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Bible de Jérusalem

Genèse 6-9

Fils de Dieu et filles des hommes.h

6 Lorsque les hommes commencèrent d’être nombreux sur la face de la terre et que des filles leur furent nées,

h Tout n’est pas clair pour nous dans ce bref épisode de tradition yahviste, mais l’auteur reprend sans doute des éléments d’une tradition populaire à caractère mythologique. La difficulté vient d’abord de l’identité des « fils de Dieu » (cf. Dt 32.8), puis de la relation qu’il peut y avoir entre leur union avec les filles des hommes et les nephilîm du v. 4. On pourrait penser que ces derniers (on songe ici à Ez 32.17-32, où l’on parle précisément de ceux qui sont « tombés », signification de nephilîm, et qui ont été placés ou sont couchés, malgré leur vaillance, parmi les victimes de l’épée, de même que dans le mythe grec des Titans) sont le résultat de l’union des « fils de Dieu » avec les filles des hommes, mais le texte dit seulement que les nephilîm habitaient sur la terre à ce moment-là. Ils pourraient être les Géants (ou Titans) sémitiques, mais ailleurs on les nomme « fils d’Anaq » ou Anaqîm (cf. Nb 13.28.33 ; Dt 1.28). Sans se prononcer sur la valeur de cette croyance et en voilant son aspect mythologique, il rappelle seulement ce souvenir d’une race insolente de surhommes, comme un exemple de la perversité croissante qui va motiver le déluge. Le judaïsme postérieur et presque tous les premiers écrivains ecclésiastiques ont vu des anges coupables dans ces « fils de Dieu ». Mais, à partir du IVe siècle, en fonction d’une notion plus spirituelle des anges, les Pères ont communément interprété les « fils de Dieu » comme la lignée de Seth et les « filles des hommes » comme la descendance de Caïn.

2 les fils de Dieu trouvèrent que les filles des hommes leur convenaient et ils prirent pour femmes toutes celles qu’il leur plut. 3 Yahvé dit : « Mon esprit ne demeurera pasi dans l’homme, puisqu’il est chair ; sa vie ne sera que de cent vingt ans. »j

i « ...ne soit pas indéfiniment responsable » (texte). La signification du verbe est inconnue c’est seulement d’après le contexte (cf. grec et Vulg.), qu’on lui donne le sens de « demeurer ».

j Durée maximale à laquelle, selon l’auteur sacré, Dieu réduisit alors la vie de l’homme. Il faut y voir un châtiment pour sa faute l’union des filles des hommes aux « fils de Dieu » aurait été pour les hommes le moyen de se procurer l’immortalité.

4 Les Nephilim étaient sur la terre en ces jours-là (et aussi dans la suite) quand les fils de Dieu s’unissaient aux filles des hommes et qu’elles leur donnaient des enfants ; ce sont les héros du temps jadis, ces hommes fameux.

2. LE DÉLUGEk

La corruption de l’humanité.

5 Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée.

k Il y a dans cet ensemble beaucoup de répétitions, à commencer par la motivation du déluge, 6.5-8 et 9-13, et des différences notables (comparer 6.19-20 et 7.15-17 avec 7.2, 3), y compris celle de la chronologie face à 7.12 et 8.13, 14 (avec certaines données intermédiaires, notamment les deux périodes de 150 jours), d’autres passages (7.4, 10, 12 ; 8.6-12) supposent une plus courte durée. En fait, il y a ici deux récits pratiquement complets, le plus ancien de tradition yahviste, le plus récent de tradition sacerdotale. Le récit yahviste est plein de couleur et de vie ; celui de la tradition sacerdotale est plus détaillé, notamment pour la chronologie, et plus réfléchi. Les éléments des deux traditions ont été réunis sans chercher à faire disparaître les différences qui existent entre eux. Ici ou là, surtout en 7.3, les rédacteurs ont cependant tenté de faire disparaître une différence trop accentuée. Les rédacteurs sont aussi les responsables du plus grand morcèlement de la narration yahviste, peut-être même de l’absence des données concernant les préparatifs et la sortie de l’arche. La narration sacerdotale semble complète ; elle a été même conservée en grands blocs homogènes au début, 6.9-22, et à la fin, 9.1-17. À titre d’indication de lecture on peut signaler les passages de tradition yahviste (6.5-8 ; 7.1-2, 3-5, 7 ,10, 12, 16, 17, 22-23 ; 8.2-3 ,6-12, 20-22) et sacerdotale (6.9-22 ; 7.6, 11, 13-16, 17, 18-21, 24 ; 8.1-2, 3-5, 13, 14-19 ; 9.1-17), de même que ceux qui trahissent plus clairement la présence des rédacteurs (7.3, 8-9 et, en partie, 6.7 ; 7.7, 23 ; 8.20). Le thème d’un déluge est présent dans toutes les cultures, mais les récits de l’ancienne Mésopotamie ont un intérêt particulier à cause des ressemblances avec le récit biblique. Celui-ci n’en dépend pas directement (mais tel passage peut trahir ce type d’influence ; ainsi 8.6-12 et la tablette XI de l’Épopée de Gilgamesh). L’auteur sacré a chargé ces traditions d’un enseignement éternel sur la justice et la miséricorde de Dieu, sur la malice de l’homme et le salut accordé au juste (cf. He 11.7). C’est un jugement de Dieu, qui préfigure celui des derniers temps, Lc 17.26s ; Mt 24.37s, comme le salut accordé à Noé figure le salut par les eaux du baptême, 1 P 3.20-21.

6 Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur.l

l Ce repentir de Dieu exprime sous un mode humain l’exigence de sa sainteté, qui ne peut pas supporter le péché. 1 S 15.29 écartera une interprétation trop littérale. Beaucoup plus fréquemment, le « repentir » de Dieu signifie l’apaisement de sa colère et le retrait de sa menace, voir Ex 32.11-14 et Jr 26.3.

7 Et Yahvé dit : « Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés — depuis l’homme jusqu’aux bestiaux, aux bestioles et aux oiseaux du ciel —, car je me repens de les avoir faits. » 8 Mais Noé avait trouvé grâce aux yeux de Yahvé.

9 Voici l’histoire de Noé :

Noé était un homme juste, intègre parmi ses contemporains, et il marchait avec Dieu. 10 Noé engendra trois fils, Sem, Cham et Japhet. 11 La terre se pervertit au regard de Dieu et elle se remplit de violence. 12 Dieu vit la terre : elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre.

Préparatifs du déluge.

13 Dieu dit à Noé : « La fin de toute chair est arrivée, je l’ai décidé, car la terre est pleine de violence à cause des hommes et je vais les faire disparaître de la terre. 14 Fais-toi une archem en bois résineux, tu la feras en roseaux et tu l’enduiras de bitume en dedans et en dehors.

m La traduction latine porte arca (« coffre »), d’où le français « arche ». — « bois résineux » trad. approximative. — « roseaux » (comme la nacelle de Ex 2.3) conj. ; « nids » (cabines ?) hébr.

15 Voici comment tu la feras : trois cents coudées pour la longueur de l’arche, cinquante coudées pour sa largeur, trente coudées pour sa hauteur. 16 Tu feras à l’arche un toit et tu l’achèveras une coudée plus haut,n tu placeras l’entrée de l’arche sur le côté et tu feras un premier, un second et un troisième étages.

n Sens incertain. D’après la traduction adoptée, le toit aurait une pente d’une coudée pour l’écoulement des eaux du ciel, 7.11.

17 « Pour moi, je vais amener le déluge, les eaux, sur la terre, pour exterminer de dessous le ciel toute chair ayant souffle de vie :o tout ce qui est sur la terre doit périr.

o Le mot ruah désigne l’air en mouvement, soit le souffle du vent, Ex 10.13 ; Jb 21.18 ; soit celui qui sort des narines, 7.15, 22, etc. Il désigne donc la force vitale et les pensées, sentiments ou passions où elle s’exprime, 41.8 ; 45.27 ; 1 S 1.15 ; 1 R 21.5, etc. Chez l’homme il est un don de Dieu, 6.3 ; Nb 16.22 ; Jb 27.3 ; Ps 104.29 ; Qo 12.7. Il est aussi la puissance par laquelle Dieu agit, Ex 31.3 ; Jb 33.4 ; Ps 104.29-30, en particulier par l’organe des prophètes, Jg 3.10 ; Ez 36.28, et du Messie, Isa 11.2. Cf. Rm 1.9.

18 Mais j’établirai mon alliancep avec toi et tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi.

p Non pas un pacte bilatéral, mais un engagement gracieux que Dieu prend vis-à-vis de ceux qu’il a discernés. D’autres alliances suivront celle-ci, avec Abraham, 15 ; 17, avec tout le peuple, Ex 19.1 en attendant la « nouvelle alliance » conclue à la plénitude des temps, Mt 26.28 ; He 9.15.

19 De tout ce qui vit, de tout ce qui est chair, tu feras entrer dans l’arche deux de chaque espèce pour les garder en vie avec toi ; qu’il y ait un mâle et une femelle. 20 De chaque espèce d’oiseaux, de chaque espèce de bestiaux, de chaque espèce de toutes les bestioles du sol, un couple viendra avec toi pour que tu les gardes en vie.q

q Les êtres non raisonnables sont associés, pour le châtiment et pour le salut, à la destinée de l’homme dont la méchanceté a corrompu toute la création, 6.13 ; nous sommes déjà proches de saint Paul, Rm 8.19-22.

21 De ton côté, procure-toi de tout ce qui se mange et fais-en provision : cela servira de nourriture pour toi et pour eux. » 22 Noé agit ainsi ; tout ce que Dieu lui avait commandé, il le fit.

7 Yahvé dit à Noé : « Entre dans l’arche, toi et toute ta famille, car je t’ai vu seul juste à mes yeux parmi cette génération. 2 De tous les animaux purs, tu prendras sept paires, le mâle et sa femelle ; des animaux qui ne sont pas purs, tu prendras un couple, le mâle et sa femelle 3 (et aussi des oiseaux du ciel, sept paires, le mâle et sa femelle), pour perpétuer la race sur toute la terre.

4 Car encore sept jours et je ferai pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits et j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. »

5 Noé fit tout ce que Yahvé lui avait commandé.

6 Noé avait six cents ans quand arriva le déluge, les eaux sur la terre. 7 Noé — avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils — entra dans l’arche pour échapper aux eaux du déluge. 8 (Des animaux purs et des animaux qui ne sont pas purs, des oiseaux et de tout ce qui rampe sur le sol, 9 un couple entra dans l’arche de Noé, un mâle et une femelle, comme Dieu avait ordonné à Noé.)r

r Addition qui combine les deux récits, distinguant animaux purs et impurs avec la tradition yahviste, comptant une paire de chacun avec la tradition sacerdotale.

10 Au bout de sept jours, les eaux du déluge vinrent sur la terre.

11 En l’an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là jaillirent toutes les sources du grand abîme et les écluses du ciel s’ouvrirent.s

s Les eaux d’en bas et les eaux d’en haut rompent les digues que Dieu leur avait posées, 1.7 c’est le retour au chaos. D’après le récit yahviste, le déluge est causé par une pluie torrentielle, 7.4, 12.

12 La pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits.

13 Ce jour même, Noé et ses fils, Sem, Cham et Japhet, avec la femme de Noé et les trois femmes de ses fils, entrèrent dans l’arche, 14 et avec eux les bêtes sauvages de toute espèce, les bestiaux de toute espèce, les bestioles de toute espèce qui rampent sur la terre, les volatiles de toute espèce, tous les oiseaux, tout ce qui a des ailes. 15 Auprès de Noé, entra dans l’arche un couple de tout ce qui est chair, ayant souffle de vie, 16 et ceux qui entrèrent étaient un mâle et une femelle de tout ce qui est chair, comme Dieu le lui avait commandé.

Et Yahvé ferma la porte sur Noé.

L’inondation.

17 Il y eut le déluge pendant quarante jours sur la terre ; les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. 18 Les eaux montèrent et grossirent beaucoup sur la terre et l’arche s’en alla à la surface des eaux. 19 Les eaux montèrent de plus en plus sur la terre et toutes les plus hautes montagnes qui sont sous tout le ciel furent couvertes. 20 Les eaux montèrent quinze coudées plus haut, recouvrant les montagnes. 21 Alors périt toute chair qui se meut sur la terre : oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, tout ce qui grouille sur la terre, et tous les hommes. 22 Tout ce qui avait une haleine de vie dans les narines, c’est-à-dire tout ce qui était sur la terre ferme, mourut.

23 Ainsi disparurent tous les êtres qui étaient à la surface du sol, depuis l’homme jusqu’aux bêtes, aux bestioles et aux oiseaux du ciel : ils furent effacés de la terre et il ne resta que Noé et ce qui était avec lui dans l’arche. 24 La crue des eaux sur la terre dura cent cinquante jours.

La décrue.

8 Alors Dieu se souvint de Noé et de toutes les bêtes sauvages et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche ; Dieu fit passer un vent sur la terre et les eaux désenflèrent. 2 Les sources de l’abîme et les écluses du ciel furent fermées ; — la pluie fut retenue de tomber du ciel 3 et les eaux se retirèrent petit à petit de la terre ; — les eaux baissèrent au bout de cent cinquante jours 4 et, au septième mois, au dix-septième jour du mois, l’arche s’arrêta sur les monts d’Ararat. 5 Les eaux continuèrent de baisser jusqu’au dixième mois et, au premier du dixième mois, apparurent les sommets des montagnes.

6 Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite à l’arche 7 et il lâcha le corbeau, qui alla et vint en attendant que les eaux aient séché sur la terre. 8 Alors il lâcha d’auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminué à la surface du sol. 9 La colombe, ne trouvant pas un endroit où poser ses pattes, revint vers lui dans l’arche, car il y avait de l’eau sur toute la surface de la terre ; il étendit la main, la prit et la fit rentrer auprès de lui dans l’arche. 10 Il attendit encore sept autres jours et lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. 11 La colombe revint vers lui sur le soir et voici qu’elle avait dans le bec un rameau tout frais d’olivier ! Ainsi Noé connut que les eaux avaient diminué à la surface de la terre. 12 Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe, qui ne revint plus vers lui.

13 C’est en l’an six cent un,t au premier mois, le premier du mois, que les eaux séchèrent sur la terre.

Noé enleva la couverture de l’arche ; il regarda, et voici que la surface du sol était sèche !

t Grec « de la vie de Noé », addition probablement faite en fonction de 7.6-13.

14 Au second mois, le vingt-septième jour du mois, la terre fut sèche.

La sortie de l’arche.

15 Alors Dieu parla ainsi à Noé : 16 « Sors de l’arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. 17 Tous les animaux qui sont avec toi, tout ce qui est chair, oiseaux, bestiaux et tout ce qui rampe sur la terre, fais-les sortir avec toi : qu’ils pullulent sur la terre, qu’ils soient féconds et multiplient sur la terre. » 18 Noé sortit avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils ; 19 et toutes les bêtes sauvages, tous les bestiaux, tous les oiseaux, toutes les bestioles qui rampent sur la terre sortirent de l’arche, une espèce après l’autre.

20 Noé construisit un autel à Yahvé, il prit de tous les animaux purs et de tous les oiseaux purs et offrit des holocaustes sur l’autel. 21 Yahvé respira l’agréable odeuru et il se dit en lui-même : « Je ne maudirai plus jamais la terre à cause de l’homme, parce que les desseins du cœur de l’homme sont mauvais dès son enfance ;v plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme j’ai fait.

u Littéralement « l’odeur apaisante ». Cet anthropomorphisme passera dans le langage technique du rituel, cf. Ex 29.18, 25 ; Lv 1.9, 13 ; Nb 28.1, etc.

v Le cœur est l’intérieur de l’homme distingué de ce qui se voit et surtout de la « chair », 2.21. Il est le siège des facultés et de la personnalité, d’où naissent pensées et sentiments, paroles, décisions, action. Dieu le connaît à fond, quelles que soient les apparences, 1 S 16.7 ; Ps 17.3 ; 44.22 ; Jr 11.20. Le cœur est le centre de la conscience religieuse et de la vie morale, Ps 51.12, 19 ; Jr 4.4 ; 31.31-33 ; Ez 36.26. C’est dans son cœur que l’homme cherche Dieu, Dt 4.29 ; Ps 105.3 ; 119.2, 10 ; qu’il l’écoute, 1 R 3.9 ; Si 3.29 ; Os 2.16 ; cf. Dt 30.14 ; qu’il le sert, 1 S 12.20, 24, le loue, Ps 111.1, l’aime, Dt 6.5. Le cœur simple, droit, pur, est celui que ne divisent aucune réserve ou arrière-pensée, aucun faux-semblant, à l’égard de Dieu ou des hommes. Cf. Ep 1.18. Ce passage signale un tournant décisif dans la conduite de Dieu envers l’homme Yahvé, qui avait maudit la terre à cause de la désobéissance de l’homme et de la femme, 3.17, s’engage maintenant à ne plus détruire la terre par le déluge. Et, si le péché de l’homme était la raison du châtiment exemplaire, 6.5, maintenant il explique pourquoi Yahvé s’engage à ne plus jamais maudire la terre. Il y a là une transition pour que la malédiction du sol se change en bénédiction pour Abraham et, en lui, pour sa descendance et pour tous les clans de la terre, 12.1-3.

22 Tant que durera la terre, semailles et moisson, froidure et chaleur, été et hiver, jour et nuit ne cesseront plus. »w

w Les lois du monde sont rétablies pour toujours. Dieu sait que le cœur de l’homme reste mauvais mais il sauve sa création et, malgré l’homme, la conduira où il veut.

Le nouvel ordre du monde.

9 Dieu bénit Noé et ses fils et il leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. 2 Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains.x

x L’homme est de nouveau béni et consacré roi de la création, comme aux origines, mais ce n’est plus un règne pacifique. Le nouvel âge verra la lutte des animaux avec l’homme et des hommes entre eux. La paix paradisiaque ne refleurira qu’aux derniers temps, Isa 11.6.

3 Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. 4 Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c’est-à-dire le sang. 5 Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. J’en demanderai compte à tous les animaux et à l’homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l’âme de l’homme.

6 Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang versé. Car à l’image de Dieu l’homme a été fait.y

y Tout sang appartient à Dieu, cf. Lv 1.5, mais éminemment le sang de l’homme fait à son image. Dieu le vengera, voir déjà 4.10, et il délègue à cet effet l’homme lui-même la justice d’État, et aussi les « vengeurs du sang », Nb 35.19.

7 Pour vous, soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez. »z

z « dominez » redû conj., cf. 1.28 ; « multipliez » rebû hébr.

8 Dieu parla ainsi à Noé et à ses fils : 9 « Voici que j’établis mon alliancea avec vous et avec vos descendants après vous,

a L’alliance « noachique », dont le signe est l’arc-en-ciel, s’étend à toute la création ; l’alliance avec Abraham, dont le signe sera la circoncision, n’intéresse plus que les descendants du Patriarche, 17 ; sous Moïse, elle se limitera au seul Israël, avec, en contrepartie, l’obéissance à la loi, Ex 19.5 ; 24.7-8 ; 34.27-28 et, notamment, l’observance du sabbat, Ex 31.16-17.

10 et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre. 11 J’établis mon alliance avec vous : tout ce qui est ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »

12 Et Dieu dit : « Voici le signe de l’alliance que j’institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir : 13 je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d’alliance entre moi et la terre. 14 Lorsque j’assemblerai les nuées sur la terre et que l’arc apparaîtra dans la nuée, 15 je me souviendrai de l’alliance qu’il y a entre moi et vous et tous les êtres vivants, en somme toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. 16 Quand l’arc sera dans la nuée, je le verrai et me souviendrai de l’alliance éternelle qu’il y a entre Dieu et tous les êtres vivants, en somme toute chair qui est sur la terre. »

17 Dieu dit à Noé : « Tel est le signe de l’alliance que j’établis entre moi et toute chair qui est sur la terre. »

3. DU DÉLUGE À ABRAHAM

Noé et ses fils.b

18 Les fils de Noé qui sortirent de l’arche étaient Sem, Cham et Japhet ; Cham est le père de Canaan.

b Ensemble formé par une notice généalogique, vv. 18-19, un récit plus développé, vv. 20-27, et des indications chronologiques sur la durée de la vie de Noé après le déluge, vv. 28-29, qui pourraient être le début de la table des nations, 10. Ces deux derniers versets sont de tradition sacerdotale, le reste de tradition yahviste. Les noms des trois fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, et l’ordre même semblent une donnée fixe de la tradition ; cf. 5.32 ; 6.10 ; 7.13 ; 10.1. L’incise « Cham, père de Canaan », v. 19 (cf. 22), de la notice initiale prépare le récit de 20-27 et donc finalement sa malédiction, v. 25.

19 Ces trois-là étaient les fils de Noé et à partir d’eux se fit le peuplement de toute la terre.

20 Noé, le cultivateur, commença de planter la vigne. 21 Ayant bu du vin, il fut enivré et se dénuda à l’intérieur de sa tente. 22 Cham, père de Canaan,c vit la nudité de son père et avertit ses deux frères au-dehors.

c Cham ne sera plus nommé et Canaan sera le sujet de la malédiction des vv. 25-27. Probablement son nom figurait seul dans le récit traditionnel. D’après le récit, v. 24, Canaan était le plus jeune des trois fils de Noé, si bien que l’ordre aurait dû être Sem, Japhet et Canaan.

23 Mais Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent tous deux sur leur épaule et, marchant à reculons, couvrirent la nudité de leur père ; leurs visages étaient tournés en arrière et ils ne virent pas la nudité de leur père. 24 Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son fils le plus jeune. 25 Et il dit :d

« Maudit soit Canaan ! Qu’il soit pour ses frères l’esclave des esclaves ! »

d Les bénédictions et les malédictions des Patriarches, cf. 27 et 49, sont des paroles efficaces qui atteignent un chef de lignée et se réalisent en ses descendants la race de Canaan sera soumise à Sem, ancêtre d’Abraham et des Israélites, placés sous la protection spéciale de Yahvé, et à Japhet dont les descendants s’étendront aux dépens de Sem. La situation à partir de laquelle le récit s’est développé a pu être celle du règne de Saül et du début du règne de David, où Israélites et Philistins dominaient sur Canaan, et où les Philistins avaient envahi une partie du territoire d’Israël. Beaucoup de Pères ont vu ici l’annonce de l’entrée des Gentils (Japhet) dans la communauté chrétienne issue des Hébreux (Sem).

26 Il dit aussi :

« Béni soit Yahvé, le Dieu de Sem, et que Canaan soit son esclave !

27 Que Dieu mette Japhet au large,e qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit son esclave ! »

e L’hébreu joue sur les mots Yaphet et yapht « qu’il mette au large ».

28 Après le déluge, Noé vécut trois cent cinquante ans. 29 Toute la durée de la vie de Noé fut de neuf cent cinquante ans, puis il mourut.