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Bible de Jérusalem

Habakuk 3.3-

Théophanie. L’arrivée de Yahvé.

3 Éloah vient de Témân
et le Saint du mont Parân.p Pause.
Sa majesté voile les cieux,
la terre est pleine de sa gloire.

p « Éloah » nom divin archaïque. Témân district nord du pays d’Édom ou Séïr. Parân montagne à situer en Édom. — Ici commence la théophanie, cf. Ex 19.16, comprenant l’arrivée, vv. 3-7, et le combat, vv. 8-15, de Yahvé. Cette vision épique évoque par plusieurs traits la marche triomphale de Yahvé à la tête de son peuple lors de l’Exode, type, cf. Isa 40.3, de la délivrance future. Yahvé (« le Saint », cf. Dt 33.3 ; Isa 6.3) s’avance depuis le Sinaï, cf. Ex 24.9-11, vers Canaan, cf. Nb 20.14s, par le sud-est de la Palestine, région d’où viennent aussi les orages. Son approche est décrite, vv. 3s, sous l’aspect d’un nuage orageux, cf. Ps 18.8s ; 29. Les expressions désignent tantôt la nuée, tantôt Yahvé qui s’y manifeste.

4 Son éclat est pareil au jour,
des rayons jaillissent de ses mains,q
c’est là que se cache sa force.

q « Son éclat » versions ; « l’éclat » hébr. — « des rayons », litt. « des cornes », mais cf. Ex 34.29-30, 35.

5 Devant lui s’avance la peste,
la fièvrer marche sur ses pas.

r Le même mot resheph , dérivé du nom du dieu phénicien de l’éclair, désigne la foudre, la grêle, la calamité et, ici (par parallélisme avec « la peste » et cf. Dt 32.24), la fièvre brûlante.

6 Il se dresse et fait trembler la terre,
il regarde et fait frémir les nations.
Alors les monts éternels se disloquent,
les collines antiques s’effondrent,
ses routes de toujours.s

s Les expressions « monts éternels », « collines antiques », prennent ici un sens cosmique, cf. Ps 90.2 ; Pr 8.25 ; Jb 15.7 ; elles désignent les lieux de séjour des Patriarches dans Gn 49.26 ; Dt 33.15.

7 J’ai vu les tentes de Kushân sous le fléau,
les pavillons du pays de Madiânt sont pris de tremblements.

t Madiân, cf. Ex 2.15. Kushân est sans doute une désignation archaïque de cette même région.

Le combat de Yahvé.

8 Est-ce contre les fleuves, Yahvé,u
que flambe ta colère,
ou contre la mer ta fureur,v
pour que tu montes sur tes chevaux,
sur tes chars de salut ?

u L’hébr. ajoute ici « ou contre les fleuves ».

v Comme en Jg 5.4-5 ; Ps 77.17-20 ; 114.3-7, l’intervention de Yahvé s’accompagne de commotions cosmiques, cf. Am 8.9. Il y a peut-être là l’utilisation poétique d’anciennes traditions sur la création, conçue comme une lutte de Dieu contre les éléments révoltés (l’Abîme, la Mer, le Fleuve, etc.), cf. Jb 7.12. Ici le combat aboutit à la défaite de l’« impie », c’est-à-dire du Chaldéen, vv. 13-15.

9 Tu mets à nu ton arc,
de traits tu rassasies l’Amorite.w Pause
De torrents tu crevasses le sol ;x

w « tu rassasies l’Amorite » sibba`ta ’emorî , conj. ; TM « les serments sont les traits de la parole », relecture liturgique pour la fête de la Pentecôte où l’on célébrait le don de la Loi et où l’on jurait de l’accomplir. Le texte primitif fait allusion à Jos 10.11, 13, comme le montre la suite (orage avec arrêt du soleil et de la lune). — Les traits sont les éclairs, cf. v. 4 et Ps 29.7 ; 77.18. Yahvé comparé à l’archer cf. Dt 32.23 ; Ez 5.16, etc. L’arc symbole de force cf. Gn 49.24 ; Jb 29.20, etc.

x Pluie diluvienne de l’orage, cf. Ps 77.17-19 ; Jg 5.4.

10 Les montagnes te voient, elles sont dans les transes ;
une trombe d’eau passe,
l’abîme fait entendre sa voix,
Là-haut,
11 le soleil a retiré ses mains,y
la lune est restée dans sa demeure ;
ils fuient devant l’éclat de tes flèches,
sous la lueur des éclairs de ta lance.

y L’abîme souterrain, l’océan primordial, qui joint ses eaux à la pluie du ciel.

12 Avec rage tu arpentes la terre,
avec colère tu écrases les nations.

13 Tu t’es mis en campagne pour sauver ton peuple,
pour sauver ton oint,z
tu as abattu la maison de l’impie,
mis à nu le fondement jusqu’au rocher. Pause.

z Ici plutôt le peuple (cf. Ps 28.8 ; Ex 19.6) que le roi. — La suite du v. est très difficile et sa traduction incertaine « rocher » çûr conj. ; « cou » çawwa’r , hébr.

14 Tu as percé de ses propres traits la tête de ses guerriersa
qui se ruaient pour nous disperser, se flattant de dévorer en secret le pauvre.

a Texte incertain ; « ses guerriers » Vulg. ; « ses chefs » grec ; l’hébr. à un mot inintelligible. — « nous disperser » conj. ; « me disperser » hébr.

15 Tu as foulé la mer avec tes chevaux,
le bouillonnement des grandes eaux !

Conclusion : Crainte humaine et foi en Dieu.

16 J’ai entendu !b Mon sein frémit.
À ce bruit mes lèvres tremblent,
la carie pénètre mes os,
sous moi chancellent mes pas.c
J’attends en paix ce jour d’angoisse
qui se lèvera contred le peuple qui nous assaille.

b Cf. v. 2 et Isa 21.3-4 ; Jr 23.9 ; Dn 8.18, 27 ; 10.8. La terreur religieuse et l’angoisse du prophète devant le combat de Yahvé et les maux qui l’accompagnent, vv. 16-17, cèdent à la joie du salut et de la sécurité en Yahvé, vv. 18-19, cf. 16e.

c « chancellent mes pas » yirgezû ashshurî conj. cf. grec ; ’asher « qui » hébr. — On traduit aussi « pour monter contre un peuple qui nous assaille ».

d Ou « pour monter contre... ».

17 (Car le figuier ne bourgeonnera plus ;
plus rien à récolter dans les vignes.
Le produit de l’olivier décevra,
les champs ne donneront plus à manger,
les brebis disparaîtront du bercail ;
plus de bœufs dans les étables.)e

e Ce tableau de misère agricole, dans le contexte d’un combat cosmique, peut être une glose (renforçant la leçon d’espérance en Yahvé), à moins qu’il ne veuille décrire les dégâts causés en Juda par la guerre.

18 Mais moi je me réjouirai en Yahvé,
j’exulterai en Dieu mon Sauveur !
19 Yahvé mon Seigneur est ma force,
il rend mes pieds pareils à ceux des biches,
sur les cimesf il porte mes pas.

Du maître de chant. Sur instruments à cordes.g

f « les cimes » grec ; « mes cimes » hébr.

g « Sur instruments » conj. ; « mes instruments » hébr. — Ces indications figurent d’ordinaire en tête de Psaumes.