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Bible de Jérusalem

Osée 2

Perspectives d’avenir.

2 Le nombre des enfants d’Israël sera comme le sable de la mer,l qu’on ne peut ni mesurer ni compter ;

au lieu mêmem où on leur disait : « Vous n’êtes pas mon peuple »,
on leur dira : « Fils du Dieu vivant ».

l Reprise de l’antique promesse attestée par la tradition yahviste (Gn 32.13) et élohiste (Gn 22.17).

m Yizréel, lieu symbolique du Jour de Yahvé, cf. Am 5.18, appelé ici à dessein jour de Yizréel (v. 2). Cf. 1.5.

2 Les enfants de Juda et les enfants d’Israël se réuniront,
ils se donneront un chef unique
et ils déborderont hors du pays ;n
car il sera grand le jour de Yizréel.

n Traduction incertaine. D’autres comprennent « ils s’empareront du pays »; « ils submergeront le pays »; « ils reviendront de leur pays » (d’exil).

3 Dites à vos frères : « Mon Peuple »,
et à vos sœurs : « Celle dont on a pitié ».o

o Nouveaux noms symboliques opposés à ceux de 1.6 et 1.9. Il n’y a pas de nom prenant le contre-pied de Yizréel, le premier fils d’Osée, dont la signification est double, signe à la fois de malheur et de bonheur, cf. 1.5.

Yahvé et son épouse infidèle.p

4 Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès !q
Car elle n’est pas ma femme,
et moi je ne suis pas son mari.r
Qu’elle écarte de sa face ses prostitutions,
et d’entre ses seins ses adultères.s

p Yahvé parle ici à Israël le langage de l’amour bafoué qui ne se résigne pas à haïr, mais qui, par une série de châtiments, tente de ramener l’infidèle, y réussit, l’éprouve, la reprend avec la ferveur des fiançailles et la comble de biens.

q Le procès est une forme littéraire fréquente chez les prophètes, cf. 4, 1 ; Isa 3.13 ; Mi 6.1 ; Jr 2.9, etc. Mais dans ces textes, c’est Dieu qui fait un procès à son peuple infidèle. L’invitation adressée aux enfants, aussi coupables que leur mère (1.2), à plaider contre elle est une invitation à se désolidariser d’elle.

r Ces expressions sont attestées en Mésopotamie comme formule juridique du divorce. Il en était probablement de même en Israël.

s Par « prostitutions » et « adultères », il faut probablement entendre ici des amulettes, tatouages et autres signes distinctifs de la prostituée, cf. Pr 7.10 ; Gn 38.15.

5 Sinon je la déshabillerai toute nuet
et la mettrai comme au jour de sa naissance ;
je la rendrai pareille au désert,u
je la réduirai en terre aride,
je la ferai mourir de soif,

t L’usage juridique de dépouiller de ses vêtements l’épouse coupable est également attesté dans le Proche-Orient. Cf. Ez 16.37-39 ; Isa 47.2-3 ; Jr 13.22 ; Na 3.5 ; Ap 17.16.

u On passe de l’épouse à la terre, dont elle est le symbole. Les richesses de Canaan, qui ont été la cause du péché d’Israël, 10.1 ; 13.6, doivent disparaître, 4.3 ; 5.7 ; 9.6 ; 13.15.

6 et de ses enfants je n’aurai pas pitié,
car ce sont des enfants de prostitution.
7 Oui, leur mère s’est prostituée,
celle qui les conçut s’est déshonorée ;
car elle a dit : Je veux courir après mes amants,v
qui me donnent mon pain et mon eau,
ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson.

v « courir après », litt. « aller derrière, suivre » au sens de s’attacher à. — Les « amants » sont les divinités cananéennes.

8 C’est pourquoi je vais obstruer son cheminw avec des ronces,
je l’entourerai d’une barrière pour qu’elle ne trouve plus ses sentiers ;

w « son chemin » grec et syr. ; « ton chemin » hébr. Le passage brutal de la 3e à la 2e personne, comme au v. 18, semble fautif ici, car il ne se poursuit pas jusqu’à la fin du v.

9 elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas,
elle les cherchera et ne les trouvera pas.
Alors elle dira : Je veux retourner vers mon premier mari,
car j’étais plus heureuse alors que maintenant.
10 Elle n’a pas reconnu que c’est moi
qui lui donnais le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche,
qui lui prodiguais cet argent et cet or
qu’ils ont employés pour Baal !x

x Pour en faire des objets destinés au culte de Baal.

11 C’est pourquoi je reprendrai mon froment en son temps
et mon vin nouveau en sa saison ;
je retirerai ma laine et mon lin
qui devaient couvrir sa nudité.
12 Puis je dévoilerai son infamie aux yeux de ses amants
et personne ne la délivrera de ma main.
13 Je ferai cesser toutes ses réjouissances,
ses fêtes, ses néoménies, ses sabbats
et toutes ses solennités.
14 Je dévasterai sa vigne et son figuier,y
dont elle disait :
Ils sont le salaire que m’ont donné mes amants ;
j’en ferai un hallier
et la bête sauvage les dévorera.

y « Vigne et figuier » expression traditionnelle de la paix, de la tranquillité et de l’aisance qui a régné au temps de Salomon (1 R 5.5) et qui existera à nouveau aux temps messianiques (Mi 4.4 ; Za 3.10). Ici, il s’agit de la prospérité qui détourne le peuple de Yahvé, cf. Dt 8.11-20, et pousse au culte des idoles auxquelles cette prospérité est attribuée, vv. 7-14.

15 Je la châtierai pour les joursz des Baals
auxquels elle brûlait de l’encens,
quand elle se parait de son anneau et de son collier
et qu’elle courait après ses amants ;
et moi, elle m’oubliait !
Oracle de Yahvé.

z Jours de fête cultuelle, cf. 9.5 ; Ps 118.24 ; Ne 8.9.

16 C’est pourquoi je vais la séduire,a
je la conduirai au désertb
et je parlerai à son cœur.

a Il faut entendre le mot en un sens fort c’est l’attitude de quelqu’un qui détourne son partenaire du chemin qu’il aurait dû suivre, cf. Jg 14.15. La même expression est employée à propos de l’homme qui séduit une vierge, Ex 22.15. Cf. aussi Jr 20.1.

b La vie au désert, durant l’Exode, apparaît comme un idéal perdu (déjà Am 5.25 ; 12.10) ; Israël encore enfant, 11.1-4, ne connaissait pas les dieux étrangers et suivait fidèlement Yahvé, présent dans la nuée, 2.16-17 ; Jr 2.2-3. Sur l’utilisation prophétique du thème de l’Exode, voir encore Isa 40.3.

17 Là, je lui rendrai ses vignobles,
et je ferai du val d’Akor une porte d’espérance.c
Là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse,
comme au jour où elle montait du pays d’Égypte.

c Le val d’Akor (une des vallées des environs de Jéricho, qui donnent accès à l’intérieur du pays) a été le lieu d’un acte d’infidélité durement puni par Yahvé, Jos 7.24-26. Son nom signifie vallée de malheur, d’après Jg 7.26. Il deviendra porte d’espérance, en donnant accès à une Terre sainte rénovée.

18 Il adviendra en ce jour-là — oracle de Yahvé —
que tu m’appelleras « Mon mari »,
et tu ne m’appelleras plus « Mon Baal ».d

d Le nom de baal (« maître ») était donné au mari. Ce nom entrait jadis en composition dans de nombreux noms de personnes, cf. 1 S 14.49 ; 2 S 2.8 etc. ; 1 Ch 8.33 ; 9.39-40, etc., sans que cela impliquât idolâtrie c’est Yahvé qui était le « maître » à qui le nom vouait son porteur. Mais à une époque plus récente, le mot baal fut considéré comme impie, par sa référence aux Baals cananéens (cf. Jg 2.13). C’est ainsi qu’Osée en proscrit l’usage, v. 19. Le passage de « mon maître » à « mon mari » insinue que l’accent est désormais mis sur l’intimité du lien conjugal plus que sur la subordination de l’épouse à l’époux, cf. Jn 15.15.

19 J’écarterai de sa bouche les noms des Baals,
et ils ne seront plus mentionnés par leur nom.
20 Je conclurai pour eux une alliance, en ce jour-là,
avec les bêtes des champs, avec les oiseaux du ciel et les reptiles du sol ;
l’arc, l’épée, la guerre, je les briserai et les bannirai du pays,
et eux, je les ferai reposer en sécurité.e

e La restauration messianique s’effectuera dans la justice et la sainteté, vv. 21-22. Dieu reviendra dès lors habiter au milieu de son peuple pour le combler de ses bienfaits, cf. Lv 26.3-13 ; Dt 28.1-14. Le ciel donnera la pluie en son temps et la terre ses produits en abondance, 2.23-24 ; 14.8-9 ; Am 9.13 ; Jr 31.12, 14 ; Ez 34.26-27, 29 ; 36.29-30 ; Isa 30.23-26 ; 49.10 ; Jl 2.19, 22-24 ; 4.18 ; Za 8.12. On ne craindra plus que d’autres viennent s’en emparer, Am 9.15 ; Isa 65.21-23, cf. Dt 28.30-33, car Israël ne subira plus l’invasion étrangère, Mi 5.4 ; Isa 32.17-18 ; Jl 2.20 ; Jr 46.27 ; cf. Isa 4.5-6 (expliqué par Isa 25.4-5) ; Dieu fera pour lui un pacte avec les bêtes féroces, 2.20 ; Ez 34.25, 28. La paix s’étendra à tous les peuples, Isa 2.4 = Mi 4.3 ; cf. Isa 11.6-8 ; 65.25, sous l’égide du Roi-Messie, Isa 9.5-6 ; Za 9.10. La mort elle-même disparaîtra, Isa 25.7-8, et la joie remplacera la souffrance et les larmes, Isa 65.18-19 ; Jr 31.13 ; Ba 4.23, 29, cf. Ap 21.4.

21 Je te fianceraif à moi pour toujours ;
je te fiancerai dans la justice et dans le droit,
dans la tendresseg et la miséricorde ;

f Ce verbe est utilisé dans la Bible uniquement à propos d’une jeune fille vierge. Dieu abolit ainsi totalement le passé adultère d’Israël, qui est comme une créature nouvelle. Dans l’expression « je te fiancerai dans (la justice) », ce qui suit la préposition « dans » désigne la dot que le fiancé offre à sa fiancée (même construction en 2 S 3.14). Ce que Dieu donne à Israël dans ces noces nouvelles ce ne sont plus les biens matériels de l’alliance ancienne, 2.10, mais les dispositions intérieures requises pour que le peuple soit désormais fidèle à l’alliance. Nous avons déjà ici en germe tout ce qui sera développé par Jérémie et Ézéchiel l’alliance nouvelle et éternelle (« pour toujours », v. 21), la loi inscrite dans le cœur, le cœur nouveau, l’Esprit nouveau, Jr 31.31-34 ; Ez 36.26-27. Cf. Ez 36.27.

g Le mot (hesed) exprime d’abord l’idée d’un lien, d’un engagement. Dans le domaine profane il en vient à désigner l’amitié, la solidarité, la loyauté, surtout lorsque ces vertus procèdent d’un pacte. En Dieu, ce terme exprime la fidélité à son alliance, et la bonté qui en découle à l’égard du peuple choisi (la « grâce » en Ex 34.6), autrement dit (et ce mot convient à partir d’Osée, par référence à la comparaison de l’union conjugale) l’amour de Dieu pour son peuple, Ps 136.1-26 ; Jr 31.3, etc., et les bienfaits qui en découlent, Ex 20.6 ; Dt 5.10 ; 2 S 22.51 ; Jr 32.18 ; Ps 18.51. Mais cette hesed de Dieu appelle en l’homme aussi la hesed, c’est-à-dire le don de l’âme, l’amitié confiante, l’abandon, la tendresse, la « piété », en un mot l’amour qui se traduit par une soumission joyeuse à la volonté de Dieu et par la charité pour le prochain, 4.2 ; 6.6. Cet idéal, qu’expriment de nombreux Psaumes, sera celui des Hasidim ou « Assidéens », 1 M 2.42.

22 je te fiancerai à moi dans la fidélité,
et tu connaîtras Yahvé.h

h Chez Osée la « connaissance de Yahvé » accompagne la hesed, ici vv. 21-22 et 4.2 ; 6.6. Il ne s’agit donc pas d’une simple connaissance intellectuelle. De même que Dieu « se fait connaître » à l’homme en se liant à lui par une alliance, en lui manifestant par ses bienfaits son amour (hesed), de même l’homme « connaît Dieu » par une attitude qui implique la fidélité à son alliance, la reconnaissance de ses bienfaits, l’amour. Cf. Jb 21.14 ; Pr 2.5 ; Isa 11.2 ; 58.2. Dans la littérature de sagesse, la « connaissance » est à peu près synonyme de « sagesse ».

23 Il adviendra, en ce jour-là,
que je répondrai — oracle de Yahvé —
je répondrai aux cieux et eux répondront à la terre ;
24 la terre répondra au froment, au vin nouveau et à l’huile fraîche, et eux répondronti à Yizréel.

i Noter la répétition du verbre répondre Dieu répondra à l’attente de sa création, et la création répondra à ce que les hommes attendent d’elle en conformité avec le dessein divin. C’est le contraire de l’état actuel de désordre dû au péché, cf. 4.3 ; Gn 3.17s ; Isa 11.6 ; Rm 8.19.

25 Je la sèmeraij dans le pays,
j’aurai pitié de Lo-Ruhamah,
je dirai à Lo-Ammi : « Tu es mon peuple »
et lui dira : « Mon Dieu ! »k

j C’est la signification du nom de Yizréel, cf. 1.4, 5.

k L’amour de Dieu pour son peuple va contredire les noms de malheur (« Non-Aimée », « Pas-Mon-Peuple »), qui disparaissent avec la malédiction dont ils étaient le présage. En 2.1, 3, ils sont remplacés par leurs contraires.