retour

Bible de Jérusalem

Apocalypse 12-14

Vision de la Femme et du Dragon.p

12 Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme !q le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ;

p Les chap. 12-14, faisant suite aux descriptions des préludes de la fin du monde, présentent sous d’autres formes la lutte actuelle du Dragon et de l’Agneau. — Le chap. 12 Combine les éléments de deux visions distinctes le combat du Dragon contre la Femme et sa descendance, vv. 1-6 et 13-17 ; le combat de Michel contre le Dragon, vv. 7-12.

q La scène répond à Gn 3.15-16. La Femme engendre dans la douleur, v. 2, celui qui sera le Messie, v. 5. Satan la tente, v. 9, cf. 20.2, la persécute ainsi que sa descendance, vv. 6, 13, 17. Elle représente le peuple saint des temps messianiques, Isa 54 ; 60 ; 66.7 ; Mi 4.9-10, et donc l’Église en lutte. Il est possible que Jean pense aussi à Marie, nouvelle Ève, la fille de Sion, qui a donné naissance au Messie, cf. Jn 19.25.

2 elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. 3 Puis un second signe apparut au ciel : un énorme Dragon rouge-feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème.r

r C’est « Satan », cf. v. 9 et 20.2 que les LXX traduisent « Diable »; le mot hébreu signifie proprement « Accusateur », cf. v. 10 et Za 3.1-2 et voir Jb 1.6. Dans la tradition juive, le Serpent ou le dragon symbolisait la puissance du mal, hostile à Dieu et à son peuple, et que Dieu devait détruire à la fin des temps, cf. Jb 3.8 ; 7.12.

4 Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre.s En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né.

s Allusion à la chute des mauvais Anges, entraînés par Satan.

5 Or la Femme mit au monde un enfant mâle,t celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer ;

t C’est le Messie considéré à la fois dans sa réalité personnelle et comme tête ou chef du nouvel Israël ; cf. le « Fils d’homme » de Dn 7.13, ou le « Serviteur de Yahvé », Isa 42.1.

6 et son enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône,u tandis que la Femme s’enfuyait au désert,v où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours.

u Allusion à l’Ascension et au triomphe du Christ, qui provoquera la chute du Dragon. Le triomphe de l’enfant est ici évoqué aussitôt après sa naissance.

v Refuge traditionnel des persécutés dans l’AT, cf. Ex 2.15 ; 1 R 19.3s ; 1 M 2.29-30. L’Église doit fuir loin du monde et se nourrir de la vie divine, cf. Ex 16 ; 1 R 17.4, 6 ; 19.5-8 ; Mt 4.3-4 ; 14.13-21. Elle y séjournera trois ans et demi, v. 14 ; 11.2-3.

7 Alors, il y eut une bataille dans le ciel : Michelw et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges,

w D’après la tradition juive (Dn 10.12-21 ; 12.1), c’est le champion de Dieu. Son nom veut dire « Qui (est) comme Dieu ? ».

8 mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. 9 On le jeta donc, l’énorme Dragon, l’antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier, on le jeta sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui. 10 Et j’entendis une voix clamer dans le ciel : « Désormais, la victoire, la puissance et la royauté sont acquises à notre Dieu, et la domination à son Christ, puisqu’on a jeté bas l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu.

11 Mais eux l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole dont ils ont témoigné, car ils ont méprisé leur vie jusqu’à mourir. 12 Soyez donc dans la joie, vous, les cieux et leurs habitants. Malheur à vous, la terre et la mer, car le Diable est descendu chez vous, frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés. »

13 Se voyant rejeté sur la terre, le Dragon se lança à la poursuite de la Femme, la mère de l’Enfant mâle. 14 Mais elle reçut les deux ailes du grand aigle pour voler au désert jusqu’au refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps.x

x Trois ans et demi, cf. 11.3.

15 Le Serpent vomit alors de sa gueule comme un fleuve d’eau derrière la Femme pour l’entraîner dans ses flots.y

y Satan va lancer l’Empire romain, comme un fleuve, cf. Isa 8.7-8, pour engloutir l’Église, cf. 13.

16 Mais la terre vint au secours de la Femme : ouvrant la bouche, elle engloutit le fleuve vomi par la gueule du Dragon. 17 Alors, furieux contre la Femme, le Dragon s’en alla guerroyer contre le reste de ses enfants, ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus.z

z Double signe distinctif des fidèles, 14.1 ; cf. 14.12 ; 20.4, déjà 1.1, 9, et Rm 8.29.

Le Dragon transmet son pouvoir à la Bête.a

18 Et je me tinsb sur la grève de la mer.

a La vision suivante s’inspire de Dn 7 (persécution d’Antiochus Épiphane). D’après 17.10, 12-14, la Bête de la mer (Méditerranée) est l’empire romain, qui représente toutes les forces dressées contre le Christ et l’Église en s’arrogeant des pouvoirs divins (ses titres, v. 1 ; cf. Dn 11.36 ; 2 Th 2.4). On retrouve les sept têtes et les dix cornes en 17.3, 7-12.

b Var. « il s’arrêta », qui rattacherait le v. 18 au passage précédent.

13 Alors je vis surgir de la mer une Bête ayant sept têtes et dix cornes, sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des titres blasphématoires.

2 La Bête que je vis ressemblait à une panthère, avec les pattes comme celles d’un ours et la gueule comme une gueule de lion ; et le Dragon lui transmit sa puissance et son trône et un pouvoir immense.c

c C’est de Satan, 12.3, qu’il tient toute sa puissance, cf. Mt 4.8-9 ; Jn 12.31 ; 2 Th 2.9.

3 L’une de ses têtes paraissait blessée à mort, mais sa plaie mortelle fut guérie ;d alors, émerveillée, la terre entière suivit la Bête.

d Allusion à quelque restauration de l’empire momentanément ébranlé (mort de César ? troubles qui suivirent la mort de Néron ?). La Bête égorgée et guérie est une parodie du Christ mort et ressuscité.

4 On se prosterna devant le Dragon, parce qu’il avait remis le pouvoir à la Bête ; et l’on se prosterna devant la Bête en disant : « Qui égale la Bête,e et qui peut lutter contre elle ? »

e Comparer le nom de Michel, 12.7.

5 On lui donna de proférer des paroles d’orgueil et de blasphème ; on lui donna pouvoir d’agir durant quarante-deux mois ; 6 alors elle se mit à proférer des blasphèmes contre Dieu, à blasphémer son nom et sa demeure, ceux qui demeurent au ciel. 7 On lui donna de mener campagne contre les saints et de les vaincre ; on lui donna pouvoir sur toute race, peuple, langue ou nation. 8 Et ils l’adoreront, tous les habitants de la terre dont le nom ne se trouve pas écrit, dès l’origine du monde, dans le livre de vie de l’Agneau égorgé. 9 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! 10 Les chaînes pour qui doit être enchaîné ; la mort par le glaive pour qui doit périrf par le glaive !g Voilà qui fonde l’endurance et la confiance des saints.

f Var. « qui tue par le glaive doit périr... »

g La phrase est difficile. Elle peut signifier que l’Église doit tenir ferme, sans résister coûte que coûte à ses persécuteurs, ou que le châtiment de ceux-ci par Dieu sera inexorable, cf. 14.11-12 ; Ps 5.11 ; Jr 15.2 ; Mt 26.52.

Le faux prophète au service de la Bête.

11 Je vis ensuite surgir de la terre une autre Bête ; elle avait deux cornes comme un agneau, mais parlait comme un dragon.h

h Elle sera désignée par la suite sous le nom de « faux prophète », 16.13 ; 19.20 ; 20.10. Avant de décrire le retour du Fils de l’homme, 14.14-20 ; cf. 19.11s et Mt 24.30, Jean montre à l’œuvre les faux christs (première Bête) et les faux prophètes (deuxième Bête) annoncés par le Christ, Mt 24.24 ; cf. 2 Th 2.9.

12 Au service de la première Bête, elle en établit partout le pouvoir, amenant la terre et ses habitants à adorer cette première Bête dont la plaie mortelle fut guérie. 13 Elle accomplit des prodiges étonnants : jusqu’à faire descendre, aux yeux de tous, le feu du ciel sur la terre ;

14 et, par les prodiges qu’il lui a été donné d’accomplir au service de la Bête, elle fourvoie les habitants de la terre, leur disant de dresser une image en l’honneur de cette Bête qui, frappée du glaive, a repris vie.i

i Dans l’Église, c’est l’Esprit qui accomplissait des prodiges, pour provoquer la foi au Christ ; la deuxième Bête imite l’Esprit, comme le Dragon et la première Bête imitaient le Père et le Fils, 13.3. Le Dragon, la première et la deuxième Bête sont une caricature de la Trinité.

15 On lui donna même d’animer l’image de la Bête pour la faire parler, et de faire en sorte que fussent mis à mort tous ceux qui n’adoreraient pas l’image de la Bête. 16 Par ses manœuvres, tous, petits et grands, riches ou pauvres, libres et esclaves, se feront marquer sur la main droite ou sur le front, 17 et nul ne pourra rien acheter ni vendre s’il n’est marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom.

18 C’est ici qu’il faut de la finesse ! Que l’homme doué d’esprit calcule le chiffre de la Bête, c’est un chiffre d’homme : son chiffre, c’est 666.j

j En grec comme en hébreu, chaque lettre avait une valeur mumérique selon sa place dans l’alphabet. Le chiffre d’un nom est le total de ses lettres. Ici « 666 » serait César-Néron (lettres hébraïques) ; « 616 » (Var.), César-Dieu (lettres grecques).

Les compagnons de l’Agneau.k

14 Puis voici que l’Agneaul apparut à mes yeux ; il se tenait sur le mont Sion, avec cent quarante-quatre milliers de gens portant inscrits sur le front leur nom et le nom de son Père.

k Aux sectateurs de la Bête, marqués du chiffre de son nom, 13.16-17, Jean oppose les fidèles de l’Agneau, 5.6, marqués de son nom et du nom de son Père, 7.4 ; 12.17. C’est le « reste », 11.1, fidèle à travers les persécutions, autour duquel sera restauré le Royaume après la victoire. Le mont Sion est le trône de Dieu, cf. 21.1.

l Var. « un Agneau ».

2 Et j’entendis un bruit venant du ciel, comme le mugissement des grandes eaux ou le grondement d’un orage violent, et ce bruit me faisait songer à des joueurs de harpe touchant de leurs instruments ; 3 ils chantent un cantique nouveaum devant le trône et devant les quatre Vivants et les Vieillards. Et nul ne pouvait apprendre le cantique, hormis les cent quarante-quatre milliers, les rachetés à la terre.

m Moïse avait chanté la délivrance d’Égypte, Ex 15.1-21 ; cf. 15.3-4 ; le cantique nouveau célèbre la nouvelle délivrance du Peuple de Dieu et l’ordre nouveau instauré par l’Agneau immolé.

4 Ceux-là, ils ne se sont pas souillés avec des femmes, ils sont vierges ;n ceux-là suivent l’Agneau partout où il va ;o ceux-là ont été rachetés d’entre les hommes comme prémices pour Dieu et pour l’Agneau.

n Au sens métaphorique la luxure désigne traditionnellement l’idolâtrie, cf. Os 1.2, ici le culte de la Bête, 17.1, etc. Les cent quarante-quatre mille sont rachetés, 5.9, sont intègres et fidèles, v. 5, ils ont refusé l’idolâtrie et peuvent être fiancés à l’Agneau, cf. 19.9 ; 21.2 ; 2 Co 11.2.

o Comme Israël suivait Yahvé au temps de l’Exode, le Peuple nouveau des rachetés suit l’Agneau, jusqu’au désert, cf. Jr 2.2-3, où seront nouées de nouvelles fiançailles (Os 2.16-25).

5 Jamais leur bouche ne connut le mensonge : ils sont immaculés.p

p Vocabulaire sacrificiel. Les prémices représentaient toute la moisson, Dt 26.2, les premiers-nés toute la famille, Nb 3.12, etc. Les victimes offertes au vrai Dieu devaient être sans défaut, Ex 12.5 ; 1 P 1.19.

Des anges annoncent l’heure du Jugement.q

6 Puis je vis un autre Ange qui volait au zénith, ayant une bonne nouvelle éternelle à annoncer à ceux qui demeurent sur la terre, à toute nation, race, langue et peuple.

q Trois anges viennent inviter les impies persécuteurs au repentir ; mais les impies s’obstineront, 16.2, 9, 11, 21. Cf. 15.5.

7 Il criait d’une voix puissante : « Craignez Dieu et glorifiez-le, car voici l’heure de son Jugement ; adorez donc Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les sources. » 8 Un autre Ange, un deuxième, le suivit en criant : « Elle est tombée, elle est tombée,r Babylone la Grande, elle qui a abreuvé toutes les nations du vin de la colère. »s

r Parfaits prophétiques.

s « du vin de la colère » corr. ; « du vin de la colère de sa prostitution » grec, comme en 18.3. — Le « vin de la colère » est une image courante chez les prophètes, Isa 51.17, de la colère divine promise aux idolâtres.

9 Un autre Ange, un troisième, les suivit, criant d’une voix puissante : « Quiconque adore la Bête et son image, et se fait marquer sur le front ou sur la main, 10 lui aussi boira le vin de la fureur de Dieu, qui se trouve préparé, pur, dans la coupe de sa colère. Il subira le supplice du feu et du soufre,t devant les saints Anges et devant l’Agneau.

t L’étang de feu et de soufre embrasé est le lieu de punition des impies, cf. 19.20 ; 20.10 ; 21.8.

11 Et la fumée de leur supplice s’élève pour les siècles des siècles ; non, point de repos, ni le jour ni la nuit, pour ceux qui adorent la Bête et son image, pour qui reçoit la marque de son nom. » 12 Voilà qui fonde la constance des saints, ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus. 13 Puis j’entendis une voix me dire, du ciel : « Écris : Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ; dès maintenant — oui, dit l’Esprit — qu’ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent. »u

u Contraste marqué entre le châtiment des impies et le repos heureux qui attend les fidèles, v. 12, dès leur mort, cf. 6.9-11.

La moisson et la vendange des nations.v

14 Et voici qu’apparut à mes yeux une nuée blanche et sur la nuée était assis comme un Fils d’homme, ayant sur la tête une couronne d’or et dans la main une faucille aiguisée.

v Moisson et vendange sont deux images du jugement divin, qui sera décrit 19.11-20.

15 Puis un autre Ange sortit du temple et cria d’une voix puissante à celui qui était assis sur la nuée : « Jette ta faucille et moissonne, car c’est l’heure de moissonner, la moisson de la terre est mûre. » 16 Alors celui qui était assis sur la nuée jeta sa faucille sur la terre, et la terre fut moissonnée.

17 Puis un autre Ange sortit du temple, au ciel, tenant également une faucille aiguisée. 18 Et un autre Ange sortit de l’autelw — l’Ange préposé au feu — et cria d’une voix puissante à celui qui tenait la faucille : « Jette ta faucille aiguisée, vendange les grappes dans la vigne de la terre, car ses raisins sont mûrs. »

w De l’autel montent le sang des martyrs, 6.9 ; 11.1, et la prière des saints, 8.3-5 ; 9.13, que l’Ange porte à Dieu pour demander justice.

19 L’Ange alors jeta sa faucille sur la terre, il en vendangea la vigne et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu, cuve immense ! 20 Puis on la foula hors de la ville,x et il en coula du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades.

x L’extermination des nations païennes doit s’effectuer hors de Jérusalem, d’après Za 14.2s, 12s ; Ez 38-39, cf. Lv 4.12 ; He 13.11-12.