retour

Bible de Jérusalem

Apocalypse 17-19

2. LE CHÂTIMENT DE BABYLONE

La Prostituée fameuse.k

17 Alors l’un des sept Anges aux sept coupes s’en vint me dire : « Viens, que je te montre le jugement de la Prostituée fameuse,l assise au bord des grandes eaux ;m

k Ce chapitre est difficile dans les détails, v. 9.

l Comme le sera Jérusalem, 21.9, Babylone est personnifiée par une femme, cf. 12.1 ; Dn 4.27. C’est Rome l’idolâtre, 2.14 ; 18.3 ; Os 1.2, cf. 14.4, qui, après une apparition brillante, vv. 3-7, verra se réaliser la condamnation annoncée et préparée par les visions précédentes.

m L’image est interprétée au v. 15.

2 c’est avec elle qu’ont forniqué les rois de la terre, et les habitants de la terren se sont saoulés du vin de sa prostitution. »

n Les nations païennes et leurs rois, qui ont adopté le culte impérial.

3 Il me transporta au désert,o en esprit. Et je vis une femme, assise sur une Bête écarlate couverte de titres blasphématoires et portant sept têtes et dix cornes.p

o Séjour des animaux impurs, cf. Lv 16.8 ; 17.7.

p Les sept têtes sont les sept collines de Rome, v. 9, et les dix cornes sont des rois vassaux, v. 12, qui secouent le joug de l’Empire, v. 16. La Bête, vv. 3, 7-8, représente un empereur, sans doute Néron qui, d’après une croyance populaire, est censé retrouver la vie et la puissance avant la venue de l’Agneau, cf. 2 Th 2.8-9. Le début du v. 8 est une déformation parodique des titres de Dieu, 1.4, et du Christ, 1.18.

4 La femme, vêtue de pourpre et d’écarlate, étincelait d’or, de pierres précieuses et de perles ; elle tenait à la main une coupe en or, remplie d’abominations et des souillures de sa prostitution. 5 Sur son front, un nom était inscrit — un mystère ! — « Babylone la Grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre. »

6 Et sous mes yeux, la femme se saoulait du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus.q À sa vue, je fus bien stupéfait ;

q Les persécutions romaines impliquent à la fois l’idolâtrie, v. 4, et le meurtre, v. 6. Ez 16.36-38 ; 23.37-45 dressait les mêmes griefs contre Jérusalem.

7 mais l’Ange me dit : « Pourquoi t’étonner ? Je vais te dire, moi, le mystère de la femme et de la Bête qui la porte, aux sept têtes et aux dix cornes.

Symbolisme de la Bête et de la Prostituée.r

8 « Cette Bête-là, elle était et elle n’est plus ; elle va remonter de l’Abîme, mais pour s’en aller à sa perte ; et les habitants de la terre, dont le nom ne fut pas inscrit dès l’origine du monde dans le livre de vie, s’émerveilleront au spectacle de la Bête, de ce qu’elle était, n’est plus, et reparaîtra.

r Dans le symbolisme de la Bête on peut ici distinguer deux sens différents, vv. 8-9, 15-18, et vv. 10, 12-14. La femme qui la chevauche se croit puissante, mais elle court à sa perte.

9 C’est ici qu’il faut un esprit doué de finesse ! Les sept têtes, ce sont sept collines sur lesquelles la femme est assise.
« Ce sont aussi sept rois,s

s Sept empereurs romains, dont le sixième règne actuellement. Sept est un chiffre symbolique de totalité Jean ne se prononce pas sur le nombre et la chronologie des empereurs.

10 dont cinq ont passé, l’un vit, et le dernier n’est pas encore venu ; une fois là, il faut qu’il demeure un peu. 11 Quant à la Bête qui était et n’est plus, elle-même fait le huitième, l’un des sept cependant ; il s’en va à sa perte. 12 Et ces dix cornes-là, ce sont dix rois ; ils n’ont pas encore reçu de royauté, ils recevront un pouvoir royal, pour une heure seulement, avec la Bête.

13 Ils sont tous d’accord pour remettre à la Bête leur puissance et leur pouvoir. 14 Ils mèneront campagne contre l’Agneau, et l’Agneau les vaincra, car il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois, avec les siens : les appelés, les choisis, les fidèles.t

t Rappel de 14.4 et annonce de 19.11-21.

15 « Et ces eaux-là, poursuivit l’Ange, où la Prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations et des langues. 16 Mais ces dix cornes-là et la Bête, ils vont prendre en haine la Prostituée, ils la dépouilleront de ses vêtements, toute nue, ils en mangeront la chair, ils la consumeront par le feu ;

17 car Dieu leur a inspiré la résolution de réaliser son propre dessein, de se mettre d’accord pour remettre leur pouvoir royal à la Bête, jusqu’à l’accomplissement des paroles de Dieu. 18 Et cette femme-là, c’est la Grande Cité, celle qui règne sur les rois de la terre. »

Un ange annonce la chute de Babylone.u

18 Après quoi, je vis descendre du ciel un autre Ange, ayant un grand pouvoir, et la terre fut illuminée de sa splendeur.

u Le châtiment annoncé, 17, est maintenant imminent, vv. 1-3. Il se produira après que les fidèles se seront mis à l’écart des pécheurs, v. 4, cf. 3.10.

2 Il s’écria d’une voix puissante : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande ; elle s’est changée en demeure de démons, en repaire pour toutes sortes d’esprits impurs, en repaire pour toutes sortes d’oiseaux impurs et dégoûtants. 3 Car au vin de ses prostitutions se sont abreuvéesv toutes les nations, et les rois de la terre ont forniqué avec elle, et les trafiquants de la terre se sont enrichis de son luxe effréné. »

v « ses prostitutions »; var. « la colère de sa prostitution », cf. 14.8. — « sont abreuvées »; var. « sont tombées » ou « elle a abreuvé ».

Le peuple de Dieu doit s’enfuir.

4 Puis j’entendis une autre voix qui disait, du ciel : « Sortez, ô mon peuple, quittez-la, de peur que, solidaires de ses fautes, vous n’ayez à pâtir de ses plaies ! 5 Car ses péchés se sont amoncelés jusqu’au ciel, et Dieu s’est souvenu de ses iniquités. 6 Payez-la de sa propre monnaie ! Rendez-lui au double de ses forfaits ! Dans la coupe de ses mixtures, mélangez une double dose ! 7 À la mesure de son faste et de son luxe, donnez-lui tourments et malheurs ! Je trône en reine, se dit-elle, et je ne suis pas veuve, et jamais je ne verrai le deuil... 8 Voilà pourquoi, en un seul jour, des plaies vont fondre sur elle : peste, deuil et famine ; elle sera consumée par le feu. Car il est puissant le Seigneur Dieu qui l’a condamnée. »

Lamentations sur Babylone.w

9 Ils pleureront, ils se lamenteront sur elle, les rois de la terre, les compagnons de sa vie lascive et fastueuse, quand ils verront la fumée de ses flammes,

w Triple lamentation des rois de la terre, vv. 9-10, des marchands de la terre, vv. 11-17, des navigateurs, vv. 17-19. Elle s’inspire de Jr 50-51 et surtout Ez 26-28.

10 retenus à distance par peur de son supplice :

« Hélas, hélas ! Immense cité,
ô Babylone, cité puissante,
car une heure a suffi pour que tu sois jugée ! »

11 Ils pleurent et se désolent sur elle, les trafiquants de la terre ; les cargaisons de leurs navires, nul désormais ne les achète ! 12 Cargaisons d’or et d’argent, de pierres précieuses et de perles, de lin et de pourpre, de soie et d’écarlate ; et les bois de thuya, et les objets d’ivoire, et les objets de bois précieux,x de bronze, de fer ou de marbre ;

x Vulg. « pierre précieuse ».

13 le cinnamome, l’amome et les parfums, la myrrhe et l’encens, le vin et l’huile, la farine et le blé, les bestiaux et les moutons, les chevaux et les chars, les esclaves et la marchandise humaine...

14 Et les fruits mûrs, que convoitait ton âme, s’en sont allés, loin de toi ; et tout le luxe et la splendeur, c’est à jamais fini pour toi, sans retour !

15 Les trafiquants qu’elle enrichit de ce commerce se tiendront à distance, par peur de son supplice, pleurant et gémissant :

16 « Hélas, hélas ! Immense cité,
vêtue de lin, de pourpre et d’écarlate,
parée d’or, de pierres précieuses et de perles,

17 car une heure a suffi pour ruiner tout ce luxe ! »
Capitaines et gens qui font le cabotage,y matelots et tous ceux qui vivent de la mer, se tinrent à distance

y Vulg. « naviguent sur la mer ».

18 et criaient, regardant la fumée de ses flammes : « Qui donc était semblable à l’immense cité ? » 19 Et jetant la poussière sur leur tête, ils s’écriaient, pleurant et gémissant :

« Hélas, hélas ! Immense cité,
dont la vie luxueuse enrichissait
tous les patrons des navires de mer,
car une heure a suffi pour consommer sa ruine ! »

20 Ô ciel, sois dans l’allégresse sur elle, et vous, saints, apôtres et prophètes, car Dieu, en la condamnant, a jugé votre cause.z

z En contraste, le ciel exulte, cf. 16.5 ; 18.20 ; 19.1-10.

21 Un Ange puissant prit alors une pierre, comme une grosse meule, et la jeta dans la mer en disant : « Ainsi, d’un coup, on jettera Babylone, la grande cité, on ne la verra jamais plus... »a

a Geste symbolique d’un ange, après lequel la lamentation est reprise, vv. 22-23. La suite du v. 21 est au v. 24. Cette scène complète 18.1-3 Babylone sera détruite pour son idolâtrie, cf. 17.4, et pour ses persécutions contre les chrétiens, 18.24.

22 Le chant des harpistes et des trouvères
et des joueurs de flûte ou de trompette
chez toi ne s’entendra jamais plus ;
les artisans de tout métier
chez toi ne se verront jamais plus ;
et la voix de la meule
chez toi ne s’entendra jamais plus ;
23 la lumière de la lampe
chez toi ne brillera jamais plus ;
la voix du jeune époux et de l’épousée
chez toi ne s’entendra jamais plus.
Car tes marchands étaient les princes de la terre,
et tes sortilèges ont fourvoyé tous les peuples ;

24 et c’est en elle que l’on a vu le sang des prophètes et des saints, et de tous ceux qui furent égorgés sur la terre.

Chants de triomphe au ciel.b

19 Après quoi j’entendis comme un grand bruit de foule immense au ciel, qui clamait : « Alleluia !c Salut et gloire et puissance à notre Dieu,

b Chants de jubilation amorcés 18.20 et contrastant vivement avec les complaintes de 18. Ils accompagnent la chute de Babylone. Le premier chant, vv. 1-4, vient du ciel ; il est suivi d’un second, vv. 5-9, auquel s’associent les saints de l’Église entière invitée aux noces de l’Agneau.

c Seuls emplois dans le NT, 19.1, 3, 4, 6, de l’acclamation liturgique (« Louez Dieu ») en usage dans le culte israélite, Ps 111.1 ; 113.1 ; etc.

2 car ses jugements sont vrais et justes : il a jugé la Prostituée fameuse qui corrompait la terre par sa prostitution, et vengé sur elle le sang de ses serviteurs. » 3 Puis ils reprirent : « Alleluia ! Oui, sa fumée s’élève pour les siècles des siècles ! » 4 Alors, les vingt-quatre Vieillards et les quatre Vivants se prosternèrent pour adorer Dieu, qui siège sur le trône, en disant : « Amen, alleluia ! »

5 Puis une voix partit du trône : « Louez notre Dieu, vous tous qui le servez, et vous qui le craignez, les petits et les grands. » 6 Alors j’entendis comme le bruit d’une foule immense, comme le mugissement des grandes eaux, comme le grondement de violents tonnerres ; on clamait : « Alleluia ! Car il a pris possession de son règne, le Seigneur, le Dieu Maître-de-tout. 7 Soyons dans l’allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu, car voici les noces de l’Agneau,d et son épouse s’est faite belle :

d Les noces de l’Agneau symbolisent l’établissement du Royaume céleste qui sera décrit en 21.9s. Voir Os 1.2 et Ep 5.22-23.

8 on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante » — le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints. 9 Puis il me dit : « Écris : Heureux les gens invités au festin de noce de l’Agneau. Ces paroles de Dieu, ajouta-t-il, sont vraies. » 10 Alors je me prosternai à ses pieds pour l’adorer, mais lui me dit : « Non, attention, je suis un serviteur comme toi et comme tes frères qui possèdent le témoignage de Jésus. C’est Dieu que tu dois adorer. » Le témoignage de Jésus, c’est l’esprit de prophétie.e

e Jean tente de se prosterner, mais l’ange lui rappelle qu’il est lui aussi au service de Dieu, 1.1 ; 22.8-9, mise en garde probable contre le culte des puissances célestes, Col 2.18 ; He 1.14 ; 2.5. Le « témoignage de Jésus » est la Parole de Dieu, attestée par Jésus, que tout chrétien possède en lui, cf. 1.2 ; 6.9 ; 12.17 ; 20.4, et qui inspire les prophètes.

3. L’EXTERMINATION DES NATIONS PAÏENNES

Le premier combat eschatologique.f

11 Alors je vis le ciel ouvert, et voici un cheval blanc ; celui qui le monte s’appelle « Fidèle » et « Vrai », il juge et fait la guerre avec justice.

f Nous voici à la fin des temps. Après la chute de Babylone, prophétisée 14.8, 14-15, et réalisée 16.19-20 ; 17.12-14, le Christ fidèle, 3.14, accomplit le Jour de Yahvé, Am 5.18, en exterminant les ennemis de l’Église. Son portrait, vv. 11-16, s’inspire, comme les descriptions précédentes, 12.5 ; 14.6-20 ; 17.14, de diverses prophéties.

12 Ses yeux ? Une flamme ardente ; sur sa tête, plusieurs diadèmes ;g inscrit sur lui, un nom qu’il est seul à connaître ;

g Car il est le Roi des rois, v. 16 ; cf. 5.3, 13.

13 le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang ;h et son nom ? Le Verbe de Dieu.i

h Allusion (voir v. 15) à Isa 63.1. Symbole de la victoire sanglante qu’il va remporter sur les ennemis de son Peuple, cf. 5.5.

i Les noms du Cavalier victorieux, vv. 12, 13, 16, expriment, sous différents aspects, qui il est. Au nom divin transcendant, v. 12, s’ajoute ici celui de Parole, qui le désigne comme révélation efficace de Dieu, cf. Jn 1.1, 14 ; et plus précisément comme exécuteur de ses jugements, 20.11-12 ; 22.12, cf. Sg 18.14-18.

14 Les armées du cielj le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de lin d’une blancheur parfaite.

j Les armées angéliques, cf. Mt 26.53 ; ou plutôt l’armée des martyrs, d’après 14.4 et 17.14, vêtus de blanc, cf. 19.8 ; 3.5, 18 ; 6.11 ; 16.15 et aussi Mt 22.11s.

15 De sa bouche sort une épée acéréek pour en frapper les païens ; c’est lui qui les mènera avec un sceptre de fer ; c’est lui qui foule dans la cuve le vin de l’ardente colère de Dieu,l le Maître-de-tout.

k Le glaive est l’arme de la Parole exterminatrice, cf. 1.16 ; Isa 11.4 ; 49.2 ; Os 6.5 ; Sg 18.15 ; 2 Th 2.8 ; He 4.12.

l L’image du pressoir était un lieu commun du prophétisme pour symboliser l’extermination par Dieu des ennemis de son Peuple, au Grand Jour de sa colère ; cf. Gn 49.9-12 ; Jr 25.30 ; Isa 63.1-6 ; Jl 4.13 ; So 1.15. Sur le « vin de la colère », cf. 14.8, 19-20 ; Isa 51.17.

16 Un nom est inscrit sur son manteau et sur sa cuisse :m Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

m Titre seigneurial, cf. 17.14 ; Ph 2.9-11, qui dépasse à l’infini les titres blasphématoires de la Bête, 13.1 ; 17.3.

17 Puis je vis un Ange, debout sur le soleil, crier d’une voix puissante à tous les oiseaux qui volent au zénith : « Venez, ralliez le grand festin de Dieu ! 18 Vous y avalerez chairs de rois, et chairs de grands capitaines, et chairs de héros, et chairs de chevaux avec leurs cavaliers, et chairs de toutes gens, libres et esclaves, petits et grands ! »

19 Je vis alors la Bête, avec les rois de la terre et leurs armées rassemblés pour engager le combat contre le Cavalier et son armée. 20 Mais la Bête fut capturée, avec le faux prophète — celui qui accomplit au service de la Bête des prodiges par lesquels il fourvoyait les gens ayant reçu la marque de la Bête et les adorateurs de son imagen —, on les jeta tous deux, vivants, dans l’étang de feu, de soufre embrasé.

n Cette longue parenthèse rappelle les événements décrits au chap. 13.

21 Tout le reste fut exterminé par l’épée du Cavalier, qui sort de sa bouche, et tous les oiseaux se repurent de leurs chairs.