7 En l’an I de Balthazar, roi de Babylone, Daniel vit un songe et des visions de sa tête, sur sa couche. Il rédigea le rêve par écrit. Début du récit :
u La vision est parallèle au rêve de Nabuchodonosor, 2. Les quatre royaumes qui disparaîtront devant le Fils d’homme correspondent aux quatre métaux de la statue renversée par la pierre mystérieuse, cf. 2.28. Le sens eschatologique profond de cette vision historique est indiqué plus nettement encore par l’usage qu’en fait Ap 13.
v L’empire de Babylone.
w Le royaume des Mèdes : selon les vues historiques du livre, les Mèdes succèdent immédiatement aux Babyloniens. Cf. 6.1.
x Le royaume des Perses.
y Le royaume d’Alexandre (mort en 323) et de ses successeurs. Cf. 2.40 ; 8.5 ; 11.3. Les dix cornes sont des rois de la dynastie séleucide. La « corne » est fréquemment employée comme symbole de force et de puissance, cf. Ps 75.5 ; 89.18 ; 92.11 ; Dt 33.17 ; 1 R 22.11, etc.
8 Tandis que je considérais ses cornes, voici : parmi elles poussa une autre corne, petite ;z trois des premières cornes furent arrachées de devant elle, et voici qu’à cette corne, il y avait des yeux comme des yeux d’homme, et une bouche qui disait de grandes choses !a
z Antiochus IV Épiphane (175-163), qui n’acquit d’importance qu’en se débarrassant d’un certain nombre de ses concurrents.
a Indique à la fois l’éloquence habile et l’arrogance blasphématoire d’Antiochus, cf. v. 25 ; 11.36 ; 1 M 1.21, 24, 45 et Ap 13.5.
9 Tandis que je contemplais :
Des trônes furent placésb
et un Ancien s’assit.
Son vêtement, blanc comme la neige ;
les cheveux de sa tête, purs comme la laine.
Son trône était flammes de feu,
aux roues de feu ardent.
b Les trônes des juges : les saints de Dieu sont appelés à juger avec lui, déjà selon la tradition juive (Hénok) et plus clairement selon les promesses de Jésus, Mt 19.28 ; Lc 22.30 ; Ap 3.21 ; 20.4. Le trône de Dieu avec ses roues, ardent et éblouissant, rappelle le char divin d’Ez 1.
10 Un fleuve de feu coulait,
issu de devant lui.
Mille milliers le servaient,
myriade de myriades, debout devant lui.
Le tribunal était assis,
les livres étaient ouverts.c
c Le livre où s’inscrivent tous les actes humains bons et mauvais. Cf. Jr 1.1 ; Ml 3.16 ; Ps 40.8 ; 56.9 ; Lc 10.20 ; Ap 20.12. L’image est reprise dans le Dies irae . Sur le Livre de Vie, cf. 12.1.
11 Je regardais ; alors, à cause du bruit des grandes choses que disait la corne, tandis que je regardais, la bête fut tuée, son corps détruit et livré à la flamme de feu.
d La survivance des autres empires, d’une durée indéterminée, n’offre plus de danger direct pour la foi, du moment que le Peuple de Dieu ne leur est plus soumis.
13 Je contemplais, dans les visions de la nuit :
Voici, venant sur les nuées du ciel,
comme un Fils d’homme.e
Il s’avança jusqu’à l’Ancien
et fut conduit en sa présence.
e L’araméen bar nasha’ , comme l’hébreu ben ’adam , équivaut d’abord à « homme », cf. Ps 8.5. En Ézéchiel c’est ainsi que Dieu appelle le prophète. Mais l’expression a ici un sens particulier, éminent, dans lequel elle désigne un homme dépassant mystérieusement la condition humaine. Sens personnel, ainsi qu’en font foi les anciens textes juifs apocryphes inspirés de ce passage : Hénok et IV Esdras , comme aussi l’interprétation rabbinique la plus constante, et l’usage qu’en fait Jésus en se l’appliquant à lui-même, cf. Mt 8.20. Mais aussi sens collectif, fondé sur le v. 18 (et le v. 22) où le Fils d’homme s’identifie en quelque façon aux saints du Très-Haut : mais le sens collectif (également messianique) prolonge le sens personnel, le Fils d’homme étant à la fois le chef, le représentant et le modèle du peuple des saints. C’est ainsi que saint Éphrem pensait que la prophétie vise en premier les Juifs (les Maccabées) puis au-delà et d’une manière parfaite, Jésus.
14 À lui fut conféré empire,
honneur et royaume,
et tous peuples, nations et langues le servirent.
Son empire est un empire éternel
qui ne passera point,
et son royaume ne sera point détruit.
15 Moi, Daniel, mon esprit en fut écrasé et les visions de ma tête me troublèrent.f
f Après « Daniel », on supprime avec LXX et Vulg. deux mots araméens incompréhensibles.
g « les saints » pour « le peuple saint », comme en 8.24 ; Ps 34.10 ; Isa 4.3 ; Nb 16.3 ; cf. Ex 19.6.
h On pourrait aussi traduire : « le jugement fut remis aux saints ».
« La quatrième bête
sera un quatrième royaume sur la terre,
différent de tous les royaumes.
Elle mangera toute la terre,
la foulera aux pieds et l’écrasera.
24 Et les dix cornes : de ce royaume,
dix rois se lèveront et un autre se lèvera après eux ;
il sera différent des premiers
et abattra les trois rois ;
25 il proférera des paroles contre le Très-Haut
et mettra à l’épreuve les saints du Très-Haut.
Il méditera de changer les temps et le droit,i
et les saints seront livrés entre ses mains
pour un temps et des temps et un demi-temps.j
i Allusion à la politique d’hellénisation d’Antiochus Épiphane, et notamment à son interdiction du sabbat et des fêtes, cf. 1M 1.41-52.
j Selon 4.13, il faut entendre ici par « temps » une année. Trois ans et demi, la demi-semaine d’années de 9.27, correspondent à peu près à la durée de la persécution d’Antiochus. Ce chiffre exprimé équivalemment par quarante-deux mois (de trente jours) ou 1260 jours, est repris, dans un sens typique, en Ap 11.2-3 ; 12.14 ; 13.5 (et cf. Lc 4.25 et Jc 5.17) : il exprime alors, et dans une perspective constamment présente dans Daniel, une période de calamités permises par Dieu et dont la durée sera limitée pour la consolation des affligés.
26 Mais le tribunal siégera et la domination lui sera ôtée,
détruite et réduite à néant jusqu’à la fin.
27 Et le royaume et l’empire
et les grandeurs des royaumes sous tous les cieux
seront donnés au peuple des saints du Très-Haut.
Son empire est un empire éternel
et tous les empires le serviront et lui obéiront. »
28 Ici finit le récit.
Moi, Daniel, je fus grandement troublé dans mes pensées, ma mine changea et je gardai ces choses dans mon cœur.
8 En l’an III du règne du roi Balthazar, une vision m’apparut, à moi Daniel, après celle qui m’était apparue en premier.k
k La vision du chap. 7, que celle-ci reprend d’une manière plus explicite.
l Une des résidences royales sous les Achéménides. On ne sait s’il faut entendre que Daniel était réellement à Suse, ou si cela fait partie de la vision.
m L’Ulaï est la rivière qui traverse Suse. — « porte » est la traduction conjecturale, appuyée par les versions, d’un mot qui n’apparaît qu’ici et vv. 3 et 6. D’autres comprennent « rivage » ou « torrent ».
n Sur le symbolisme des béliers et des boucs, cf. Ez 34.17s et Za 10.3.
o La plus haute des deux cornes est la puissance perse, qui l’emporte sur la puissance mède (v. 20) à laquelle elle succède tout en la ralliant.
4 Je vis le bélier donner de la corne vers l’ouest, vers le nord et vers le sud. Nulle bête ne pouvait lui résister, rien ne pouvait lui échapper. Il faisait ce qui lui plaisait et devint puissant.
5 Voici ce que je discernai : un boucp vint de l’occident, ayant parcouru la terre entière mais sans toucher le sol, et le bouc avait une corne « magnifique »q entre les yeux.
p Alexandre. Cf. v. 21 et 2.40 ; 7.7 ; 11.3.
q Traduction conjecturale ; peut-être simplement « protubérance ».
r Mort d’Alexandre et partage de son empire : en 7.7 l’auteur passe tout de suite à la lignée des Séleucides, mais en spécifiant les prédécesseurs d’Antiochus Épiphane dont il va être question ici immédiatement au v. 9.
9 De l’une d’elles, de la petite, sortit une corne, mais qui grandit beaucoup dans la direction du sud et de l’orient et du Pays de Splendeur.s
s La Palestine.
t Les étoiles sont le peuple de Dieu, d’après 12.3 (et Mt 13.43).
u Dieu lui-même.
v Traduction approximative : on peut comprendre que l’iniquité (c’est-à-dire « l’abomination de la désolation ») a été substituée dans le sanctuaire au sacrifice ; ou encore que le persécuteur a voulu que le sacrifice soit considéré comme une iniquité.
13 J’entendis un saintw qui parlait, et un autre saint dit à celui qui parlait :x « Jusques à quand la vision : le sacrifice perpétuel,y désolation de l’iniquité, sanctuaire et légion foulés aux pieds ? »
w Probablement un ange, cf. 4.10.
x Littéralement « à un tel qui parlait ». Cette présentation d’une révélation dans un dialogue mystérieux dont les questions sont celles-là mêmes que se pose le voyant, se retrouve en Za 1.8-17.
y LXX ajoute : « aboli ».
z « lui » versions ; « me » hébr.
a Donc soit 2300 jours, soit 1150 jours, si l’expression vise les deux sacrifices quotidiens suspendus pendant le temps de la persécution. L’un et l’autre chiffres s’éloignent notablement des trois ans et demi (1260 jours) de 7.25, et le sens reste obscur.
b « Revendiqué », c’est-à-dire réintégré dans son droit : le terme implique un sens messianique par delà le sens historique.
15 Moi, Daniel, contemplant cette vision, j’en cherchai l’intelligence. Voici, se tenant devant moi, quelqu’un qui avait l’aspect d’un homme.
16 J’entendis une voix d’homme, surc l’Ulaï, criant : « Gabriel, donne-lui l’intelligence de cette vision ! »
c Hébr. : « entre », ce qui s’entend peut-être des battants de la porte, cf. v. 2.
17 Il s’avança vers le lieu où je me tenais, et, comme il approchait, je fus saisi de terreur et tombai face contre terre. Il me dit : « Fils d’homme, comprends : c’est le temps de la Fin que révèle la vision. »
18 Il parlait encore que je m’évanouis, la face contre terre. Il me toucha et me releva.
d Vu sous l’angle de la prescience et de la volonté divines, le temps du malheur est celui de la Colère de Dieu, cf. 11.36 ; Isa 10.25 ; 26.20 ; 1 M 1.64.
23 « Et au terme de leur règne, au temps de la plénitude de leurs péché,e
se lèvera un roi au visage fier, sachant pénétrer les énigmes.
e Littéralement « comme à l’accomplissement de leurs péchés », c’est-à-dire : lorsque la mesure sera comble.
24 Sa puissance croîtra en force,
— mais non par sa propre puissancef —
il détruira des choses étonnantes,
il prospérera dans ses entreprises,
il détruira des puissants
et le peuple des saints.
f Le Persécuteur est l’instrument de la Colère de Dieu.
25 Et, par son intelligence,
la trahison réussira entre ses mains.
Il s’exaltera dans son cœur
et détruira un grand nombre par surprise.
Il s’opposera au Prince des Princes,
mais — sans acte de maing — il sera brisé.
g Il y a peut-être ici à la fois une allusion à la fin non violente d’Antiochus, qui mourut de langueur, 1 M 6.8-16 ; 2 M 9, et l’idée que la mort des Persécuteurs, comme leurs succès, v. 24, est entre les mains de Dieu seul ; cf. 2.34.
26 Elle est vraie, la vision des soirs et des matins qui a été dite,
mais, toi, garde silence sur la vision, car il doit s’écouler bien des jours. »h
h À la différence des deux prophéties de Ez 12.21-28 accomplies presque immédiatement, les visions de Daniel s’accompliront après un délai révélé de manière obscure, cf. 12.4, 9-13.
27 Alors, moi Daniel, je défaillis et je fus malade plusieurs jours. Puis je me levai, pour accomplir mon office auprès du roi, gardant silence sur la vision, et demeurant sans la comprendre.
9 En l’an I de Darius, de la race des Mèdes, fils d’Artaxerxès, qui régna sur le royaume de Chaldée,
« Ah ! mon Seigneur, Dieu grand et redoutable, qui gardes l’Alliance et la grâce pour ceux qui t’aiment et observent tes commandements.
i La prière qui suit incorpore nombre de réminiscences bibliques. Elle est à rapprocher de la prière d’Azarias, en 3.25-45, et elle a servi de modèle à Ba 1 ; 2.
j Littéralement « aux juges qui nous jugeaient ».
k En Jr 1.11-12, cf. Jr 31.28 ; 44.27, le symbole de l’amandier (sheqed) évoque l’oracle de Yahvé qui veille (shôqed) sur l’accomplissement de sa Parole, pour le bien comme pour le malheur.
15 Et maintenant, Seigneur notre Dieu, qui par ta main puissante as fait sortir ton peuple du pays d’Égypte, — et ton renom en perdure jusqu’à ce jour —, nous avons péché, nous avons commis le mal.
16 Seigneur, par toutes tes justices,l détourne ta colère et ta fureur de Jérusalem, ta ville, ta montagne sainte, car à cause de nos péchés et des fautes de nos pères, Jérusalem et ton peuple sont en opprobre à tous ceux qui nous environnent.
l C’est-à-dire : au nom de la justice manifestée dans les actes par lesquels tu as « revendiqué » ton peuple.
m Cf. 1 R 8.28 ; Ne 1.6, 11 ; Ps 130.2.
n « toi-même » d’après Théodotion. et v. 19 ; « à cause de mon Seigneur » hébr.
20 Je parlais encore, proférant ma prière, confessant mes péchés et les péchés de mon peuple Israël, et répandant ma supplication devant Yahvé mon Dieu, pour la sainte montagne de mon Dieu ;
o Littéralement « volant de vol, me toucha ».
p « Il vint » LXX. syr. ; « Il me fit comprendre » hébr.
q « homme » est ici sous-entendu. Cf. 10.11, 19. La Vulg. traduit « l’homme de désirs », mais il s’agit bien des complaisances divines pour Daniel, non des désirs de son âme.
r La prophétie qui suit, parallèle à celles des chap. voisins, vise les événements de la persécution d’Antiochus, mais dans un style littéraire allusif et mystérieux (absence de noms propres, chiffres conventionnellement arrondis) qui signale que le texte a une portée plus haute. Comme l’annonce du royaume messianique, 2.28 ; 7.13, elle aura, pour les chrétiens, sa réalisation définitive au temps du Christ et de l’Église. L’ère de plénitude décrite au v. 24 dépasse infiniment un quelconque retour à la paix. Mais le détail des vv. 25-27, qui décrivent les périodes précédentes, reste obscur.
24 « Sont assignées septante semainess
pour ton peuple et ta ville sainte
pour mettre un terme à la transgression,
pour apposer les scellés aux péchés,
pour expier l’iniquité,
pour introduire éternelle justice,
pour scellert vision et prophétie,
pour oindre le Saint des Saints.u
s Il s’agit d’un nombre parfait de semaines d’années. Le point de départ du comput est la date de la révélation faite à Jérémie, cf. v. 25. Le terme envisagé est la restauration de Jérusalem et le retour des captifs, que 2 Ch 36.22-23 (= Esd 1.1-3) voit réalisés par le décret libérateur de Cyrus en 538.
t « sceller » signifie tantôt « mettre fin à », tantôt « garantir », et a ici le sens plénier d’« accomplir ».
u Soit l’autel ou le Temple, soit le grand prêtre, cf. 1 Ch 23.13 : la restauration du sacerdoce saint coïncide avec celle de l’autel et du Temple, elle est envisagée dans une même perspective prophétique.
25 Prends-en connaissance et intelligence :
Depuis l’instant que sortit cette parole
« Qu’on revienne et qu’on rebâtisse Jérusalem »
jusqu’à un Prince Messie,v sept semaines
et soixante-deux semaines,
restaurés, rebâtis places et remparts,w
mais dans l’angoisse des temps.
v Messie ou « oint », cf. Ex 30. 22 ; 1 S 9.26 ; Isa 45.1. Les plus anciens Pères de l’Église ne sont pas d’accord sur l’identité de ce Prince Messie, pas plus que pour affirmer que le v. 26 vise la mort de Jésus. Certains renvoyaient la dernière semaine à la fin des temps.
w C’est la période de reconstruction sous le régime perse.
26 Et après les soixante-deux semaines,
un messiex supprimé, et il n’y a pas pour lui...y
la ville et le sanctuaire détruits
par un prince qui viendra.
Sa fin sera dans le cataclysme
et, jusqu’à la fin, la guerre
et les désastres décrétés.z
x On peut, avec Théodotion, identifier cet Oint avec le grand prêtre Onias III, cf. 2 M 4.30-38, déposé vers 175 et assassiné par les gens d’Antiochus Épiphane : ce serait aussi le Prince de l’Alliance de 11.22.
y Un mot a dû tomber du texte. Théodotion. supplée « de faute ». On a proposé « de successeur ».
z Décrétés par Dieu, cf. 8.25.
27 Et il consolidera une alliance avec un grand nombrea
le temps d’une semaine ;
et le temps d’une demi-semaine
il fera cesser le sacrifice et l’oblation,b
et sur l’aile du Templec sera l’abomination de la désolationd
jusqu’à la fin, jusqu’au terme assigné pour le désolateur. »
a Ce passage s’éclaire peut-être à la lumière de 11.30-32 : l’« alliance » désignant ici le ralliement des impies autour du tyran qui les a attirés à trahir l’Alliance sainte. Cf. 1 M 1.21, 43, 52 ; 2 M 4.10s.
b L’abolition du sacrifice ancien ne signifie pas ici son remplacement par le sacrifice de la nouvelle alliance ; les passages parallèles montrent qu’elle est l’œuvre des impies.
c « du Temple » n’est pas précisé dans l’hébr. mais le sens est évident.
d Littéralement « l’abomination horrifique » ou « désolatrice ». Cette expression (shiqqûçîm meshomem), dont nous avons gardé la traduction consacrée par l’usage, doit évoquer d’une part les antiques baals, objets de l’idolâtrie jadis reprochée à Israël par ses prophètes (shiqqûç étant un équivalent méprisant de Baal , et shomem jouant sur le titre de ces baals phéniciens « rois des cieux », baal shamem) ; et d’autre part le Zeus Olympios auquel on consacra le Temple de Jérusalem, cf. 2 M 6.2.
10 En l’an III de Cyrus, roi de Perse, une parole fut révélée à Daniel, surnommé Baltassar : parole sûre ; haute lutte.e Il pénétra la parole, l’intelligence lui en fut donnée en vision.
e Littéralement « grande légion (ou : armée) ». Il s’agit sans doute de la guerre menée par les anges, décrite aux vv. 12-21.
2 En ces temps-là, moi, Daniel, je faisais une pénitence de trois semaines :
Un homme vêtu de lin, les reins ceints d’or pur,
6 son corps avait l’apparence de la chrysolithe,
son visage, l’aspect de l’éclair,
ses yeux comme des lampes de feu,
ses bras et ses jambes comme l’éclat du bronze poli,
le son de ses paroles comme la rumeur d’une multitude.
7 Seul, moi Daniel, je contemplais cette apparition ; les hommes qui étaient avec moi ne voyaient pas la vision, mais un grand tremblement s’abattit sur eux et ils s’enfuirent pour se cacher.
j’étais sans force, mon visage changea, défiguré, ma force m’abandonna.
9 J’entendis le son de ses paroles, et au son de ses paroles je défaillis et tombai face contre terre.
f L’ange de Yahvé qui, en Za 3.1-2, s’oppose à Satan, reçoit le nom de Michel (« Qui est comme Dieu ? ») en Jude 9 ; il remet à Dieu le soin de réprimer le démon. Le même combat est décrit en Ap 12.7-12. Michel est l’ange protecteur du peuple de Dieu (v. 2 et 12.11), cf. Ex 23.20. Le Prince de Perse apparaît comme l’un des Anges protecteurs des Nations ennemies d’Israël. Ce mystérieux conflit entre les anges souligne que le destin des nations reste un secret suspendu, même pour les anges, à une Révélation de Dieu.
g « Je l’ai laissé » grec ; « J’ai été laissé » hébr. forme insolite.
15 Lorsqu’il m’eut dit ces choses, je me prosternai à terre sans rien dire ;
20 (a) Alors il dit : « Sais-tu pourquoi je suis venu à toi ? (21a) Mais je vais t’annoncer ce qui est inscrit dans le Livre de Vérité. (20b) Je dois retourner combattre le Prince de Perse : quand j’en aurai fini, voici que viendra le Prince de Yavân.i
h L’ordre des vv. qui suivent est douteux.
i « Yavân » (l’Ionie) désigne la Grèce.
11 et moi, en l’an I de Darius le Mède je me suis tenu ferme pour lui prêter main-forte et le soutenirj
j Texte incertain, le début du v. (« et moi... Mède ») est parfois considéré comme une addition.
2 À présent, je vais t’annoncer la vérité.
« Voici : trois roisk encore se lèveront pour la Perse ; le quatrième aura plus de richesses qu’eux tous, et lorsque sa richesse l’aura rendu puissant, il se lèvera contre tous les royaumes de Yavân.
k Sans doute trois rois perses, « Darius le Mède » étant exclu. Le « quatrième » n’est sans doute pas le dernier Achéménide, Darius III Codoman (336-331), vaincu par Alexandre, mais plutôt Xerxès le Grand (486-465), qui entreprit l’expédition de Grèce en 480.
l L’empire d’Alexandre fut partagé, à sa mort, non entre ses fils, mais entre ses généraux, les diadoques (« successeurs »), cf. 2: 40s ; 7.7 ; 8.8.
5 Le roi du Midi deviendra fort ; un de ses princes l’emportera sur lui et son empire sera plus grand que le sien.m
m « que le sien », litt. « que son empire » mimemshaltô conj., « son empire » memshaltô hébr. — Le « roi du midi » est Ptolémée I Soter (306-285), le premier souverain de la dynastie hellénistique d’Égypte. Le « prince » est Séleucus I Nicator (301-281), qui s’attacha d’abord à Ptolémée I pour vaincre Antigone (bataille de Gaza en 312, marquant le début de l’ère des Séleucides) et se tailla ensuite en Asie un immense empire.
n Vers 252 Antiochus II Théos (261-246), ayant conclu une alliance avec Ptolémée II Philadelphe (285-247), épousa sa fille Bérénice ; sa première femme (et demi-sœur) Laodice commença par se retirer, puis, ayant été reprise par son mari, le fit empoisonner, ainsi que Bérénice, le fils que celle-ci avait eu d’Antiochus et les gens de son entourage. Le fils de Laodice, Séleucus II Callinice (246-226), fut bientôt attaqué par Ptolémée III Évergète (247-221) qui ramena en Égypte un butin considérable mais n’exploita pas jusqu’au bout son éclatante victoire. Le v. 9 fait allusion à une contre-offensive de Séleucus, mal attestée par les historiens.
o « sa descendance » (hébr. zar`ô) Théodotion., Sym., Vulg. ; hébr. répète « son bras » (zero`ô) — « son enfant » hayyaledah conj. ; « son progéniteur » hayyoledah hébr. ; « ses enfants » syr. et Vulg.
p Son mari.
q Littéralement « et il agira avec eux et l’emportera ».
r Première mention explicite dans l’hébr. de ce qui a été désigné jusqu’ici par « le Midi ». Les LXX remplacent partout « le Midi » par « l’Égypte ».
s Séleucus III Ceraunus (227-223) et Antiochus III le Grand (223-187).
t Les vv. qui suivent relatent les succès d’Antiochus le Grand, « le roi du Nord ». Dès 220 il entreprit la conquête de la Palestine ; Ptolémée IV Philopator (221-203) leva aussitôt des troupes de mercenaires et d’Égyptiens et, s’avançant vers la frontière, infligea à Antiochus des pertes immenses (bataille de Raphia, v. 11) ; victoire sans lendemain, v. 12: durant huit ans Antiochus batailla sans cesse pour regagner son empire asiatique. Lors de l’accession de Ptolémée V Épiphane (205-181), il revint en force, v. 13, soutenu par l’alliance de Philippe V de Macédoine et aidé par les révoltes intestines qui avaient éclaté en Égypte. Le v. 15 fait allusion au long siège de Gaza. Une contre-offensive égyptienne en Judée retarda à peine l’entrée d’Antiochus à Jérusalem, vv. 15-16.
u « il fera un pacte avec lui » conj., hébr. corrompu. — Pressentant une intervention romaine, Antiochus résolut de s’entendre avec le Ptolémée en le fiançant à sa fille Cléopâtre ; le mariage eut lieu à Raphia en 194.
v L’objet est au féminin mais on ne saurait l’entendre de Cléopâtre ; de même les deux verbes qui suivent. La fin de ce v. obscur doit faire allusion à la reprise des hostilités due à la juste méfiance des Égyptiens.
w Les villes maritimes : Antiochus, profitant de la trêve avec l’Égypte, se retourna vers l’Asie Mineure, s’empara de villes grecques et égyptiennes au mépris des avertissements des Romains, jusqu’au jour où en 190, à Magnésie du Sipyle, il fut battu sans revanche possible par le consul Lucius Cornelius Scipion (ici : le « magistrat »).
19 Il tournera sa face vers les bastions de son pays, mais il trébuchera, tombera, on ne le trouvera plus.x
x Taxé d’une énorme dette de guerre, Antiochus avait entrepris de piller le trésor d’un temple de Bel en Élymaïde : il trouva la mort dans cette expédition (187).
20 À sa place en viendra uny qui fera passer un exacteur portant atteinte à la splendeur royale : en quelques jours il sera brisé, ais non au vu de tous ou à la guerre.z
y C’est Séleucus IV Philopator (187-175), fils d’Antiochus le Grand, qui manda à son ministre Héliodore de saisir le trésor du Temple de Jérusalem, ce dont il fut empêché par une apparition surnaturelle, cf. 2 M 3. — La suite de la phrase est difficile et la traduction en est conjecturale.
z Il mourut assassiné à l’instigation d’Héliodore.
21 « À sa place se lèvera un misérable :a on ne lui donnera pas les honneurs de la royauté. Il s’en viendra à son aise et s’emparera du royaume par des intrigues.
a Antiochus IV Épiphane (175-165) qui s’empara du trône en supplantant le jeune Démétrius, fils de son frère Séleucus IV.
b Peut-être le grand prêtre Onias III, cf. 9.26.
c Sans doute les amis d’Antiochus, bénéficiaires de sa cupidité.
25 Il excitera sa force et son cœur contre le roi du Midi,d avec une grande armée. Le roi du Midi se lèvera pour la guerre avec une armée très grande et très puissante, mais il ne tiendra pas, car des stratagèmes seront tendus contre lui.
d Il s’agit de la première campagne d’Antiochus contre Philométor d’Égypte (fils de sa sœur Cléopâtre) qui, mal conseillé, tomba aux mains de son agresseur : celui-ci le traita avec une feinte amitié et mit l’Égypte au pillage. C’est à son retour qu’il sévit contre les Juifs, v. 28.
27 Les deux rois, leur cœur tourné vers le mal, assis à la même table, diront des mensonges ; mais ils n’aboutiront point, car le temps fixé est encore à venir.
e La deuxième campagne d’Égypte devait se terminer par un échec humiliant. Venant à la rencontre d’Antiochus aux environs d’Alexandrie, le consul Gaius Popilius Laenas lui notifia de la part du Sénat romain d’avoir à se retirer.
f La Vulg. rend le mot par « Romains ». Il désigne, à l’origine, Chypre, mais aussi dans la Bible les régions maritimes, notamment d’Occident. Cf. Gn 10.4 ; Nb 24.24 ; Isa 23.1, 12 ; Jr 2.10 ; Ez 27.6 (Vulg. : « Italia »). Il s’agit sûrement ici des Romains.
g Les Juifs infidèles à leurs pratiques religieuses et conquis par les attraits de la vie hellénistique ; cf. 1 M 1.11-15, 43, 52.
31 Des forces viendront de sa part profaner le sanctuaire-citadelle,h ils aboliront le sacrifice perpétuel, et y mettront l’abomination de la désolation.
h Cf. la « citadelle du Temple » en Ne 2.8. Cf. 1 M 1.31, 33.
i Littéralement « rendra hypocrites ».
j Jeu de mots dans l’hébr. entre « trébucher » et « docteurs »; de même au v. 35.
k Allusion possible aux premiers succès de Judas Maccabée ralliant autour de lui des éléments de résistance.
36 Le roi agira selon son bon plaisir, s’enorgueillissant et s’exaltant par-dessus tous les dieux,l contre le Dieu des dieux il dira des choses étonnantes et il prospérera jusqu’à ce que soit comble la colère — car ce qui est déterminé s’accomplira.
l Comme Alexandre en 8.4 ; 11.3, et Antiochus le Grand en 11.16, mais contrairement aux Achéménides, qui, dans leurs inscriptions, attribuent constamment leur fortune à la volonté d’Ahura Mazdah. Dans sa vieillesse, Antiochus s’est fait représenter sur ses monnaies sous les traits de Zeus Olympios.
m Les successeurs de Séleucus I honoraient surtout Apollon ; Antiochus Épiphane fut davantage dévot à Zeus Olympios, cf. v. 36, identifié à Jupiter Capitolin, v. 38. Le « favori des femmes » est Adonis-Tammuz, cf. Ez 8: .14.
n Allusion à la garnison de Syriens et de Juifs renégats que le roi avait installée dans la nouvelle citadelle ou Acra, cf. 1 M 1.33-34.
o Littéralement « pour un prix »; on peut penser à une institution du régime agraire et fiscal imposé par les Séleucides aux territoires conquis.
40 « Au temps de la Fin, le roi du Midi s’affrontera avec lui ; le roi du Nord déferlera sur lui avec ses chars, ses cavaliers et ses nombreux navires. Il viendra dans les pays, qu’il envahira et traversera.
p « restes » she ’erît conj. ; « débuts » ou « chefs » re ’shît hébr.
42 Il étendra sa main sur les pays : le pays d’Égypte n’y échappera point.
q Les peuples situés à l’ouest et au sud de l’Égypte.
r La mort d’Antiochus. Cf. 8: 25.
12 « En ce temps se lèvera Michel, le grand Prince qui se tient auprès des enfants de ton peuple. Ce sera un temps d’angoisse tel qu’il n’y en aura pas eu jusqu’alors depuis que nation existe. En ce temps-là, ton peuple échappera : tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre.s
s Le Livre des Prédestinés ou Livre de Vie, cf. Ex 32: 32-33 ; Ps 69.29 ; 139.16 ; Isa 4.3 ; Lc 10.20 ; Ap 20.12. Voir aussi 7.10.
2 « Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle.t
t C’est ici un des grands textes de l’AT sur la résurrection de la chair, cf. 2 M 7.9.
u Littéralement « ceux qui ont rendu justes » et donc « les maîtres de justice ». Le v. précédent donne à penser qu’il ne s’agit pas ici seulement du renom posthume des saints, comme en Sg 3.7 (cf. Isa 1.31), mais d’une transfiguration eschatologique qui affecte leur corps, désormais « glorieux ».
4 Toi, Daniel, serre ces paroles et scelle le livre jusqu’au temps de la Fin. Beaucoup errerontv de-ci de-là, et l’iniquitéw grandira. »
v Sans doute en quête de la vérité, cf. Am 8.12.
w « l’iniquité » LXX ; « le savoir » hébr. Mais sans corriger, on peut peut-être comprendre (avec Théodotion.) « Beaucoup seront perplexes mais le savoir augmentera ».
5 Je regardai, moi Daniel, et voici : deux autres se tenaient debout, de part et d’autre du fleuve.
x La différence entre les chiffres de 8.14 (1150), de 12.11 (1290) et 12.12 (1335) reste sans explication.