15 Après ces événements, la parole de Yahvé fut adressée à Abram, dans une vision :
« Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande. »
q Récit de tradition yahviste, mais avec des indices d’origine récente et des additions très tardives. La foi d’Abraham est mise à l’épreuve, les promesses tardent à se réaliser. Elles sont alors renouvelées et scellées par une alliance. La promesse de la terre est en première place. — C’est à ces promesses faites aux Pères, dans lesquelles Dieu a engagé sa miséricorde et sa fidélité, que le NT rattachera la personne et l’œuvre de Jésus Christ, cf. Ac 2.39 ; Rm 4.13.
2 Abram répondit : « Mon Seigneur Yahvé, que me donnerais-tu ? Je m’en vais sans enfant... »r
r Texte corrompu « et le fils de... (un mot incompréhensible) ma maison, c’est Damas Éliézer ». Le v. 4 semble indiquer qu’il y avait là la mention de quelqu’un. Pour la première fois, Abraham répond à Dieu pour exprimer une inquiétude. Le v. 3 semble être une addition il redit la même plainte.
s La foi d’Abraham est la confiance en une promesse humainement irréalisable. Dieu lui reconnaît le mérite de cet acte (cf. Dt 24.13 ; Ps 106.31), il le met au compte de sa justice, le « juste » étant l’homme que sa rectitude et sa soumission rendent agréable à Dieu. Saint Paul utilise le texte pour prouver que la justification dépend de la foi et non des œuvres de la Loi ; mais la foi d’Abraham commande sa conduite, elle est principe d’action et saint Jacques peut invoquer le même texte pour condamner la foi « morte », sans les œuvres de la foi.
7 Il lui dit : « Je suis Yahvé qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens, pour te donner ce pays en possession. »
12 Comme le soleil allait se coucher, une torpeur tomba sur Abram et voici qu’un grand effroit le saisit.
t Le texte ajoute ici « une obscurité », glose peut-être destinée au mot rare « ténèbres », v. 17.
u Les vv. 13-16 sont une addition au récit de base, mais tout n’est pas homogène le v. 13 parle de quatre cents ans et le v. 16 de quatre générations.
17 Quand le soleil fut couché et que les ténèbres s’étendirent, voici qu’un four fumant et un brandon de feu passèrent entre les animaux partagés.v
v Vieux rite d’alliance (Jr 34.18) les contractants passaient entre les chairs sanglantes et appelaient sur eux le sort fait à ces victimes, s’ils transgressaient leur engagement. Sous le symbole du feu (cf. le buisson ardent, Ex 3.2 ; la colonne de feu, Ex 13.21 ; le Sinaï fumant, Ex 19.18), c’est Yahvé qui passe, et il passe seul car son alliance est un pacte unilatéral, voir 9.9. C’est un engagement solennel, scellé par un serment imprécatoire (le passage entre les animaux partagés).
« À ta postérité je donne ce pays,
du Fleuve d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve,
w L’expression idéalisée des limites du pays de la promesse (comparer avec « De Dan à Bersabée ») et la liste des peuples sont une addition au récit de base. Et il n’y a pas d’homogénéité entre les deux éléments ajoutés les peuples sont ceux de Canaan seulement.
17 Lorsqu’Abram eut atteint quatre-vingt-dix-neuf ans, Yahvé lui apparut et lui dit :
« Je suis El Shaddaï,e marche en ma présence et sois parfait.
d Nouveau récit de l’alliance, de tradition sacerdotale. L’alliance scelle les mêmes promesses que dans la tradition yahviste du chap. 15, mais impose cette fois à l’homme des obligations de perfection morale, v. 1, un lien religieux avec Dieu, vv. 7, 19, et une prescription positive, la circoncision. Comparer, dans la même tradition, l’alliance avec Noé, 9.9.
e Ancien nom divin de l’époque patriarcale, 28.3 ; 35.11 ; 43.14 ; 48.3 ; 49.25, spécialement retenu par la tradition sacerdotale, cf. Ex 6.3, rare en dehors du Pentateuque, sauf dans Job. La traduction commune, « Dieu Tout-Puissant », est inexacte. Le sens est incertain ; on a proposé « Dieu de la montagne », d’après l’akkadien shadû ; il serait préférable de comprendre « Dieu de la steppe », d’après l’hébreu sadeh et un autre sens du mot akkadien. C’est une appellation divine qui correspond au mode de vie des nomades.
Dieu lui parla ainsi :
4 « Moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras père d’une multitude de nations.
f D’après la conception antique, le nom d’un être ne le désigne pas seulement, il détermine sa nature. Un changement de nom marque donc un changement de destinée, cf. v. 15 et 35.10. En fait, Abram et Abraham semblent être deux formes dialectales du même nom et signifier également « Il est grand quant à son père, il est de noble lignée. » Mais Abraham est expliqué ici par l’assonance avec ’ab hamôn « père de multitude ».
9 Dieu dit à Abraham : « Et toi, tu observeras mon alliance, toi et ta race après toi, de génération en génération.
g La circoncision était primitivement un rite d’initiation au mariage et à la vie du clan, 34.14s ; Ex 4.24-26 ; Lv 19.23. Elle devient ici un « signe », qui rappellera à Dieu (comme l’arc-en-ciel, 9.16-17) son alliance, et à l’homme son appartenance au peuple choisi et les obligations qui en découlent. Cependant, les lois ne font que deux allusions à cette prescription, Ex 12.44 ; Lv 12.3 ; cf. Jos 5.2-8. Elle ne prit toute son importance qu’à partir de l’Exil, cf. 1 M 1.60s ; 2 M 6.10. Saint Paul l’interprète comme le « sceau de la justice de la foi », Rm 4.11. Sur la « circoncision du cœur », voir Jr 4.4.
15 Dieu dit à Abraham : « Ta femme Saraï, tu ne l’appelleras plus Saraï, mais son nom est Sara.h
h Sara et Saraï sont deux formes du même nom, qui signifie « princesse » ; et Sara sera mère de rois, v. 16.
i Au rire d’Abraham feront écho le rire de Sara, 18.12, et celui d’Ismaël, 21.9 (voir encore 21.6), autant d’allusions au nom d’Isaac, forme abrégée de Yçhq-El, qui signifie « Que Dieu sourie, soit favorable » ou « a souri, s’est montré favorable. » Le rire d’Abraham exprime l’incrédulité, d’où la demande pour Ismaël, v. 18, mais aussi l’étonnement devant l’énormité de la promesse. Au moins veut-il une confirmation, qu’il sollicite en rappelant l’existence d’Ismaël, qui pourrait être l’héritier promis.
j L’indication du nom que l’enfant devra porter fait partie des annonces de naissance ; cf. 16.11.
k Texte difficile où le dernier « et » est ajouté dans la traduction. Une partie du grec lit « j’établirai mon alliance avec lui, comme alliance perpétuelle, pour être son Dieu et celui de sa descendance après lui ».
21 Mais mon alliance, je l’établirai avec Isaac, que va t’enfanter Sara, l’an prochain à cette saison. »
23 Alors Abraham prit son fils Ismaël, tous ceux qui étaient nés dans sa maison, tous ceux qu’il avait acquis de son argent, bref tous les mâles parmi les gens de la maison d’Abraham, et il circoncit la chair de leur prépuce, ce jour même, comme Dieu le lui avait dit.