Osée

OSÉE

Introduction

Originaire du royaume du Nord, Osée est le contemporain d’Amos, puisqu’il a commencé de prêcher sous Jéroboam II ; son ministère s’est prolongé sous les successeurs de ce roi ; mais il ne paraît pas qu’il ait vu la ruine de Samarie en 721. C’est en Israël une sombre période : conquêtes assyriennes de 734-732, révoltes intérieures – quatre rois sont assassinés en quinze ans –, corruption religieuse et morale.

De la vie d’Osée pendant cette période troublée, nous ne connaissons que son drame personnel, 1-3, mais celui-ci fut décisif pour son action prophétique. Le sens de ces premiers chapitres est discuté. Voici l’interprétation la plus vraisemblable : Osée avait épousé une femme qu’il aimait et qui l’a quitté, mais il a continué de l’aimer et l’a reprise après l’avoir éprouvée. L’expérience douloureuse du prophète devient un symbole de la conduite de Yahvé envers son peuple et la conscience de ce symbolisme a pu modifier la présentation des faits. Le chap. 2 fait l’application et donne en même temps la clé de tout le livre : Israël a été épousée par Yahvé, elle s’est conduite comme une femme infidèle, comme une prostituée, et a provoqué la fureur et la jalousie de son époux divin. Celui-ci l’aime toujours, il la châtiera mais pour la ramener à lui et lui rendre les joies de leur premier amour.

Avec une audace qui étonne et une passion qui bouleverse, l’âme tendre et violente d’Osée a exprimé pour la première fois les rapports de Yahvé et d’Israël dans les termes d’un mariage. Tout son message a pour thème fondamental l’amour de Dieu méconnu par son peuple. Sauf une courte idylle au désert, Israël n’a répondu aux avances de Yahvé que par la trahison. Osée s’en prend surtout aux classes dirigeantes de la société. Les rois, choisis contre la volonté de Yahvé, ont, par leur politique séculière, dégradé le peuple élu au rang des autres peuples. Les prêtres, ignorants et rapaces, conduisent le peuple à sa perte. Comme Amos, Osée condamne les injustices et les violences, mais il s’appesantit plus que lui sur l’infidélité religieuse : Yahvé est à Béthel l’objet d’un culte idolâtrique, on l’associe à Baal et à Astarté dans le culte licencieux des hauts lieux. Osée proteste contre le titre de baal, au sens de « Seigneur », que l’on donnait à Yahvé, 2.18, et il revendique pour le Dieu d’Israël l’action bienfaisante que l’on était tenté d’attribuer à Baal, dieu de la fertilité, 2.7, 10 ; Yahvé est un Dieu jaloux, qui veut avoir sans partage le cœur de ses fidèles : « Ce que je veux, c’est l’amour, non les sacrifices, la connaissance de Dieu, non les holocaustes », 6.6. Le châtiment est donc inévitable : cependant, Dieu ne châtie que pour sauver. Israël dépouillé et humilié se souviendra du temps où il était fidèle, et Yahvé accueillera son peuple repentant, qui jouira du bonheur et de la paix.

Après avoir voulu retrancher du livre toute annonce de bonheur et tout ce qui concernait Juda, la critique revient à des jugements plus modérés. Ne faire d’Osée qu’un prophète de malheur serait fausser tout son message et il est naturel que son regard se soit étendu sur le royaume voisin de Juda. Il faut cependant admettre que la collection des oracles d’Osée, rassemblée en Israël, a été recueillie en Juda et y a été l’objet d’une ou de deux révisions. Les marques de ce travail d’édition se trouvent dans le titre, 1.1, et dans certains passages, par exemple 1.7 ; 5.5 ; 6.11 ; 12.3. Le verset final, 14.10, est la réflexion d’un sage de l’époque exilique ou postexilique sur l’enseignement principal du livre et sur sa profondeur. La difficulté de son interprétation est accrue pour nous par l’état déplorable du texte hébreu, qui est l’un des plus corrompus de tout l’Ancien Testament.

Le livre d’Osée a eu des résonances profondes dans l’Ancien Testament et on retrouve son écho dans les exhortations des prophètes suivants à une religion du cœur, inspirée par l’amour de Dieu. Jérémie a été profondément influencé par lui. Il n’est pas étonnant que le Nouveau Testament cite Osée ou s’en inspire assez souvent. L’image matrimoniale des relations entre Yahvé et son peuple a été reprise par Jérémie, Ézéchiel et la seconde partie d’Isaïe. Le Nouveau Testament et la communauté issue de lui l’ont appliquée aux rapports entre Jésus et son Église. Les mystiques chrétiens l’ont étendue à toutes les âmes fidèles.