est bien vrai que ces deux notions ont quelque chose de commun ; on peut dire avec Oetinger que la sainteté, c’est la gloire de Dieu se renfermant en elle-même, demeurant cachée, et que la gloire, c’est la sainteté dévoilée. Ainsi, par exemple, le tabernacle et le temple sont saints par le fait que la gloire de Dieu les remplit (Exode 40.34 ; 1 Rois 8.11). Ainsi encore, dans Ésaïe 6.3, les séraphins louent l’Éternel pour sa sainteté et pour sa gloire ; ce sont deux termes parallèles. — Cependant il n’en est pas moins vrai que la gloire de Dieu dépasse la sphère de sa sainteté. « Le nom de Dieu est magnifique par toute la terre » (Psaumes 8.2) ; on ne pourrait pas dire dans le même sens qu’il est saint par toute la terre. La nature elle-même proclame la gloire de Dieu (Psaumes 104.31), tandis qu’elle ne concourt à l’accomplissement de sa sainte volonté, que lorsque Dieu intervient dans sa marche et emploie ses forces en vue de l’accomplissement de ses desseins. C’est ainsi que l’Esprit de Dieu, en tant que principe de la vie universelle, n’est pas encore le Saint-Esprit. Il ne le devient que lorsqu’il commence à agir dans la Théocratie (Ésaïe 63.10 ; Psaumes 51.13).
De ce qui précède il résulte qu’on n’est évidemment pas dans le vrai quand on étend indéfiniment la notion de la sainteté divinee. — En veut-on une preuve de plus ? Qu’on se demande de quelle nature est donc le sentiment de terreur qui s’empare de l’homme auquel Dieu se révèle comme un Dieu saint ? Evidemment c’est autre chose que cette impression de faiblesse et de petitesse qui s’impose à la créature quand elle se trouve transportée en face du Créateur ; c’est avant tout un sentiment d’indignité : l’homme se sent pécheur (Ésaïe 6.5). Si donc la sainteté consiste parfois pour Dieu, comme par exemple dans Ésaïe 40.25, à être absolument élevé au-dessus de tout ce qu’il y a de borné et d’imparfait dans la vie des créatures, — de beaucoup le plus souvent elle a un sens plus restreint ; elle équivaut à l’exemption de toute souillure ; elle est cette pureté qui ne peut supporter l’approche du mal, — et qui fait que Dieu est lumière (Jérémie 10.17)f.
e – Bengel a tenté une fois de déduire de la sainteté toutes les autres perfections de Dieu. Il écrit en 1712 à Gaspard Neutnann : « De Deo ubi scriptura nomen illud קדש enunciat, statuo non denotare solam puritatem voluntatis, sed quidquid de Deo cognoscitur et quidquid insuper de Illo, si se uberius revelare velit, cognosci possit, etc. » Voyez : « La correspondance du Bengel » publiée par Burk, 1836, page 52. — Mais Bengel n’avait alors que 25 ans.
f – Godet, La sainteté de Dieu, page 8.
C’est pour cela que, lorsqu’elle se révèle, la sainteté de Dieu n’agit pas comme un pouvoir abstrait, sans caractère moral, et qu’elle ne se contente pas de faire sentir aux créatures leur faiblesse et leur néant, mais qu’elle cherche à se communiquer au monde. Ici encore quelle différence entre le Dieu d’Israël et les dieux des païens qui sont en quelque sorte les patrons du vice ! « Tu n’es point un Dieu qui prenne plaisir à la méchanceté ; le méchant n’habitera point avec toi ; les orgueilleux ne subsisteront point devant toi ; tu as toujours haï tous les ouvriers d’iniquité ; tu fais périr ceux qui profèrent le mensonge : Jéhovah a en abomination l’homme de sang et le trompeur » (Psaumes 5.5 et sq.). Voyez encore Osée 12.1, où Dieu est appelé le Saint fidèle, et Habakuk 1.12-13 ; Job 6.10.
Ce caractère moral de la sainteté de Dieu distingue absolument l’A. T. du Coran, où le Saint Roi n’est ainsi nommé qu’à cause de sa majesté et de son élévation suprêmes, et où la justice divine n’est autre chose que le déploiement de la toute-puissance de Dieu.